L'Essentiel

Le président Macron a réalisé une réforme institutionnelle substantielle en faisant absorber le RSI par le régime général de la sécurité sociale. La transition entre les deux systèmes est loin d’être encore achevée, mais la promesse d’une révision visible de la gestion de la protection sociale des indépendants a été tenue.
Au sujet du chômage, une puissante transformation est à l’œuvre avec l’idée, encore à paramétrer pour sa réalisation, d’une couverture étendue, sous certaines conditions, aux indépendants et aux salariés démissionnaires. Les premières options sont cependant moins volontaristes que les promesses du candidat.
Confronté à la persistance du mal-logement et à la crise migratoire, le gouvernement a lancé, de manière un rien brutale, une réforme substantielle des allocations logement et du mouvement HLM. Parallèlement, une orientation “logement d’abord” a été annoncée, sans encore aboutir à de grandes réalisations.
Sur le plan des prestations de solidarité, l’idée avancée pendant la campagne d’un “versement social unique” donne lieu à de premiers rapports sur la création d’une “allocation sociale unique” (ASU). La réalisation, non annoncée, s’avère hautement compliquée.
Plus précisément, au sujet de la pauvreté, un “délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes” a été nommé, afin d’organiser une concertation puis de mettre en œuvre un plan d’actions ciblé, à juste titre, sur la pauvreté infantile et juvénile.
Gigantesque chantier, la réforme des retraites, qui veut mettre en œuvre le principe “chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits”, est ouverte. Un haut-commissaire a la charge de ce point essentiel du programme présidentiel, avec des avancées attendues en 2019 mais avec déjà un cumul de retards dans le lancement de cette réforme extrêmement compliquée.
Plus globalement, la tendance, emmenée ou annoncée par les réformes décidées ou évoquées, relève de l’universalisation croissante du système de protection sociale. Accompagnant ce mouvement, les recettes du système passent toujours davantage par de la fiscalité et moins par des cotisations. Cette dynamique provoque quelques débats mais s’inscrit dans une logique historique.

Dates clés

11 septembre 2017

Annonce du Plan quinquennal pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme 2018-2022

septembre 2017

11 septembre 2017

Nomination du Haut-Commissaire à la réforme des retraites

24 octobre 2017

Nomination d'un délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes

octobre 2017

4 decembre 2017

Adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018

decembre 2017

1 janvier 2018

Hausse de la CSG de 1,7 point en compensation de la suppression des cotisations chômage et maladie prélevées sur les salaires

janvier 2018

Chiffres

Suppression du RSI

Descriptif  : Le projet de loi de finances pour la sécurité sociale 2018 prévoit la disparition du régime social des indépendants (RSI) pour adosser progressivement la protection sociale des travailleurs indépendants au régime général.
Promesse de campagne ? Oui
Montant estimé  : coût nul pour les finances publiques

 

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

Le régime social des indépendants (RSI) a été mis en place en 2006. Les nombreuses difficultés de fonctionnement de ce régime en ont fait un marqueur de la défiance des travailleurs indépendants. Sa suppression à compter du 1er janvier 2018 permet de réintégrer la gestion de la protection sociale de ces travailleurs au sein du régime général.

La fusion de ces deux régimes n’a pas pour objectif premier de générer des économies, si ce n’est des économies de gestion à terme qui seraient permises par la taille critique des nouvelles entités issues du rapprochement avec les Urssaf.

Chiffrage détaillé

Pour ce qui est des économies de gestion éventuelles, il faut souligner que les salariés du RSI n’ont fait l’objet d’aucun licenciement mais que les économies d’échelle pourraient être réalisées dans les années à venir. À court terme, les coûts de transformation et de rapprochement des deux régimes sont certainement supérieurs et donc aucun gain ne peut être évoqué pour l’année 2018. La période de transition permettant de transférer progressivement la gestion des différents risques est par ailleurs prévue pour se dérouler en deux ans jusqu’au 1er janvier 2020. Le RSI regroupe 6,5 millions de bénéficiaires. Au titre de la maladie, 8,6 Md€ ont été versés en 2016 à 4,6 M de bénéficiaires incluant les ayants-droits des cotisants. 2 M de retraités sont également affiliés au RSI pour 9,2 Md€ versés.

