L'Essentiel
Après une timide reprise des constructions de logements depuis 2016, les mises en chantier de logements neufs entre janvier et mars 2018 ont reculé de 3,4 % comparé à la même période en 2017, quand le nombre de permis de construire a baissé de 1,6 %. Cette situation ne saurait masquer une situation inquiétante de déséquilibre entre l’offre et la demande, alimentant une inflation persistante des prix de l’immobilier face à une politique du logement complexe et onéreuse, puisque plus de 40 Md€ lui sont consacrés (soit 2 % du PIB contre 0,7 % en moyenne dans l’Union européenne).
Durant la campagne, le candidat Macron a défendu le principe d’un “choc d’offre” afin de construire davantage de logements, ainsi que celui de l’égalité dans l’accès au logement (construction de logements pour les jeunes et ménages modestes par exemple). Il a par ailleurs fait de l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des Français, mesure particulièrement coûteuse pour les finances publiques, un des principaux symboles de sa politique fiscale en faveur du pouvoir d’achat des classes moyennes et des Français les plus modestes.
La “stratégie logement” du gouvernement, présentée en septembre 2017, vise à réaliser des économies dans la dépense publique (avec une baisse du budget de 9,8 % en 2018) tout en améliorant l’offre de logement par des mesures de simplification normative et d’abattements fiscaux. Si la réforme des aides personnalisées au logement (APL) s’avérait nécessaire, elle ne répond ni réellement aux impératifs de baisse de la dépense, ni aux besoins des bénéficiaires.
Données clés
- Évolution des mises en chantier de logements neufs : d’avril 2017 à mars 2018, 425 800 logements ont été mis en chantier, soit une progression de 9,2 % par rapport au cumul des douze mois précédents. La hausse a été continue jusqu’à fin 2017 puis s’est suivie, entre janvier et mars 2018, d’une baisse de 3,4 % des mises en chantier de logements neufs par rapport au 1er trimestre 2017.
- Évolution des permis de construire : de la même manière, on constate une contraction de 1,6 % des permis de construire au 1er trimestre 2018 par rapport au 1er trimestre 2017.
- Prix de l’immobilier : une augmentation de +4,0 % au 4ème trimestre 2017 par rapport au 4ème trimestre 2016.
- Malgré une baisse du taux des crédits immobiliers, une augmentation de 4 mois de la durée moyenne des prêts depuis 1 an.
- Des loyers stables, qui augmentent moins vite que les revenus et baissent dans de nombreux territoires
Dates clés
1 juillet 2017 - 30 septembre 2017
Consultation auprès des acteurs du logement, de la construction et de l'aménagement pour identifier les besoins et les propositions
juillet 2017 20 septembre 2017
Présentation de la Stratégie logement
septembre 2017 1 octobre 2017
Baisse de l'aide personnalisée au logement (APL)
octobre 2017 12 octobre 2017
Présentation du plan pour conforter l'attractivité des villes moyennes
4 avril 2018
Présentation du projet de loi logement
avril 2018 Chiffres
Baisse des APL
Descriptif | Baisse de 5 € par mois du montant des aides personnelles au logement décidée au 1er octobre 2017 puis baisse des APL dans le secteur social. |
Promesse de campagne ? | Non |
Economie totale d’environ 2 Md€ par an pour l’État |
Répartition des économies : |
Économie pour l’État : | 100 % |
Économie pour les collectivités locales : | 0 % |
Économie pour la sécurité sociale : | 0 % |
Analyse détaillée de la proposition
Commentaire synthétique
La baisse des aides personnelles au logement, décidée au 1er octobre 2017, concerne l’ensemble des bénéficiaires de ces aides, soit 6,5 millions de foyers. Cette baisse représentant 5 € par mois, permet à l’État, qui verse ces aides, d’économiser environ 32,5 M€ par mois et 390 M€ sur une année complète.
Dans la loi de finances pour 2018, une nouvelle baisse durable des APL a été mise en place dans le parc social. Pour l’État, cela représentant une économie de 1,5 Md€.
