Le président Macron a cherché à renouer le dialogue avec son homologue russe sur une position toutefois de fermeté, y compris sur des sujets comme la cybersécurité. Les ouvertures qu’il a faites, principalement sur la Syrie, n’ont pas été jusqu’ici payées de retour. L’attitude russe récente – non respect flagrant des résolutions des Nations Unies sur une trêve en Syrie, affaire Skripal (du nom de l’espion russe victime d’un empoisonnement à Salisbury) – rend de plus en plus difficile une politique d’ouverture.
29 mai 2017
Visite de travail de Vladimir Poutine à Paris
mai 201724 mai 2018 - 25 mai 2018
Visite d'Emmanuel Macron à Moscou
mai 2018Le discours du candidat Macron était marqué par une certaine ambivalence :
C’est surtout la rencontre de Versailles avec Vladimir Poutine, le 29 mai 2017, qui a lancé la politique russe d’Emmanuel Macron. Symboliquement, l’accueil fastueux du président russe, dans les premiers jours de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, contrastait avec le refus qui avait été celui de François Hollande, quelques mois plus tôt, de recevoir le président russe à Paris à l’occasion de l’inauguration du centre culturel russe sur les bords de la Seine.
En pratique, la rencontre a débouché sur la création d’un “dialogue de société à société“ (“dialogue de Trianon” censé établir des contacts réguliers entre représentants des deux sociétés civiles) et la levée du gel de certaines réunions ministérielles bilatérales.
Au terme de cette visite, fidèle à sa règle du “en même temps“, Emmanuel Macron a asséné dans la conférence de presse commune des vérités sévères. Il est notamment revenu sur les tentatives russes de manipulation de l’information et de déstabilisation des processus démocratiques à l’Ouest tout en reprenant à son compte plusieurs points de l’argumentaire russe sur la Syrie : acceptation du maintien de Bachar al-Assad au moins pendant la période de transition, ouverture à des contacts avec certains éléments du régime, disponibilité à travailler avec la Russie à un processus politique. Faisant la synthèse des deux attitudes le président français indiquait son attente à l’égard de la Russie sur deux “lignes rouges” : le non emploi par le régime syrien de l’arme chimique et l’accès sans entrave des convois humanitaires.
Il est vraisemblable que Vladimir Poutine, habile manipulateur de ses homologues et rompu à l’exercice, a laissé le beau rôle à Emmanuel Macron à Versailles dans l’espoir de nouer avec le nouveau président français une relation profitable. Dans ce contexte, l’élément frappant – et à vrai dire mystérieux – est que la diplomatie russe n’ait fait ensuite aucun effort pour cultiver cette relation. Par exemple, il n’aurait pas coûté grand chose à Vladimir Poutine d’accepter la proposition de son homologue d’un “groupe de contact” sur la Syrie. Il n’a pas consenti à ce geste, pas plus bien entendu qu’à infléchir le comportement du président syrien sur l’emploi d’armes chimiques ou l’accès humanitaire. Les deux visites effectuées par Jean-Yves Le Drian à Moscou se sont par la suite révélées improductives.
Il va de soi que Vladimir Poutine n’a donné aucune suite aux appels à la retenue du président français sur la “guerre informationnelle” ou sur des sujets de contentieux désormais classiques comme l’Ukraine.
Comment expliquer l’attitude peu encourageante de Moscou ? Une interprétation est que du point de vue de Vladimir Poutine, “Versailles s’est mal passé“. Le président russe n’aurait pas apprécié de se voir donner des leçons par son jeune collègue français. Une seconde clef d’interprétation est que la Russie n’accorde pas suffisamment d’importance à la relation avec la France pour modifier substantiellement sa politique. Sur la Syrie en particulier, elle suit le réflexe bien connu : “la France, combien de divisions ?”.
Cependant, Emmanuel Macron est attendu en mai 2018, pour le Forum économique de Saint Pétersbourg, précédé éventuellement d’une visite d’État à Moscou. Il est probable – troisième interprétation compatible d’ailleurs avec les deux premières – que le chef du Kremlin joue dans la durée : il attend que le chef de l’État français vienne sur son terrain. Les liens qu’il cultive avec les grandes entreprise françaises et le pedigree d’Emmanuel Macron dans les affaires doivent laisser penser à Vladimir Poutine que c’est par le biais de l’économie que la Russie peut améliorer ses relations avec la France.
Outre le durcissement général de la politique russe vis-à-vis de l’Occident, l’un des problèmes pour les Européens réside précisément dans la difficulté de jouer la carte économique qui est traditionnellement la leur dans la relation avec la Russie, et cela pour deux raisons : le maintien des sanctions, dû à l’absence de progrès dans l’affaire ukrainienne, le recul objectif de l’économie russe (absence de réformes, accroissement de la corruption, dé-globalisation). Par ailleurs, sur les questions de sécurité, comme l’a montré la “Revue stratégique de défense et de sécurité nationale” à laquelle a procédé la nouvelle administration française, le ton à Paris, comme dans d’autres capitales occidentales, est au relèvement de la garde.
C’est l’ensemble des relations de la Russie avec le monde occidental qui se trouve désormais en jeu, du fait de l’attitude persistante de confrontation de la Russie ainsi que de la crispation de Washington pour des raisons en partie internes. Le biais pro-Poutine de Donald Trump ne suffit pas à compenser la tendance à la polarisation actuelle.
Emmanuel Macron peut-il dans ce contexte adopter un rôle de médiateur potentiel ? L’affaire Skripal, venant après l’intervention russe dans plusieurs élections en Europe, la complicité de la Russie avec le régime Assad et le blocage des discussions sur l’Ukraine réduisent les marges de manœuvre du président français. Aujourd’hui les questions portent sur d’éventuelles sanctions européennes supplémentaires et la possibilité d’un boycott du Mondial de football de cet été à Moscou.
Dans ce contexte, la question se pose du maintien ou en tout cas du profil des prochains déplacements prévus du président de la République en Russie.