Le RSI était organisé autour de 29 caisses régionales et une caisse nationale pour 5 500 salariés au total. Ces salariés verront progressivement leur activité transférer au sein des Urssaf. Ils resteront au sein du RSI jusqu’en 2019 et seront ensuite gérés par le régime général. Des économies pourront à terme provenir d’économies d’échelle consécutifs à cette réforme. Ces économies d’échelle ne sont pas pour autant identifiées et pourraient par exemple être allouées à un renforcement du service aux entreprises.

Le rapport d’évaluation de la COG en 2015 pointait notamment les écarts de productivité entre les petites et les plus grandes des caisses régionales comme une faiblesse dans les coûts de fonctionnement du RSI. Les caisses comptant moins de 150 ETP affichaient régulièrement un coût des fonctions supports entre 20 et 35 % quand celles qui comptent plus de 150 ETP se situent entre 15 et 20 %. Le rapprochement avec les Urssaf pourrait permettre des économies de l’ordre de 5 à 15 % dans les fonctions supports selon les caisses.

Sources utilisées

  • Dossier de presse – Réforme du régime de la protection sociale des indépendants (décembre 2017).
  • Projet de loi de finances pour la sécurité sociale 2018.
  • Évaluation de la COG 2012-2015 du RSI, IGAS (novembre 2015).

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Suppression de certaines cotisations sociales portant sur les revenus du travail financée par une hausse de la contribution sociale généralisée

Descriptif  : Dans le cadre de la loi de finances de la sécurité sociale 2018, le taux de la contribution sociale généralisée (CSG) est relevé d’1,7 point pour être porté à 9,2 % sur l’ensemble des revenus d’activité, du capital et à 8,3 % sur les pensions de retraite pour les retraités bénéficiant d’un revenu supérieur à 14 404 € pour une personne seule ou 22 906 € pour un couple. La mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2018.
Cette mesure permet de financer la baisse des cotisations sociales sur les revenus du travail qui se traduit par la suppression de la cotisation assurance maladie des salariés au 1er janvier 2018 et, en deux temps, de celle d’assurance chômage. Des mesures sont également prévues pour les travailleurs indépendants.
Promesse de campagne ? Oui
En année pleine les différentes mesures présentent un coût nul / +3,6 Md€ en 2018
Répartition des recettes :
Recettes pour l’État : 0€
Recettes pour les collectivités locales : 0€
Recettes pour la sécurité sociale : + 3,6 Md€ en 2018 / 0 € en année pleine

Analyse détaillée de la proposition


Commentaire synthétique


L’ensemble des mesures présentées dans le cadre de la LFSS 2018 vise à faire basculer une partie du financement de la protection sociale (maladie, famille, chômage) des salariés vers les contribuables afin d’augmenter les revenus nets issus du travail en mettant par ailleurs à contribution les autres revenus du capital ou de remplacement (retraites). Cette bascule se traduit par la suppression d’une partie des cotisations salariales en deux temps (chômage et maladie pour les salariés) et par ailleurs une hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) sur la plupart des revenus. L’ensemble de ces transferts concerne plus de 20 Md€ de cotisations en 2018. Les chiffres communiqués par le gouvernement sont cohérent avec nos estimations. Il faut néanmoins noter qu’en 2018, l’étalement de la suppression de la cotisation chômage des salariés permet à l’État de n’avoir à compenser auprès de l’UNEDIC que 9,4 Md€ contre 13 Md€ en année pleine ce qui représente un surplus de recettes de 3,6 Md€ pour le budget 2018.

Une réserve persiste enfin quant à la prise en compte du dynamisme respectif des différentes assiettes de cotisation et leur impact sur les niveaux de recettes.

