L'Essentiel

Le retour de la croissance en 2017 (en hausse de 2,0 %) doit davantage à l’environnement extérieur qu’aux initiatives de la nouvelle équipe gouvernementale.
Au crédit du nouveau gouvernement, on peut noter la mise en chantier immédiate de réformes ambitieuses et favorables à la relance de l’offre, consolidant la reprise de l’investissement productif :
  • le retrait des investissements financiers de la base de l’ISF ;
  • la taxation uniforme à 30 % des revenus financiers ;
  • le début de baisse de l’impôt sur les sociétés (IS).
Ces réformes signalent un état d’esprit différent de celui des précédents gouvernements, contribuant à la confiance des entreprises, tout comme une “méthode Macron” également innovante, ouverte à la discussion tout en maintenant un cap.
La dépense publique, qui a connu un nouveau bond en 2017 (+ 2,5 %) s’est tout juste stabilisée en part de PIB (56,5 %), malgré l’accélération de la croissance. La loi de finances 2018 prévoit un ralentissement de la dépense publique, mais peine à convaincre tant est modeste l’objectif de réduction des emplois publics. C’est pourtant de la fermeté à réduire le poids de la dépense publique que dépendra en grande partie le succès des réformes et de leur objectif : restaurer la compétitivité de l’économie française, ce qui passe par un réinvestissement de ressources publiques vers les domaines essentiels à l’augmentation de la productivité (éducation publique, formation professionnelle, recherche fondamentale et appliquée ou encore innovation technologique).
Pour faire face aux défis des nouvelles technologies auxquels est confrontée notre économie, le gouvernement devra innover sur le terrain de la fiscalité ainsi que de la formation.
Ainsi, les objectifs d’assainissement budgétaire – indispensables pour regagner la confiance de nos partenaires de la zone euro – ne seront atteints à terme que grâce à l’augmentation des richesses créées par l’économie.

Dates clés

4 juillet 2017

Annonce du Grand plan d’investissement 2018-2022

juillet 2017

27 juillet 2017

Nationalisation temporaire des chantiers navals STX France

14 novembre 2017

Adoption de la surtaxe exceptionnelle sur les grandes sociétés

novembre 2017

4 decembre 2017

Adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018

decembre 2017

21 decembre 2017

Adoption du projet de loi de finances (PLF) 2018

1 janvier 2018

Première baisse des cotisations salariales, première baisse de la taxe d’habitation

janvier 2018

Chiffres

Baisse de la taxe d’habitation

Descriptif : Dégrèvement progressif de la taxe d’habitation sur la résidence principale pour 80 % des ménages
Promesse de campagne ? Oui
Coût pour l’État estimé à 10,2 Md€ à terme
Répartition du coût :
Coût supporté par l’État : 100 %
Coût supporté par les collectivités locales : 0 %
Coût supporté par la sécurité sociale : 0 %

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

La réforme de la taxe d’habitation inscrite dans la loi de finances initiale pour l’année 2018, et qui montera progressivement en puissance entre 2018 et 2020, se traduira à terme par un dégrèvement total de taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Cette réforme représentera un coût de 3 Md€ en 2018 et 10,2 Md€ à terme, entièrement pris en charge par l’État.