Au total, l’économie pour l’État se porte donc à environ 2 Md€ en année pleine.
Chiffrage détaillé
Premier volet : baisse des APL de 5 euros au 1er octobre 2017
6,5 millions de foyers (soit un cinquième des ménages français) sont bénéficiaires, en France, des aides personnelles au logement, qui regroupent trois dispositifs :
- l’aide personnalisée au logement (APL), qui concerne uniquement le logement social ;
- l’allocation de logement familiale (ALF) versée aux familles habitant des logements privés ;
- l’allocation de logement sociale (ALS) versée aux autres publics dans le logement privé.
Un rapport publié par le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) en 2015 met par ailleurs en avant le fait que les trois quarts du montant des aides personnelles au logement bénéficient aux 30 % des ménages les plus pauvres.
Ces aides représentent au total un montant annuel de 18 Md€, soit environ la moitié des crédits budgétaires consacrés à la politique du logement (40 Md€).
La baisse décidée de 5 € par mois concernant l’ensemble des bénéficiaires des aides au logement, soit 6,5 millions de foyers, le rendement attendu représente environ 32,5 M€ par mois pour l’État, et 390 M€ par an. La réforme étant entrée en vigueur au 1er octobre 2017, l’économie a représenté environ 100 M€ en 2017. A partir de 2018, elle représente 390 M€ par an.
Cette économie bénéficie en totalité à l’État qui a la compétence pour le versement de ces aides.
Des effets de seuil auraient pu augmenter le rendement de cette mesure d’économie pour l’État : en effet, en-dessous d’un certain montant, les APL ne sont plus versées. Cependant, ce montant qui était de 15 € par mois avant la réforme est passé à 10 € à la suite de la réforme, de sorte qu’aucun effet de seuil supplémentaire n’est créé par cette réforme.
Deuxième volet : réforme des APL dans le cadre de la loi de finances pour 2018
Dans le cadre la loi de finances pour 2018, une nouvelle baisse des aides personnelles au logement a été décidée.
Cette baisse concerne uniquement le parc social, qui représente au total 8 Md€ d’aides personnelles (sur un montant total de 18 Md€ d’APL).
2,2 millions de ménages du parc social touchent des aides au logement.
La baisse des versements de l’État au Fonds national des aides au logement (FNAL), fonds qui gère les APL, atteint 1,5 Md€ dès 2018. Dès lors, l’économie en dépense pour l’Etat est de 1,5 Md€, qui s’ajoutent au 0,4 Md€ d’économies du premier volet (baisse de 5 euros décidée fin 2017).
La baisse des APL versées par le FNAL est cependant progressive : selon le gouvernement, elle représentera 0,8 Md€ en 2018, puis 1,2 Md€ en 2019 et enfin 1,5 Md€ en 2020. Afin de garantir que cette baisse ne se fera pas au détriment des ménages modestes, une réduction de loyer de solidarité (RLS) est mise en place pour un montant équivalent chaque année.
Ce mécanisme est détaillé à l’article 126 de la loi de finances pour 2018.
Une réduction du loyer de solidarité est prévue, pour les locataires en secteur social. Le montant maximal de cette réduction varie selon la situation du ménage (bénéficiaire isolé, couple, personnes à charge) et selon la zone concernée. Un renvoi à un arrêté est ensuite fait pour définir précisément le montant de la réduction appliquée en 2018. L’
arrêté du 28 février 2018 détermine cette réduction : elle va de 26 € par mois (bénéficiaire isolé en “zone III”) à 43 € par mois (bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge en “zone I”). Si l’on prend une réduction moyenne de 35 €, multiplié par 12 mois et par le nombre de ménages concernés (environ 2,2 millions), on trouve un chiffre de réduction du loyer de solidarité d’environ 900 M€ en 2018 (contre 800M€ mis en avant par le gouvernement en 2018).
L’article 126 de la loi de finances pour 2018 établit ensuite que la réduction des APL suit la réduction du loyer de solidarité : elle représente 90 à 98 % de cette réduction de loyer. Si l’on prend le chiffre moyen de 95 %, la réduction des APL représente environ 850 M€ en 2018, chiffre cohérent avec les 800 M€ annoncés par le gouvernement.