Chiffrage détaillé

Dans le cadre de la loi de finances pour la sécurité sociale 2018, les cotisations dues par les salariés au titre de l’assurance maladie sont supprimées à compter du 1er janvier 2018 et au titre de l’assurance chômage à compter du 1er janvier 2018 pour une première tranche de 1,75 % et du 1er octobre pour les 0,95 % restant :

  • La suppression de la cotisation salariale d’assurance maladie représente un manque à gagner de 4,6 Md€ pour la sécurité sociale ;

Les comptes de la sécurité sociale 2017 indiquent que les cotisations salariales pour 2016 représentaient 4,5 Md€ de recettes pour l’assurance maladie et la projection pour 2017 est de 4,6 Md€. L’estimation communiquée par le gouvernement sur le sujet est de 4,8 Md€ ce qui semble cohérent avec la dynamique de ces cotisations (Chiffres clé du PLFSS 2018).

  • La suppression de la cotisation chômage des salariés représente un manque à gagner de 9,4 Md€ pour l’année 2018 et plus de 13 Md€ en année pleine pour l’UNEDIC, organisme paritaire de gestion de l’assurance maladie sur 35 Md€ de recettes issues de cotisation.

Le produit des cotisations chômage se montait en 2016 à 35 Md€, la cotisation versée par l’employeur se montant à 4 % et par le salarié à 2,4 % on peut estimer que ces derniers financent 37,5 % du montant total des cotisations chômages soit 13,1 Md€ en 2016 et potentiellement 14,6 Md€ en 2020.

Tableau 1 : Perspectives financières de l’assurance chômage

2016 2017 2018 2019 2020
Contribution et autres recettes 35,0 35,9 37,0 37,9 38,8
Part salarié 13,1 13,5 13,9 14,2 14,6
Part employeur 21,9 22,4 23,1 23,7 24,3

Source : Perspectives financières UNEDIC 2017-2020, juin 2017.

Le dynamisme des recettes issues des cotisations d’assurance chômage devra être pris en compte dans les compensations à verser à l’UNEDIC lors des prochaines années. Le dynamisme de la CSG étant également lié à la conjoncture et pour partie à l’évolution de la masse salariale cela devrait permettre d’assurer un certain dynamisme des compensations.

Le coût complet des exonérations de charges pour les salariés en 2018 est donc de 14,8 Md€ et 17,8 Md€ en année pleine.

Afin que la mesure puisse également bénéficier aux travailleurs indépendants, le projet de loi de finances pour la sécurité sociale 2018 prévoit :

  • Une baisse de la cotisation d’allocations familiales de 2,15 points pour les travailleurs non salariés. En 2017, la prévision de recettes des cotisations d’allocations pour les non salariés était de 3,1 Md€ pour un taux allant de 2,15 % à 5,25 % selon le niveau de revenus. Le taux maximal est désormais de 3,1 %
  • Une diminution de la cotisation maladie de 1,5 point pour les indépendants dont les revenus n’excèdent pas 43 000 € par an. Cette mesure permet d’assurer la neutralité de la hausse de la CSG pour ces revenus qui ne cotisent qu’à hauteur de 2,15 points

Le coût de ces exonérations est de 2,3 Md€.

Ces mesures ne présentent pas de coût pour le budget de l’État mais pour celui des régimes sociaux. Toutefois la perte de recette devrait être compensée par l’État. Ces compensations seront financées par l’augmentation de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG).

Cette hausse porte le taux de la CSG à : 9,2 % pour les revenus du travail, 8,3 % pour les retraites, 9,9 % sur les revenus du capital. Le taux de CSG sur les allocations chômage et les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) à 6,2 % n’a toutefois pas été relevé tout comme sur les pensions de retraite qui bénéficiaient du taux réduit à 3,8 % ou qui étaient exonérées.

En M€ 2016 2017
(prévisions)
Taux Valeur du point 2016 Valeur du point 2017 Recettes supplémentaires 2018
CSG activité 67 573 68 278 7,50% 9 010 9 104 15 476
CSG remplacement 18 845 18 997 6,60% 2 855 2 878 4 893
CSG patrimoine 5 043 4 666 8,20% 615 569 967
CSG placement 5 397 5 590 8,20% 658 682 1 159
CSG jeux 365 379 7,50% 49 51 86
CSG total 97 108 97 799 25 582

Source : Comptes de la sécurité sociale 2016, juillet 2017

Cette hausse de la CSG représente un surcroît de recettes estimé à 22,5 Md€ pour l’année 2018 cohérent avec le détail des recettes de CSG pour l’année 2016 et les projections 2017. La mesure est entrée en vigueur le 1er janvier 2018. L’estimation du surcroit de recettes par le gouvernement, communiqué dans les chiffres clés du PLFSS 2018, est donc cohérent avec les données disponibles pour les années antérieures.

