L'Essentiel
Après une polémique à l’été sur les moyens de la défense, l’objectif d’un budget porté à 2 % du PIB d’ici à 2025 a été réaffirmé.
La relance de l’Europe de la défense, s’inscrivant dans l’agenda voulu par le candidat Macron d’une “Europe qui protège”, continue d’être défendue par la France (avec, par exemple, le lancement de la coopération structurée permanente et d’un Fonds européen de défense).
Un service civique obligatoire doit être réinstauré, mais sa définition comme son coût budgétaire ne sont pas précisés à ce jour.
Données clés
Le budget de la défense a fait l’objet d’une régulation de 850 M€ en 2017 (20 % du “coup de rabot” total sur les dépenses publiques).
L’engagement a été pris, dans le projet de loi de programmation militaire du 8 février 2018, de porter ce budget de 34,2 Md€ en 2018 (avec un accroissement pour cette première année du quinquennat de 1,8 Md€) à 50 Md€ en 2025 (pour atteindre le seuil des 2 % du PIB). Il est prévu que cette hausse se fasse en deux temps :
- une augmentation de 1,7 Md€ par an jusqu’en 2022 ;
- une augmentation de 3 Md€ par an de 2022 à 2025 (soit sous le prochain mandat présidentiel).
Dates clés
13 octobre 2017
Remise de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale à Emmanuel Macron
octobre 2017 8 fevrier 2018
Présentation du projet de loi de programmation militaire (LPM))
fevrier 2018 Chiffres
Loi de programmation militaire
Descriptif détaillé : | Adoption en cours du projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 |
Coût pour les finances publiques estimé à 18 Md€ par an en 2025 |
Répartition du coût : |
Coût supporté par l’État : | 100 % |
Coût supporté par les collectivités locales : | 0 % |
Coût supporté par la sécurité sociale : | 0 % |
Analyse détaillée de la proposition
Commentaire synthétique
La loi de programmation militaire 2019-2025, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 27 mars 2018, prévoit une hausse conséquente des moyens consacrés à la défense visant à atteindre en 2025 le niveau de 2 % du PIB consacré à ce secteur. Dès 2018, des moyens supplémentaires sont prévus pour la défense, pour des dépenses à hauteur de 2 Md€ par rapport au niveau 2017. Sur la période couverte par la LPM (2019-2025), ce seraient au total 71 Md€ qui seraient dépensés en plus en cumulé par rapport à un scénario dans lequel le montant des dépenses 2017 aurait été stabilisé sur la période (73 Md€ en prenant en compte l’incrément effectué en 2018). En 2025, les dépenses de défense atteindraient 50 Md€, soit 18 Md€ de plus qu’en 2017, ce qui permettrait d’atteindre le niveau de 2 % du PIB.
Chiffrage détaillé
Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, voté en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 mars 2018 et encore en discussion au Parlement, prévoit une augmentation forte des dépenses consacrées à la défense nationale dans le but, affiché par le Gouvernement, de moderniser les forces françaises. En termes financier, l’objectif est d’atteindre en 2025 un niveau de dépenses correspondant à 2 % du PIB, niveau que la France s’est engagée à atteindre dans le cadre de sa participation à l’OTAN. Selon les hypothèses économiques retenues par le gouvernement, le PIB atteindrait environ 2 938 Md€ en 2025. Pour représenter 2 % du PIB, les dépenses militaires devraient donc représenter environ 59 Md€.
Le périmètre retenu par le gouvernement pour son objectif de 2 % du PIB concerne uniquement les crédits budgétaires de la mission “défense” du budget de l’État. Les dépenses de pension des militaires sont incluses dans ce calcul, mais connaîtraient sur la période une faible évolution. Dès 2018, des crédits supplémentaires ont été alloués au budget de la défense dans le cadre de la loi de finances : la mission “défense” du budget de l’État regroupe ainsi 34,2 Md€ de crédits (hors pensions), en augmentation de 1,7 Md€ par rapport au niveau alloué par la loi de finances initiale pour 2017 (32,5 Md€). Pour les années suivantes, la loi de programmation militaire prévoit de nouvelles augmentations sur la partie hors pensions de la mission “défense” :
- +1,7 Md€ par an environ entre 2019 et 2022 ;
- +3 Md€ par an environ entre 2023 et 2025.