Chiffrage détaillé

La taxe d’habitation présente un rendement net (hors exonérations et dégrèvements existants) de 18,8 Md€ en 2016.
La mesure mise en place dans la loi de finances pour 2018 consiste à instaurer un nouveau dégrèvement bénéficiant à 80 % des ménages aujourd’hui soumis à la TH sur leur résidence principale. Le dégrèvement concerne les foyers dont les ressources n’excèdent pas 27 000 € de revenu fiscal de référence (RFR) pour une part fiscale. Ce niveau est majoré de 8 000 € pour les deux demi-parts suivantes et de 6 000 € par demi-part supplémentaire. Pour un couple sans enfant (2 parts fiscales), les ménages concernés sont donc ceux qui ont un revenu fiscal de référence inférieur à 43 000 €. Pour un couple avec un enfant (2,5 parts fiscales), les ménages concernés par la réforme sont ceux qui ont un RFR inférieur à 49 000 €.
Ces seuils permettent effectivement de toucher 80 % des ménages : en effet, selon l’Insee, 80 % des ménages ont un revenu fiscal de référence inférieur à 50 399 € et la taille moyenne d’un ménage français est de 2,4 personnes, soit environ 2,5 parts fiscales. L’Insee indique par ailleurs que les huit premiers déciles de la population française concentrent 54 % des revenus. En faisant l’hypothèse que le montant de taxe d’habitation acquittée est globalement proportionnel aux revenus (la taxe d’habitation étant un impôt faiblement progressif), on peut ainsi estimer que les huit premiers déciles acquittent 54 % du rendement de la taxe d’habitation, soit 10,2 Md€ pour un rendement total de la taxe d’habitation de 18,8 Md€ en 2016.
Dès lors, le dégrèvement de 100 % de la taxe d’habitation supportée par les huit premiers déciles des ménages payant la taxe coûtera 10,2 Md€.
Dans la loi de finances pour 2018, la réforme est mise en place progressivement : pour les ménages concernés, le dégrèvement sera ainsi de 30 % en 2018, puis de 65 % en 2019 et enfin de 100 % en 2020. Le coût de la mesure sera ainsi 3 Md€ en 2018, puis de 6,6 Md€ en 2019 et enfin de 10,2 Md€ en 2020.
Le coût de cette mesure sera entièrement supporté par l’État, la loi de finances pour 2018 mettant en place une compensation par l’État des moindres ressources perçues par les collectivités locales du fait de cette réforme, dans un souci de préservation de l’autonomie financière des collectivités.
Au total, environ 18 millions de ménages seraient concernés par la réforme. En effet, on compte en France 28,5 millions de ménages. Parmi ces ménages, 20 % sont d’ores et déjà exonérés de la taxe d’habitation, soit un peu moins de 23 millions de ménages acquittant la taxe. La mesure touchant 80 % des ménages acquittant la taxe, un peu plus de 18 millions de ménages cesseront de payer la taxe d’habitation à horizon 2020.
En avril 2018, le gouvernement a officialisé la suppression totale de la taxe d’habitation, y compris pour les 20 % restant à horizon 2020. Cette mesure, qui ne sera pas compensée par une fiscalité nouvelle, représentera un coût supplémentaire de plus de 8 Md€ pour les finances publiques.

Sources utilisées

Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Hypothèses prises sur la répartition du montant de TH payé en fonction du revenu.

 ————————————

Surtaxe exceptionnelle sur les grandes sociétés

Descriptif : Taxe exceptionnelle mise en place fin 2017 sur les grandes entreprises
Promesse de campagne ? Non
Recettes supplémentaires pour l’État estimées à environ 5 Md€
Répartition des recettes supplémentaires :
Recettes supplémentaires pour l’État : 100 %
Recettes supplémentaires pour les collectivités locales : 0 %
Recettes supplémentaires pour la sécurité sociale : 0 %

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

Le projet de loi de finances met en place une surtaxe sur les grandes entreprises constituée de deux parties : une contribution exceptionnelle pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 Md€, et une contribution additionnelle pour les entreprises dont le CA dépasse 3 Md€.
Prise isolément, cette surtaxe représente un rendement de 5 Md€ environ. Néanmoins, cette surtaxe est intervenue dans le cadre d’un arbitrage global lié à l’annulation de la taxe sur les dividendes qui représente pour l’État un coût de 10 Md€. Au total, le coût net pour l’État est donc d’environ 5 Md€.