Toutefois, la hausse de la CSG est entièrement déductible du revenu imposable alors que sur les 7,5 % actuellement prélevés sur les revenus d’activité seuls 5,1 % étaient déductibles. Cette déductibilité représente une baisse des recettes fiscales de l’impôt sur le revenu de 105 M€.

En année pleine, la compensation de la baisse des cotisations par la hausse de la CSG est assurée et le delta de recettes doit permettre de financer les mesures de compensation prévues par l’Etat pour les agents publics au titre de l’indemnité de compensation et de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité (CES) qui dégageait 1,4 Md€ de recettes en 2016.

Sources utilisées

  • Les comptes de la Sécurité sociale 2016
  • Projet de loi de finances
  • Perspectives financières de l’UNEDI 2017 – 2020

Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Les déterminants de l’évolution de la CSG et des cotisations sociales peuvent différer en fonction du contexte macro-économique et donc faire diverger les produits attendus de ces contributions. La question du dynamisme des différentes recettes fiscales ou sociales n’est pas abordée dans les hypothèses formulées par le gouvernement ce qui pourrait remettre en cause certains équilibres issus de la loi de finances pour 2018.

Engagements de campagne

Le candidat Macron avait l’ambition de créer une “protection chômage pour tous les actifs” (dont les indépendants) et d’ouvrir les droits “aux salariés qui démissionnent”
Face aux dysfonctionnements du RSI, le candidat a promis un adossement des indépendants au régime général, avec un guichet spécifique, car un traitement adapté et un niveau de cotisations particulier seront nécessaires pour tenir compte des spécificités des indépendants.
En matière de logement, le candidat a promis un recentrage des aides au logement en les concentrant.
Le candidat Macron a également promis de créer pour les plus fragiles “un versement social unique” regroupant les principales aides sociales.
Au sujet des retraites, le candidat Macron souhaitait un système de retraite plus simple avec le rapprochement des différents régimes en quelques années afin de construire progressivement un régime universel de retraite (sur le principe “un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits pour tous”). La retraite ne devrait pas, à terme, dépendre du statut du travailleur, mais de la réalité de son travail.