Au total, le montant des dépenses de la mission “défense” représenterait 50 Md€ hors pensions en 2025, et 58,7 Md€ y compris les dépenses de pensions. Ce montant permettrait bien d’atteindre 2 % du PIB consacré à la défense en 2025.
| 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 |
Dépenses “défense” hors pensions (en Md€) | 32,4 | 34,2 | 35,9 | 37,6 | 39,3 | 41 | 44 | 47 | 50 |
Incrément annuel des dépenses hors pensions (en Md€) | – | 1,8 | 1,7 | 1,7 | 1,7 | 1,7 | 3 | 3 | 3 |
Dépenses “défense” totales (en Md€) | 40,6 | 42,6 | 44,4 | 46,1 | 47,9 | 49,6 | 52,6 | 55,6 | 58,7 |
Écart au niveau des dépenses 2017 | – | 2,1 | 3,9 | 5,6 | 7,4 | 9,1 | 12,1 | 15,1 | 18,2 |
Part dans le PIB des dépenses militaires (en %) | 1,77 % | 1,82 % | 1,84 % | 1,85 % | 1,86 % | 1,86 % | 1,91 % | 1,95 % | 2 % |
Par rapport au niveau 2017, les dépenses issues de cette décision d’accorder des moyens supplémentaires à la défense seraient donc supérieures de 2 Md€ en 2018, de 3,9 Md€ en 2019, de 5,6 Md€ en 2020, etc. En cumulé, ce sont 73 Md€ qui seront dépensés en plus sur la période par rapport à un scénario alternatif dans lequel le niveau 2017 des dépenses aurait été simplement stabilisé.
Sources utilisées
Engagements de campagne
Emmanuel Macron définissait trois objectifs principaux dans son programme concernant la défense :
- Donner aux armées des moyens pour assurer la défense de la France. En portant le budget de la défense à 2 % du PIB d’ici à 2025, en engageant la modernisation de la force de dissuasion nucléaire ou encore en renouvelant les équipements conventionnels d’une force opérationnelle préservée, le candidat Macron a souhaité maintenir le niveau d’engagement actuel de l’armée française.
- Agir pour le développement d’une Europe de la défense. Par l’activation de groupements tactiques et le soutien à la création d’un Fonds européen de défense, Emmanuel Macron souhaite une coopération dans le domaine de la défense, synonyme d’une “Europe qui protège“.
- Renforcer les liens entre la nation et les armées. Par des moyens supplémentaires à la réserve opérationnelle et à la garde nationale, mais surtout par la création d’un service militaire obligatoire et universel d’un mois, le candidat a souhaité répondre à la défiance d’une partie de la population vis-à-vis de l’institution militaire.
État des lieux
La modernisation de l’outil de défense s’inscrit dans le cadre d’une Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, coordonnée par le député européen Arnaud Danjean, spécialiste des questions de défense. Elle a été rendue publique le 13 octobre 2017. Cet exercice, plus léger que la rédaction d’un nouveau Livre blanc comme en 2008 et 2013, place la stratégie de défense et de sécurité de la France dans le contexte d’une analyse stratégique actualisée des risques et des menaces environnantes.
La Revue stratégique s’inscrit dans la continuité des Livres blancs et n’apporte pas d’éléments fondamentalement novateurs. Elle souligne cependant l’importance du concept d’ “autonomie stratégique”, au niveau de la France (qui doit pouvoir agir seule et fédérer ses partenaires) comme au niveau de l’Union européenne (cela a été reconnu pour la première fois dans la stratégie globale de l’UE adoptée en juin 2016 sous l’égide de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité). Elle affirme qu’à côté du partenariat franco-allemand au sein de l’UE, le partenariat franco-britannique, depuis les accords de Lancaster House en 2010, devra se poursuivre et restera essentiel. Elle justifie le renouvellement des deux composantes aérienne et maritime de la dissuasion nucléaire, dont le budget doit être significativement augmenté pour ce faire à l’horizon 2025.
La modernisation de la défense française est étroitement liée à l’ambition européenne affichée par le président Emmanuel Macron. Là aussi, c’est la continuité qui prévaut, puisque l’Europe de la défense a été relancée par la France et l’Allemagne, avec l’appui de l’Espagne et de l’Italie, dès le lendemain du vote du Brexit en juin 2016. Le lancement en décembre 2017 de la coopération structurée permanente (une liste d’engagements renforcés en matière de défense) par 25 États, et du Fonds européen de défense proposé par la Commission européenne (avec une partie recherche militaire et une partie développement industriel), étaient déjà initiés avant l’élection du président. Ce dernier y a ajouté le souffle de son ambition européenne et a mis l’accent, dans le droit fil des priorités françaises traditionnelles, sur l’autonomie stratégique européenne et sur le renforcement des ambitions opérationnelles militaires de l’Europe. Il a proposé à cette fin, dans le discours de la Sorbonne, une “initiative européenne d’intervention”, dont les contours doivent encore se concrétiser.
La Revue stratégique ne mentionne pas le service national universel proposé par le candidat durant sa campagne (dans une ambition républicaine et sociale), ne fût-ce que parce que ce service n’a pas vocation à être uniquement militaire. Malgré les réticences des administrations et un rapport parlementaire favorisant une initiation des jeunes à la défense et à la citoyenneté plutôt qu’un service civique obligatoire, le président a affiché sa préférence pour un service obligatoire de trois à six mois (qui s’adressera aussi aux filles) et une commission a été chargée d’en définir les contours d’ici la fin du mois d’avril 2018.