Pour les années suivantes, le gouvernement pourra modifier l’arrêté afin de permettre la réduction supplémentaire des loyers de solidarité et celle concomitante des APL.
En 2018 et 2019, la baisse des dotations au FNAL (1,5 Md€) est donc supérieure à la baisse des APL payées par le FNAL. L’équilibre du FNAL en 2018 et 2019 est assuré par l’apport de recettes fiscales : affectation d’une part plus importante de cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif et relèvement du taux de la TVA sur les opérations de construction et réhabilitation de logements sociaux (de 5,5 à 10 %). Ces recettes fiscales permettent de combler l’écart entre d’une part, la baisse des versements de l’État (1,5 Md€) et d’autre part, la baisse des APL versées (0,8 Md€ en 2018 et 1,2 Md€ en 2019). Elles représenteront ainsi 0,7 Md€ en 2018 et 0,3 Md€ en 2019.
Au total, le coût de cette réforme est ainsi essentiellement supporté par les organismes HLM qui subissent à la fois la baisse des loyers et la hausse de la fiscalité.
La loi de finances pour 2018 prévoit par ailleurs d’autres mesures de moindre ampleur en ce qui concerne les APL (suppression de l’APL “accession” ; lutte contre la fraude ; gel en 2018 de l’indexation des aides au logement et gel des loyers dans le parc social) qui devraient se traduire par un gain d’environ 0,2 Md€ pour les finances publiques.
Sources utilisées
Engagements de campagne
Durant la campagne présidentielle, le candidat Macron s’est engagé à :
- créer un “choc d’offre”, afin de “tasser les prix” là où les besoins sont les plus forts ;
- faciliter l’accès au logement pour les jeunes et les actifs en mobilité, à travers la construction de 80 000 logements pour les jeunes et la création d’un bail “mobilité professionnelle” ;
- transférer les autorisations d’urbanisme dans les zones prioritaires, notamment le permis de construire, à l’intercommunalité, ou le cas échéant à la métropole, voire à l’État ;
- accroître les solutions de logement pour les ménages aux ressources modestes, en poursuivant la production de logements sociaux au même niveau que ces dernières années ;
- rendre l’attribution des logements sociaux plus transparente ;
- créer 10 000 places supplémentaires en pension de famille en cinq ans et assurer un droit à la domiciliation pour les sans-abris ;
- accélérer la rénovation des logements pour accélérer la transition environnementale, en transformant le Crédit d’impôt transition énergétique (CITE) en prime immédiatement perceptible au moment des travaux et non l’année suivante et en amplifiant le programme de rénovation urbaine en le portant à 10 Md€.
État des lieux
Après une consultation des acteurs à l’été, la stratégie logement du gouvernement a été présentée le 20 septembre 2017. Elle développe assez classiquement des thèmes traditionnels : “Construire plus, mieux et moins cher ; Répondre aux besoins de chacun ; Améliorer le cadre de vie”.
Elle a été suivie par des mesures inédites et inattendues de réduction des aides au secteur du logement dès septembre 2017 et dans la loi de finances pour 2018 :
- baisse de 1 Md€ de l’aide personnelle au logement, uniquement centrée sur les locataires du parc social, compensée par une réduction équivalente des loyers, et sur les accédants modestes avec suppression de l’APL accession ;
- relèvement de 5,5 % à 10 % de taux de TVA pour les logements sociaux et taxe de 10 % sur les produits de vente par les bailleurs sociaux ;
- fin de la prime d’Etat pour les plans épargne logement ouverts à partir du 1er janvier 2018 ;
- exclusion du CITE des fenêtres, portes et volets, ainsi que des chaudières à fioul à partir de juin 2018 ;
- fort resserrement du prêt à taux 0 (PTZ) et du “Pinel” prolongés pour 4 ans : “sortie en sifflet” (division par deux de l’aide en 2018 et 2019), puis exclusion du PTZ dans le neuf en zone C et B2 (34 400 communes et 54 % des bénéficiaires en 2016) et du “Pinel” en zone B2 ; suppression dès 2018 du PTZ avec travaux dans l’ancien dans les zones A et B1.