État des lieux

Comme annoncé, le RSI n’existe plus. Cette suppression juridique passe par un alignement progressif (sur une période de transition de deux ans) dans le régime général à partir du 1er janvier 2018 et ce, comme promis, sans alignement des cotisations des indépendants sur celles des salariés. Si le RSI est supprimé institutionnellement, le chantier compliqué de la transition est toujours en cours.
Sur le chômage, la réforme a d’abord porté sur les cotisations, avec la suppression totale de la cotisation salariale prévue pour le 1er octobre 2018 – après une première baisse de 2,40 % à 0,95 % au 1er janvier 2018 – et une hausse du taux de contribution sociale généralisée (CSG) de 1,7 point en compensation (les contributions patronales demeurant inchangées). De manière plus structurelle, les promesses d’extension du système ont été tempérées pour éviter de possibles dérives financières. Il y aura bien une indemnisation pour les indépendants, mais elle sera très restreinte. Pour les démissionnaires, l’indemnisation sera également limitée à des situations bien circonscrites, comme c’est d’ailleurs déjà le cas. Alors que l’UNEDIC et la gestion paritaire de l’assurance chômage devaient logiquement passer dans le giron de l’Etat, les partenaires sociaux se sont, globalement, opposés à une telle évolution.
Sur le logement, Emmanuel Macron a annoncé, mi-septembre 2017, un plan “logement d’abord”. En juillet, à l’occasion d’un discours sur le thème de l’intégration, il avait lancé “Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité”. L’orientation “logement d’abord” comprend essentiellement une nouvelle stratégie pour les SDF. Il s’agit de faire prévaloir l’accès immédiat à un logement stable par rapport à des passages répétés dans des services d’hébergement. Cette stratégie a d’abord une rationalité économique, afin d’en finir avec l’augmentation continuelle des crédits consacrés à l’hébergement. Pour autant pendant l’hiver 2017-2018, il a fallu encore augmenter ces dépenses d’urgence, d’insertion et d’accueil des demandeurs d’asile. L’orientation “logement d’abord” est donc seulement annoncée, sans mise en œuvre clairement cadencée. 
Sur le logement encore, le gouvernement a d’abord annoncé, de manière assez brutale, une baisse de 5 € des APL. Il a ensuite engagé une réforme structurelle de ces aides, afin de faire baisser les loyers et les dépenses publiques de façon conjointe. Ainsi, dans le parc social, la mise en place d’une réduction de loyer de solidarité (RLS) doit permettre d’adapter les loyers effectivement payés à la situation des ménages les plus modestes. La mise en œuvre de ces mesures, qui ont été très débattues, s’avère très compliquée en termes de gestion. L’ensemble des dispositions ne compose pas encore une réforme complète de la politique du logement. Les annonces ont néanmoins montré un certain volontarisme.
Sur le “versement social unique”, le gouvernement a d’abord requis de l’expertise, avec des travaux sur une allocation sociale unique, simplifiant le paysage des prestations de solidarité. Il en va de questions extrêmement compliquées, portant autant sur le périmètre des prestations ainsi fusionnées que sur le gestionnaire unique, ou encore sur l’économie générale d’une telle réforme. Si elle devait se faire à dépenses constantes, elle ferait nécessairement de très nombreux perdants. En tout état de cause rien n’est encore annoncé. Et si quelque chose devait l’être ce serait certainement dans le contexte de la stratégie de lutte contre la pauvreté que souhaite lancer le gouvernement.
Emportée par une certaine “richophobie” qui lui est propre, la France a copieusement glosé sur un Emmanuel Macron “président des riches”. Robin des Bois à l’envers, le président inspecteur des finances détrousserait les pauvres pour financer les favorisés. Particulièrement exagéré, le trait ne rend pas compte d’une volonté générale de secouer les branches de l’édifice social. Cette volonté s’exprime assez clairement en matière de pauvreté. Les annonces à ce sujet ont suscité moins de commentaires, acerbes ou conquis, que les débats sans fin sur l’ISF. Pourtant les orientations mises en avant, avec la nomination d’un délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, ont tous les atours d’une stratégie rénovée. En se centrant sur la pauvreté des enfants, l’action publique se donne une juste cible. Le gouvernement a raison de mettre en avant la pauvreté des enfants. Ce ne sont pas uniquement les petits mendiants dans les rues, d’ailleurs ignorés par des pouvoirs publics qui apparaissent plutôt dépassés. Ce sont tous les mineurs vivant dans des familles pauvres. Alors que le taux de pauvreté, en moyenne, est de 14 % en France, il est de 20 % pour les enfants. Un enfant sur cinq est compté comme pauvre. Cette triste réalité statistique ne se résorbe pas d’un coup de baguette magique. La stratégie, encore à venir, de lutte contre la pauvreté, appelle nécessairement des inflexions structurantes. Reste maintenant à ce que sortent de la concertation engagée ces inflexions et orientations pour un renouveau de politiques de lutte contre la pauvreté.
Sur la retraite – chantier présidentiel de première importance même s’il était peu documenté dans le programme du candidat Macron –, le gouvernement prépare une réforme qu’il veut systémique. Pour ce grand dessein, Emmanuel Macron a nommé, en septembre 2017, Jean-Paul Delevoye haut-commissaire à la réforme des retraites, un poste rattaché au ministère des Solidarités et de la Santé et dont l’équipe est composée d’une dizaine d’experts de haut niveau. L’objectif du haut-commissaire est de mener les concertations nécessaires et de préparer un projet de loi. Celui-ci, qui avait été annoncé pour le premier semestre 2018, a été décalé à 2019, après les élections professionnelles du 6 décembre 2018. Il semble que l’affaire, extrêmement compliquée et sensible, appelle une négociation très approfondie. Mettre en œuvre un principe aussi simple que “chaque euro cotisé donne les même droits” commande des restructurations fondamentales du système de retraite, comme la fusion des deux étages (étage de base et étage complémentaire), la fusion de l’ensemble des régimes, la révision des instruments relevant de la solidarité et non de la stricte contributivité.  
Sur le plan du financement de la protection sociale, le mouvement est à l’accentuation du financement du système. Après les réformes engagées, la part des cotisations, encore majoritaires par rapport à l’impôt, est passée pour la première fois sous le seuil de 60 %. Afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français, mais également afin de redonner de la cohérence au système socio-fiscal, la bascule d’une partie des cotisations salariales vers une hausse de CSG aura été la mesure phare du  projet de budget 2018. Avec la réalisation de cette promesse de campagne, Emmanuel Macron a voulu “redonner de façon immédiate et visible du pouvoir d’achat aux salariés”, quitte à faire payer un peu plus les retraités ou les bénéficiaires de revenus du capital. Concrètement, le taux normal de la CSG a augmenté de 1,7 point au 1er janvier 2018. Une hausse qui rapportera plus de 20 Md€ dans les caisses de la Sécurité sociale. La baisse des cotisations chômage (2,4 %) et maladie (0,75 %) des salariés, intervient, elle, finalement en deux temps : de 2,2 points au 1er janvier 2018 puis de 0,95 point à “la rentrée de septembre-octobre 2018”.