Chiffrage détaillé

La loi de finances rectificative publiée le 1er décembre 2017 met en place une surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises.
Cette surtaxe exceptionnelle est constituée de deux contributions :
  • Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 Md€, une contribution exceptionnelle est mise en place. Celle-ci est égale à 15 % du montant de l’impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
  • Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 Md€, une contribution additionnelle s’ajoute à la contribution exceptionnelle précédente et représente elle aussi 15 % du montant brut de l’impôt sur les sociétés dû.
Ces taxes s’appliquent de façon exceptionnelle, uniquement au titre des exercices clos entre le 31 décembre 2017 et le 30 décembre 2018.
Selon le gouvernement, cette mesure concernerait environ 300 entreprises en France. Cette estimation est cohérente avec les chiffres relatifs à la démographie des entreprises publiés chaque année par l’Insee . Ainsi, dans l’édition 2017 de cette enquête, l’Insee dénombre 287 “grandes entreprises” en 2015, soit un chiffre proche de l’estimation du gouvernement .
Selon l’Insee, les grandes entreprises s’acquittent de près d’un tiers de l’impôt sur les sociétés brut. Dès lors, le rendement de l’impôt sur les sociétés brut étant estimé à 59,1 Md€ en 2017 , l’impôt brut des grandes entreprises représenterait 19,7 Md€ d’IS en 2017. La contribution exceptionnelle représentant 15 % de cette somme, son rendement serait de 3 Md€.
En ce qui concerne la contribution additionnelle, il n’existe pas de statistiques sur le nombre d’entreprises dont le CA dépasse 3 Md€ en France, ni sur la part d’impôt sur les sociétés qu’elles acquittent. Si l’on fait l’hypothèse que les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 3 Md€ représentent les deux tiers de l’impôt sur les sociétés payé par les grandes entreprises, leur IS brut représenterait 13 Md€, et le rendement de la contribution additionnelle serait d’environ 2 Md€. Si on fait l’hypothèse que les entreprises dont le CA dépasse 3 Md€ représentent les trois quarts de l’IS payé par les grandes entreprises, leur IS brut représenterait 14,8 Md€ et le rendement de la contribution additionnelle serait d’environ 2,2 Md€.
Au total, le rendement de la surtaxe dans ses deux composantes (contribution exceptionnelle et contribution additionnelle) serait compris entre 5 et 5,2 Md€ environ.

Sources utilisées

Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Hypothèses faites sur la part d’impôt sur les sociétés payé par les entreprises dont le chiffre d’affaires représente plus de 3 Md€.

 ————————————

Prélèvement forfaitaire unique sur les revenus de l’épargne

Descriptif : Mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus de l’épargne
Promesse de campagne ? Oui : “Pour rendre le système plus juste et transparent, nous créerons un Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de l’ordre de 30%, qui remplacera les prélèvements existants. Les critères fiscaux n’interviendront plus lors des choix d’investissement ou d’épargne.”
Estimation par le candidat Macron : Coût nul
Coût pour les finances publiques estimé entre 1,5 et 3 Md€ par an
Répartition du coût :
Coût supporté par l’État : 100 %
Coût supporté par les collectivités locales : 0 %
Coût supporté par la sécurité sociale : 0 %

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

La mise en place, dans le cadre de la loi de finances pour 2018, d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 % sur les revenus du capital, en lieu et place d’une imposition au barème de l’impôt sur le revenu sur l’essentiel de cette assiette (hors assurance-vie), se traduit au total par une baisse de la fiscalité qui représenterait un manque à gagner de l’ordre de 1,5 à 3 Md€ par an pour les finances publiques.