Analyse
La première difficulté est d’ordre budgétaire.
Dans un contexte de finances publiques contraintes, il était difficile pour le nouvel exécutif d’épargner le budget de la défense de mesures de restriction budgétaire. Ce qui a provoqué une importante polémique à la suite de la démission du Chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, en juillet 2017. Cet épisode a eu un effet paradoxal, car il a conduit le président à réaffirmer ses engagements budgétaires de campagne et à manifester fortement son attachement aux armées (visite des troupes au Mali à la veille de la Noël 2017, vœux aux armées à Toulon en janvier 2018). L’engagement consistant à porter à 2 % du PIB le budget de la défense, qui a été pris dans le cadre de l’OTAN lors du sommet du pays de Galles de 2014, est réaffirmé. Néanmoins, malgré un effort très significatif engagé durant le quinquennat actuel, et qui ne sera pas facile à tenir dans le contexte difficile des finances publiques de la France, une bonne partie de l’accroissement du budget de la défense est renvoyé au quinquennat suivant (2022-2025). De plus, la loi de programmation militaire votée prévoit que le surcoût des opérations extérieures (OPEX) sera dorénavant porté par le ministère des Armées.
La variable budgétaire aura sans doute aussi son importance dans la définition à trouver du futur “service national universel“. Les différents chiffrages réalisés pendant la campagne électorale ont en effet montré qu’un tel dispositif pouvait s’avérer très onéreux.
La deuxième difficulté porte sur l’engagement des partenaires européens de la France dans l’Europe de la défense.
Certes, l’Europe de la défense bénéficie d’une dynamique positive dans le prolongement du Brexit et de l’attitude américaine encourageant les Européens à prendre davantage en main leur sécurité. Mais la France peine à convaincre ses partenaires de développer les ambitions opérationnelles et les capacités d’intervention militaire de l’UE.
Le lancement du Fonds européen de défense sera très utile pour promouvoir les coopérations militaires, pour réaliser des économies d’échelle dans les dépenses européennes d’armement, pour renforcer la base industrielle et technologique de défense au niveau européen. Les nouveaux financements européens devront combiner moyens communautaires (gérés par la Commission européenne) et action intergouvernementale à travers l’Agence européenne de défense, pour créer une synergie entre les États membres et la Commission européenne afin de développer des projets capacitaires communs.
La coopération structurée permanente est plus décevante dans la mesure où, loin de former un ambitieux “Schengen de la défense“, elle a été très largement diluée du fait de sa participation très large (seuls le Royaume-Uni, le Danemark et Malte n’en font pas partie), son orientation est essentiellement capacitaire (il s’agit de permettre la concrétisation de projets capacitaires communs), et Paris n’a pas vraiment réussi à entraîner ses partenaires dans une vision opérationnelle robuste et ambitieuse.
De façon significative, l’agenda de relance de l’Europe de la défense est accompagné d’un volet civil qui reste la priorité d’un certain nombre de partenaires, notamment nordiques (projet d’un pacte en matière de politique de sécurité et de défense commune civile).
D’autres propositions de campagne (création d’un Conseil de sécurité européen et d’un Quartier général opérationnel européen, activation des “groupements tactiques européens”) ou post-élection (initiative européenne d’intervention) restent également à concrétiser.
Et maintenant ?
La première priorité sera d’honorer les promesses budgétaires pour permettre aux armées de se moderniser conformément aux objectifs de la loi de programmation militaire.
La deuxième priorité sera de poursuivre l’approfondissement de l’Europe de la défense, avec un triple défi :
- celui d’articuler une nouvelle relation UE-Royaume-Uni et une nouvelle relation UE-OTAN dans le contexte du Brexit (avec le souci de renforcer l’autonomie stratégique européenne sans perdre le lien ni avec le Royaume-Uni, ni avec l’OTAN et les États-Unis, dans le prolongement de la déclaration UE-OTAN de Varsovie en juillet 2016) ;
- celui d’utiliser le Fonds européen de défense pour renforcer les capacités et les synergies dans l’industrie européenne d’armement, et de restructurer cette industrie, tout en y défendant la place des acteurs industriels français ;
- celui de renforcer la capacité d’intervention militaire de l’UE, car le renforcement de l’outil de défense européen n’est qu’une partie du problème, il faut aussi se mettre d’accord sur des ambitions communes, rapprocher les doctrines stratégiques des États membres (avec la proposition française réitérée d’un livre blanc européen pour la sécurité et la défense), et savoir agir avec volonté et rapidité quand la nécessité s’en présentera. À cet égard, l’accord de coalition entre CDU-CSU et SPD ne montre pas d’inflexion significative de l’Allemagne dans le sens d’un plus fort engagement au service d’une Europe de la défense plus intégrée et plus active.