Analyse

Les annonces et réformes engagées par le candidat élu présentent quatre caractéristiques.
  • Le volontarisme. Dans la suite de ce qu’ont été les annonces et les promesses de campagne et depuis l’élection, les chantiers ouverts sont de vaste ampleur.
  • La nécessaire concertation. Sur bien des dossiers il faut passer par la traditionnelle concertation. Elle est fondamentale pour les retraites et elle est organisée à cet effet. Elle est nécessaire dans les autres domaines, là où d’ailleurs elle a pu déjà faire défaut (comme le logement).
  • L’accompagnement de l’universalisation du système. Les mesures promises et celles annoncées (assurément moins ambitieuses) accompagnent le mouvement historique d’universalisation de la protection sociale, avec extension des couvertures et fiscalisation des ressources.
  • La contrainte financière. Si la France peut faire des économies c’est sur ses dépenses sociales : la France est le pays avec les dépenses sociales les plus importantes de l’OCDE, rapportées au PIB (31,5 % du PIB en 2016, contre 21 % en moyenne dans l’OCDE). Or il est difficile de réformer seulement pour faire des économies. Dans le contexte des déficits et de l’endettement, il n’y a ni cagnotte sociale, ni cagnotte fiscale. En même temps, il est nécessaire d’avoir des priorités et de réviser les cibles. Les réformes volontaristes sont les plus difficiles. Surtout quand il s’agit de simplifier (retraites, lutte contre la pauvreté, fusion du RSI dans le régime général), car il n’y a rien de plus compliqué que de simplifier.

Et maintenant ?

En matière de protection sociale, l’action va tous azimuts. Plutôt que de devoir sacrifier au rituel de “la pause”, qui ne manquera pas d’être réclamé à un moment ou à un autre, il convient d’organiser des grands rendez-vous explicatifs. Certaines réformes sont parfaitement paramétriques et ont même été un rien improvisées (la baisse des APL par exemple). D’autres sont structurelles, mais n’avancent pas aussi vite que prévu et nécessaire (comme le dossier des retraites). Il faut probablement mieux organiser le tempo de la réforme des dossiers sociaux et sa pédagogie.

Concrètement, les divers hauts comités qui ont en charge l’expertise et la concertation sur la protection sociale (en matière de retraite, d’emploi, de famille, d’assurance maladie) pourraient – au-delà de leurs discussions et productions techniques – opérer un point annuel sur l’actualité des réformes.

Sur le plan de la communication, l’information sur les détails techniques importe finalement peu, sinon pour les experts et les opérateurs. Une communication sur le sens général des réformes engagées a, elle, davantage d’importance.