Chiffrage détaillé

La loi de finances pour 2018 met en place un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus de l’épargne.
Ce taux de 30 % inclut les prélèvements sociaux. Dans le détail, il s’agit donc de l’application de :
  • Prélèvements sociaux pour 17,2 % (contre 15,5 % avant 2018) :
    • La contribution sociale généralisée (CSG) dont le taux est passé de 8,2 % à 9,9 % au 1er janvier 2018 ;
    • La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), dont le taux est de 0,5 % ;
    • Le prélèvement social, de 4,5 % ;
    • Le prélèvement de solidarité, de 2 % ;
    • La contribution additionnelle, de 0,3 %.
  • D’un taux forfaitaire additionnel de 12,8  %.
Il s’agit donc d’un impôt proportionnel, alors qu’auparavant l’imposition de la majeure partie des revenus du capital (revenus distribués, produits de placement, gains de cession des valeurs mobilières) était progressive, la fiscalité des revenus du capital étant composée, jusqu’en 2018, et depuis la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire en loi de finances pour 2013, des prélèvements sociaux d’une part, et de l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu d’autre part. Seuls les revenus tirés de l’assurance-vie faisaient encore l’objet d’un prélèvement forfaitaire, le taux appliqué étant fonction de l’ancienneté du contrat.
Selon le gouvernement, l’objectif de cette réforme est d’obtenir une fiscalité de l’épargne plus neutre, réduisant les avantages fiscaux dont bénéficient certains placements peu risqués et permettant de réorienter l’épargne vers le financement des entreprises .
Le coût de cette mesure est estimé à 1,3 Md€ en 2018 et 1,9 Md€ en 2019 par le gouvernement. Ce moindre coût en 2018 par rapport à 2019 provient de la différence entre le prélèvement forfaitaire obligatoire (en vigueur avant la mise en place de cette réforme et qui correspond à un acompte versé sur l’impôt sur le revenu de l’année suivante) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique.
Il est possible de vérifier ce chiffrage en estimant la différence de rendement entre l’imposition antérieure à la réforme introduite dans la loi de finances pour 2018 et l’imposition au taux unique de 30 %.
Concernant les revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu, l’estimation du différentiel entre l’imposition à l’IR et l’imposition au PFU ne peut résulter que d’une approximation dans la mesure où le taux marginal d’imposition auquel ces revenus étaient imposés avant la mise en place du PFU était fonction de facteurs spécifiques à chaque contribuable.
Ce taux d’imposition marginal moyen des revenus du capital avant réforme peut néanmoins être approché en considérant que la proportion des revenus du patrimoine s’accroît avec le revenu pour représenter 2,1 % des revenus du premier décile et 26,6 % de ceux du dernier décile selon l’Insee et que les hauts revenus représentent les 2/3 des revenus du capital. Au regard du barème de l’impôt sur le revenu, il peut donc être considéré que le taux d’imposition marginal moyen des revenus du capital lorsqu’ils étaient soumis au barème était compris entre 25 % et 35 %.
Au regard de ces données, la détermination de l’impact budgétaire de la réforme repose sur le rendement budgétaire complémentaire qui avait été associé, en 2013, à la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire (21 % sur les revenus distribués ; 24 % sur les produits de placement à revenu fixe ; 19 % sur les gains de cession des valeurs mobilières) au profit de l’imposition des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. Ce rendement avait été de 400 M€ concernant la suppression des prélèvements forfaitaires libératoires sur les revenus distribués et les produits de placement à revenu fixe, et de 1 Md€ pour la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire sur les gains de cession des valeurs mobilières. Ces rendements sont donc ceux associés au différentiel entre ces taux forfaitaires et le taux marginal d’imposition associé à l’impôt sur le revenu évalué entre 25 % et 35 %.
Concernant les revenus distribués et les produits des placements à revenu fixe, la valeur du point d’imposition est comprise entre 32 M€ et 160 M€ selon que l’on fait l’hypothèse d’un taux marginal d’imposition avant réforme de 35 % ou de 25 %. Concernant les gains de cession des valeurs mobilières, la valeur du point d’imposition est comprise entre 62,5 M€ et 166 M€.
Alors qu’auparavant, l’imposition se faisait à l’IR (taux marginal compris entre 25 % et 35 %) et aux prélèvements sociaux (15,5 % au total avant augmentation de la CSG), l’imposition totale est aujourd’hui de 30 % avec le PFU. L’écart en nombre de points est donc compris entre 10,5 (pour un taux marginal à 25 %) et 20,5 (pour un taux marginal à 35 %). Dès lors, selon le taux marginal d’imposition auquel ces revenus sont actuellement soumis, la perte de recettes associée à la réforme est comprise entre 1,9  Md€ et 3,4 Md€.
S’agissant de l’assurance-vie, la réforme ne modifie le régime fiscal que pour les contrats d’assurance-vie sur lesquels le souscripteur a versé plus de 150 000 € d’épargne : les versements intervenus sur ces contrats à partir du 27 septembre 2017 seront soumis de manière obligatoire au PFU à 30 %, tandis que les autres contrats resteront soumis à l’imposition antérieure, variable selon l’ancienneté :
  • Entre 0 et 4 ans : imposition forfaitaire de 35 %, ou IR, + prélèvements sociaux de 17,2 % ;
  • Entre 4 et 8 ans : imposition forfaitaire de 15 %, ou IR, + prélèvements sociaux de 17,2 % ;
  • Au-delà de 8 ans : imposition forfaitaire de 7,5 %, ou IR, + prélèvements sociaux de 17,2 %.
En définitive, pour les contrats de plus de 150 000 €, le nouveau système revient à réduire l’avantage de l’ancienneté au-delà de 8 ans (imposition de 30 % contre auparavant une imposition à 7,5 % augmentée des prélèvements sociaux à 15,5 %).
Cette mesure pourrait donc réduire le coût pour les finances publiques de la réforme mise en place sur la taxation des revenus du capital. Il est cependant difficile d’estimer les recettes supplémentaires qui seraient issues de cette mesure, dans la mesure où celles-ci dépendent pour beaucoup du comportement des épargnants (abondement de contrats de plus de 8 ans ayant déjà atteint la somme de 150 000 €, ou au contraire ouverture de nouveaux contrats d’assurance-vie, permettant de conserver une fiscalité plus favorable). Cet effet peut être estimé à 0,3 Md€.
Au total, la mise en place du PFU pourrait donc avoir un coût pour les finances publiques compris entre 1,5 et 3 Md€ par an environ.