Début novembre 2017, face aux inquiétudes exprimées par les professionnels du secteur, le président du Sénat a proposé au président de la République la tenue d’une conférence de consensus, avant la mise en route des chantiers législatifs du gouvernement.
Le plan pour conforter l’attractivité des villes moyennes, présenté par le ministre de la Cohésion des territoires le 15 décembre 2017, sans budget propre, s’appuiera sur les contributions de différents partenaires. La convention signée entre l’État et Action logement fin décembre prévoit une enveloppe de 1,5 Md€ pour ce plan et de porter à 10Md€ l’enveloppe pour la rénovation urbaine.
Enfin, suite aux débats de la conférence de consensus, qui s’est achevée le 8 février 2018, le projet de loi “ÉLAN” a été présenté au Conseil des ministres le 4 avril 2018 puis déposé en première lecture de l’Assemblée nationale, le gouvernement ayant décidé d’engager la procédure accélérée.
Analyse
Les politiques du logement sont par nature des politiques dont les effets sont différés dans le temps : il a fallu par exemple près de 10 ans au programme de rénovation urbaine pour être pleinement opérant.
La principale difficulté rencontrée par le gouvernement est liée au décalage entre la stratégie présentée et les mesures prises. Alors que rien ne le laissait prévoir dans le programme du candidat, le président de la République a décidé, à marche forcée, de faire des coupes budgétaires dans le secteur du logement, se concentrant en particulier sur le logement social. Ceci a provoqué une crise importante, car la réduction du budget 2018, mal préparée, aboutit à un système instable, qui présente le risque d’écarter les plus modestes de l’accès au logement.
Miser tout sur un choc de l’offre est une vision long terme, qu’il faut concilier avec l’évolution des revenus de nos concitoyens et aux besoins nouveaux à cet horizon, liés à la décohabitation et au vieillissement de la population.
L’instabilité créée par le choc budgétaire cette année ne doit pas être minimisée, elle pourrait toutefois être l’occasion d’enclencher des mesures structurelles pour retrouver un nouvel équilibre de la chaîne du logement et réduire les inégalités territoriales et sociales.
Et maintenant ?
Il y aura, ces prochaines années, une attente forte sur la réduction des coûts du logement, car les budgets des ménages (avec 1 700 € par mois en moyenne) ne sont pas extensibles, et les budgets publics non plus.
En même temps, il faudra satisfaire des attentes nouvelles : transition énergétique, câblage haut débit, famille modulable, vieillissement de la population et aménagement des logements en conséquence, dans un contexte de croissance démographique et de concentration urbaine.
Depuis 20 ans, la logorrhée législative sur le logement et l’urbanisme a eu des effets contre-productifs en induisant une hausse des prix et une perte de confiance des citoyens.
Le vrai risque de la future loi ÉLAN sur le logement et ses 130 pages est de poursuivre trop d’objectifs, d’accumuler des “rustines” et de continuer à créer une instabilité, alors qu’il faudrait privilégier quelques mesures de réforme efficaces :
- mieux territorialiser la politique du logement ;
- se concentrer sur quelques mesures concrètes de simplification, qui font gagner du temps et libèrent l’innovation (et déclasser massivement les articles législatifs relatifs à la construction) ;
- sortir du modèle intellectuel de croissance par consommation de nouveaux terrains, en favorisant une approche à travers les usages des bâtiments ;
- mieux utiliser les possibilités offertes par le numérique ;
- agir sur les prix notamment du foncier, pour les faire baisser, et construire un modèle qui permette de produire des logements à bas loyer pour garantir aux plus fragiles les moyens de se loger.
Pour y parvenir, le gouvernement devra adopter ces quatre prochaines années une méthode basée sur la confiance, qui garantira une concertation large et continue avec les différents acteurs.