L'Essentiel

Un an après son élection, et notamment suite aux incertitudes politiques en Allemagne ayant retardé la composition d’un nouveau gouvernement, le Président Macron souhaite toujours la définition d’une feuille de route de réforme de la zone euro.
Or les pays du Nord de l’Europe ne sont favorables à aucune des propositions d’Emmanuel Macron, s’opposant à une mutualisation des risques pour pouvoir absorber les chocs.
Si l’heure est selon eux davantage à la finalisation de l’union bancaire et à la réduction des risques, la mobilisation de financements européens dédiés à la zone euro et une réforme des institutions telle que prônée par la France semble désormais une perspective lointaine.

Dates clés

26 septembre 2017

Initiative pour l'Europe - discours d'Emmanuel Macron pour une Europe souveraine, unie, démocratique

septembre 2017

6 mars 2018

Lettre commune de huit pays du nord de l’Europe plaidant pour le respect du pacte de stabilité et de croissance

mars 2018

23 mars 2018

Sommet de la zone euro

Engagements de campagne

Durant la campagne, le candidat Macron a fait le diagnostic d’une zone euro grevée par le manque de coordination des politiques économiques et l’absence de complémentarité des stratégies nationales, qui empêchent toute capacité commune de réaction face aux chocs.

De même, si les débats consacrés à la zone euro, et plus généralement à la construction européenne, sont récurrents et anciens, ils restent perçus par les citoyens européens comme trop techniques et inaccessibles.

Sa campagne, résolument optimiste s’agissant des bienfaits de la construction européenne et de l’appartenance française à la zone euro, se concentre sur l’instauration de bases nouvelles pour une Europe de la croissance :

  • en créant un budget pour la zone euro avec trois fonctions précises :
    • garantir les investissements d’avenir ;
    • permettre une assistance financière d’urgence (avec l’idée que le Mécanisme européen de stabilité (MES) devait se pérenniser, par exemple en devenant un Fonds monétaire européen (FME)) ;
    • répondre aux crises économiques par son caractère contra-cyclique.
  • en instituant un poste de ministre de l’Economie et des finances de la zone euro, responsable du budget de la zone euro, et qui opèrerait sous le contrôle d’un Parlement de la zone euro.

Du point de vue d’Emmanuel Macron, l’Union économique et monétaire (UEM) manque donc d’une impulsion politique et d’outils budgétaires.

État des lieux

Avant d’obtenir un accord sur les actes, Emmanuel Macron a obtenu un consensus sur le diagnostic : la zone euro souffre aujourd’hui de l’absence de leadership politique en son sein.
Dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, le président de la République a insisté sur les difficultés rencontrées pour initier des réformes d’ampleur au sein de la zone euro. En mettant comme il l’a fait l’accent sur les institutions, il prend cependant le risque de reléguer en arrière plan les aspects culturels et de souveraineté d’une monnaie commune et d’éloigner une fois encore le débat des citoyens.
Emmanuel Macron poursuit une ligne cohérente depuis son élection :
  • l’approfondissement de la coopération pourrait se faire au sein d’un sous-groupe d’Etats qui s’engageraient sur des thématiques porteuses de croissance (numérique, énergie, fiscalité, etc.) ;
  • le renforcement de l’investissement à l’échelle européenne, prioritaire face à la mutualisation et aux transferts.
L’absence de gouvernement allemand jusqu’à mars 2018 a retardé la mise en place des réformes voulues par le président de la République.

Analyse

La proposition visant à nommer un ministre de l’Economie et des finances de la zone euro, responsable devant une formation zone euro du Parlement européen voire d’un Parlement ad hoc de la zone euro paraît, pour l’heure, peu réaliste. Emmanuel Macron semble avoir compris que le pragmatisme s’imposait et qu’une démarche jusqu’au-boutiste lui ferait perdre une partie de son capital politique.

S’il a explicitement énoncé ses ambitions pour la zone euro lors de son discours de la Sorbonne, la question des suites concrètes données à ces projets se pose désormais, aussi bien face aux autres États membres que face aux institutions européennes, dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le président de la République met en avant les réformes engagées au niveau national pour légitimer ses ambitions européennes et gagner en crédibilité aux yeux de ses voisins. Car c’est aussi et surtout par des réformes nationales que les économies de la zone euro pourront converger vers une zone monétaire optimale. Toutefois, il lui semble nécessaire d’élargir les initiatives actuelles comme futures à d’autres États membres tels que l’Espagne ou l’Italie qui se distinguent par leur volontarisme. A contrario, il ne faut pas considérer l’opinion publique allemande comme entièrement acquise par l’idée même du couple franco-allemand, ni par l’irréversibilité de la construction monétaire.

Et maintenant ?

L’idée d’un budget commun de la zone euro n’est pas nouvelle. Plébiscitée depuis le lancement de la monnaie unique, elle permettrait d’accompagner la politique monétaire européenne d’une politique budgétaire d’ampleur assurant ainsi un policy mix mieux coordonné.

Les pays du Nord de l’Europe se sont positionnés dans une lettre commune, parue le 12 mars 2018 en réponse aux positions franco-allemandes. De leur point de vue, la construction européenne n’est pas synonyme d’un partage des risques ou de mutualisations mais d’un respect de règles communes, à commencer par celles énoncées par le pacte de stabilité et de croissance.

Selon les pays signataires, la coopération monétaire serait allée plus loin que la simple garantie d’une stabilité monétaire, principe au fondement de l’action de la Banque Centrale Européenne (BCE). L’indépendance de la BCE devrait ainsi être réaffirmée dans un contexte où une dominance budgétaire dans la gestion de crise pourrait progressivement laisser place à une approche monétaire plus indépendante de la gestion post-crise.

La priorité est donc de passer d’une approche de protection mutuelle à une approche visant à renforcer la force commune et défendre le discours d’une Europe comme une puissance économique s’appuyant sur une monnaie commune stable. Il convient donc de soutenir l’euro sur la scène internationale tout comme de la rapprocher des citoyens qui l’utilisent (les conventions citoyennes pouvant servir de relai).

La réforme de la zone euro doit donc passer par un discours et des actes qui ne mettent pas au premier rang les dispositions techniques d’une réforme purement institutionnelle. Elle ne réussira que si elle s’inscrit dans une vision politique qui reconnait que la culture et le savoir sont les meilleurs garants de la pérennité du projet européen et de la monnaie unique.