Sources utilisées

Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Analogie faite avec la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire en 2013.

 ————————————

Limiter l’ISF au patrimoine immobilier

Descriptif détaillé : Suppression de l’ISF et remplacement par l’IFI portant uniquement sur le patrimoine immobilier
Promesse de campagne ? Oui : “Nous transformerons l’ISF en “Impôt sur la Fortune Immobilière” sans accroître la fiscalité actuelle sur l’immobilier et les droits de succession, et sans taxer ce qui finance les entreprises et l’emploi.”
Coût pour les finances publiques estimé supérieur à 3 Md€ par an
Répartition du coût :
Coût supporté par l’État : 100 %
Coût supporté par les collectivités locales : 0 %
Coût supporté par la sécurité sociale : 0 %

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

La suppression de l’ISF et son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) revient à retirer le patrimoine mobilier de l’assiette de l’impôt, le nouvel impôt conservant les mêmes caractéristiques principales que l’ancien. Etant donné l’importance du patrimoine mobilier parmi les redevables de l’ISF (autour de 70 % du patrimoine total), la réforme a un coût supérieur à 3 Md€ par an pour l’État.

Chiffrage détaillé

La réforme a consisté en une suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et en son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).
En 2016, le rendement de l’ISF s’est élevé à 5,1 Md€ avant plafonnement, et à 4,1 Md€ après application du plafond. Il était acquitté par environ 350 000 redevables chaque année. La suppression de cet impôt se traduit donc par un manque à gagner pour l’État de 4,1 Md€. Selon le Gouvernement, le rendement du nouvel impôt créé serait de 850 M€, l’opération se traduisant au global par un manque à gagner pérenne de 3,2 Md€ par an pour l’État.
Le nouvel impôt créé, l’IFI, est un impôt sur le patrimoine immobilier. Il reprend les caractéristiques de l’ISF.
Le seuil de 1,3 M€ est ainsi conservé : l’IFI doit être acquitté par tous les foyers fiscaux qui détiennent un patrimoine immobilier d’une valeur nette supérieure à 1,3 M€.
Par ailleurs, le barème progressif qui existait pour l’ISF est maintenu :
  • Taux de 0,5 % entre 800 000 et 1 300 000 € de patrimoine ;
  • 0,7 % entre 1,3 et 2,57 M€ ;
  • 1 % entre 2,57 et 5 M€ ;
  • 1,25 % entre 5 et 10 M€ ;
  • 1,5 % au-delà de 10 M€.
Enfin, les principaux abattements (30 % sur la résidence principale) et les exonérations (œuvre d’art) sont maintenus.
Au total, la suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI reviennent donc à retirer de l’assiette de l’ISF l’ensemble du patrimoine mobilier.
Dans la mesure où il y a près de 30 millions de ménages en France et où environ 350 000 ménages payaient l’ISF, on peut considérer que les personnes acquittant l’ISF représentent les 1 % des ménages possédant le plus de patrimoine en France.
Or, selon les données fournies par la World Wealth & Income database, le patrimoine des 1 % les plus riches est constitué à 70 % de capital mobilier et à 30 % de capital immobilier. Ces données sont confirmées par l’Insee qui indique que pour les 1 % les plus riches, le patrimoine immobilier représente 28,6 %.
A minima, la suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI reviendrait donc à diminuer le rendement de l’impôt de 70 %, soit 2,9 Md€ pour un rendement net de l’ISF de 4,1 Md€.
Cependant, ce chiffre représente un plancher. En effet, la suppression d’une partie de l’assiette de l’ISF se traduit par une baisse du rendement plus que proportionnelle à la part de l’assiette supprimée dans l’assiette totale. En effet, l’ISF présentant un barème progressif, l’écrêtement d’une partie de l’assiette sans modification du barème conduit mécaniquement à diminuer le nombre de patrimoines assujettis aux taux les plus élevés. L’écrêtement de l’assiette peut également faire sortir du paiement de l’impôt de nombreux ménages. Le coût total de la réforme serait donc supérieur à 3 Md€ pour l’État.
Au total, l’estimation retenue par le gouvernement d’un coût total de la réforme de 3,2 Md€ pour les finances publiques semble cohérente.

Sources utilisées

Engagements de campagne

Durant la campagne, le candidat Macron résume sa stratégie économique en trois adjectifs :
  • “Efficace”, avec la définition d’un plan d’investissement de 50 Md€ sur le quinquennat répartis ainsi :

  • “Juste”, en privilégiant le travail et l’investissement :
Le candidat s’engage à soutenir le pouvoir d’achat (suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des Français, baisse des cotisations salariales) tout comme à favoriser la compétitivité des entreprises françaises (transformation du CICE en allègement pérenne des charges, baisse progressive de l’impôt sur les sociétés). Enfin, il propose de réorienter l’épargne vers l’économie productive, par la suppression de l’impôt sur la fortune, la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique sur tous les revenus ou encore le renforcement de la fiscalité écologique.
  • Crédible“, en réduisant les dépenses publiques de 60 Md€ afin de respecter les engagements européens de la France :
Cet effort passerait notamment par une réduction de 120 000 postes dans les fonctions publiques d’État et territoriale, et une baisse des dépenses de collectivités.
A l’horizon 2022, les économies nettes de dépense publique annoncées se répartiraient ainsi :

État des lieux

Un an après, les principales mesures économiques et budgétaires du président Macron se retrouvent au sein du projet de loi de finances pour 2018, dont les principales mesures sont les suivantes :
  • Dégrèvement progressif de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers assujettis à cet impôt : la baisse des recettes fiscales est estimée à 3 Md€ en 2018, 6,6 Md€ en 2019 et 10,2 Md€ en 2020.
  • Hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) de 1,7 point en contrepartie d’une baisse des cotisations salariales : la hausse de la CSG représente pour le gouvernement un gain estimé à 20 Md€, compensé par la baisse des cotisations. En 2018, cela ne fait gagner que 4,5 Md€, compte tenu du décalage temporel entre la baisse complémentaire des cotisations salariales (fin 2018) et l’accroissement de la CSG (début 2018).
  • Transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en un impôt sur la fortune immobilière (IFI) : par la restriction du périmètre de cet impôt, le manque à gagner pour l’État devrait avoisiner les 3,2 Md€.
  • Baisse de l’impôt sur les sociétés pour atteindre un taux de 25 % contre 33 % actuellement : cette baisse d’imposition représentera d’ici à 2022 une baisse de 11 Md€ de la fiscalité pesant sur les entreprises.
  • Mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus mobiliers : cette réforme, destinée à simplifier la taxation du capital en France, représenterait selon le gouvernement un coût de 1,3 Md€ en 2018, 1,9 Md€ en 2019, une estimation que certains estiment sous-évaluée.
  • Transformation du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en allègement pérenne de charges sociales : cet allègement pérenne sera à hauteur de 6 % des cotisations sociales des entreprises pour les rémunérations n’excédant pas 2,5 fois le SMIC.
Le déficit public a diminué en 2017, passant de 3,4 % en 2016 à 2,6 % en 2017 contre 1,5 % en moyenne pour la zone euro, et ralentissant la dynamique de la dette publique française (97 % du PIB pour la dette brute, 87,7 % pour la dette nette, en hausse de 0,2 points de PIB). Néanmoins, le niveau élevé du déficit structurel (hors effets conjoncturels) rend difficile la réduction durable de la dette, tandis que les dépenses devraient augmenter à moyen terme en raison du vieillissement de la population. Les réformes visant à renforcer l’offre – réduction du coût du travail par le transfert du CICE en baisse de charges, baisse de l’IS, flexibilisation du marché du travail, enseignement secondaire et formation professionnelle – devraient à terme augmenter la productivité, donc la richesse produite et, ainsi, réduire le poids relatif des dépenses publiques. Il est impossible à ce stade d’en estimer l’ampleur, mais il est certain que, sans réformes, la compétitivité de la France continuerait à se dégrader.
La loi de finances pour 2018 réduit de 1 600 le nombre de fonctionnaires, ce qui reste négligeable et rendra difficile le ralentissement prévu de la dépense publique (+1,5 % en 2018, après +2,5 % en 2017). La mise en chantier d’une réforme plus profonde des administrations publiques, avec l’objectif d’une baisse des effectifs de 120 000, est plus ambitieuse. Mais il faudra attendre les conclusions du comité d’action publique 2022, chargé de la revue des dépenses et des missions publiques, pour pouvoir mieux juger de la volonté de réduction de la dépense.

Analyse

Paradoxalement, l’un des plus grands succès du nouveau président et du gouvernement aura été de ne pas rencontrer de difficultés sociales insurmontables lors du lancement des premières réformes, celle du marché du travail en particulier. La “méthode Macron”, ferme sur les principes, mais ouverte à la négociation sans tabous, y est sans doute pour beaucoup.
La recherche du compromis a réduit ab initio l’ambition des premières réformes, et certains de ces compromis pourraient affaiblir leur impact futur. Le rôle prépondérant donné aux branches dans les accords salariaux et la timidité à réduire la dépense publique en sont deux exemples.
On peut également soutenir que le succès de la méthode Macron est le meilleur garant d’une poursuite des réformes – comme celle de l’assurance chômage -, à condition que la volonté politique reste intacte tout au long du quinquennat. La réforme de la SNCF et le mouvement de grève dur qu’elle suscite sera un test important de cette volonté.

Et maintenant ?

Pour renforcer la qualité et la compétitivité de l’offre de biens et services des entreprises françaises, le gouvernement devra à la fois poursuivre les réformes structurelles, et réduire les prélèvements, ce qui ne peut que passer par une réduction des dépenses, non seulement en raison des règles de bonne gestion qu’impose l’Union monétaire, mais aussi de la montée prévisible des taux d’intérêt à long terme (si en mars 2018, le rendement des obligations d’état à 10 ans était de 0,8 %, la fin du programme d’achat de la BCE en septembre 2018, puis le calendrier de hausse de taux directeurs en 2019 pourraient faire remonter le taux à 10 ans de 0,5 à 1,0 point de pourcentage d’ici fin 2019).

Pour réduire la dépense publique, le gouvernement devra se montrer plus ambitieux et plus précis sur la dynamique de diminution des effectifs publics. Il importe d’enclencher un mouvement de long terme, au-delà même du quinquennat, par une réforme profonde des innombrables statuts des employés publics, de façon à réduire la part des employés “sous statut”, et augmenter la part contractuelle. Il est également impératif de passer d’une logique de contrôle des chercheurs d’emplois à une logique d’incitations, par une dégressivité plus significative de l’assurance-chômage, mais aussi par des incitations fiscales plus claires, dans l’esprit de la prime pour l’emploi.

En réduisant la dépense publique, le gouvernement pourra diminuer le poids des prélèvements fiscaux sur les entreprises et les créateurs de valeur. Les objectifs de baisse de l’IS (pour atteindre 25 % en 2022 contre 33 % actuellement) pourraient ainsi être avancés, ce qui serait un fort signal pour les entreprises et l’investissement direct en France. L’expérimentation de zones franches dédiées à l’innovation technologique dans les territoires à fort potentiel de recherche publique, pourrait également être envisagée.

Enfin, le gouvernement devra faire preuve de davantage de réalisme et de lucidité en ce qui concerne la concurrence entre pays et entreprises sur les technologies les plus disruptives, comme l’intelligence artificielle, pour laquelle la Chine et les États-Unis font pratiquement course seuls en tête. Pour stimuler l’investissement privé dans ces domaines, le gouvernement devra innover en termes de fiscalité, étudier la possibilité de rendre l’investissement entièrement déductible par exemple. Il devra également jouer son rôle d’arbitre pour que le marché reste ouvert à la concurrence, et de stratège en ouvrant aux chercheurs et aux entreprises les bases de données publiques et en orientant la demande publique vers l’usage des nouvelles technologies dans l’offre de services publics. Le plan annoncé par le président de la République concernant l’intelligence artificielle va dans cette direction.