L'Essentiel

  • Des premières mesures concrètes prises dans le prolongement du quinquennat précédent : pas de révolution, mais une adaptation des outils existants.
  •  Un discours fort sur la scène internationale sans effet à ce stade.
  • Des moyens pas toujours adaptés aux objectifs de décarbonation du mix énergétique : il faut prioriser les secteurs du transport et du chauffage des bâtiments qui émettent le plus.
  • Tout reste à faire pour définir un mix électrique cible crédible.
  • Une attention particulière doit être portée sur l’acceptabilité sociale de la transition écologique : les mesures les plus efficaces comme la taxe carbone sont aussi les plus impopulaires.

Données clés

En 2016, les émissions de gaz à effet de serre de la France ont été supérieures de 3,6 % aux objectifs prévus dans le cadre de la “Stratégie Nationale Bas-Carbone”, avec un total de 463 millions de tonnes d’équivalent CO2.

En 2017, pour la première fois depuis 23 ans, les émissions de CO2 des voitures neuves repartent à la hausse. C’est la conséquence du désamour pour le diesel et de la progression très forte des motorisations essence. Côté électricité, les émissions de CO2 sont en hausse pour la troisième année consécutive (+20,5 %) : la diminution de la production nucléaire et de la production hydraulique ainsi que les épisodes de froid ont nécessité un recours plus important aux moyens de production thermique fossile.

Dates clés

1 juin 2017

Retrait des États-Unis de l'Accord de Paris sur le Climat

juin 2017

6 juillet 2017

Présentation du Plan Climat

juillet 2017

20 juillet 2017 - 21 decembre 2017

États généraux de l'alimentation

12 decembre 2017

Sommet international sur le climat, One Planet Summit

decembre 2017

19 decembre 2017

Adoption du projet de loi sur la fin d'exploitation des hydrocarbures d'ici à 2040

23 avril 2018

Présentation de la feuille de route de l’exécutif en matière d’économie circulaire

avril 2018

Chiffres

Sortie des énergies fossiles

Descriptif : Interdiction de l’octroi de permis de recherche d’hydrocarbures et non-prolongation des concessions au-delà de 2040.
Promesse de campagne ? Oui
Recettes estimées à 16 M€ pour les finances publiques
Répartition des nouvelles recettes :
Recettes supplémentaires pour l’État : 10 M€
Recettes supplémentaires pour les collectivités locales : 5 M€ + 1 M€
Recettes supplémentaires pour la sécurité sociale : 0 €

 Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

La loi mettant fin à l’exploration et à la production d’hydrocarbures en France a été adoptée à la fin de l’année 2017. Elle entraînera progressivement et jusqu’en 2040 un abaissement de la production d’hydrocarbures à mesure que les concessions prendront fin. Afin de dissuader la recherche d’hydrocarbures et de compenser à court-terme les pertes de recettes futures des collectivités, les redevances associées à l’extraction de produits pétroliers ont été rehaussées dans la loi de finances rectificative pour 2017. Une nouvelle taxe portant sur l’exploration du sous-sol a également été instituée.
Ces modifications ont un impact positif à court terme, évalué à +16 M€ par an. Néanmoins, elles provoqueront à long terme une attrition des recettes liées à la production d’hydrocarbures.

Chiffrage détaillé

Augmentation de la redevance nationale pour la production (“redevance progressive des mines”)

L’article 41 de la loi de finances rectificative pour 2017 a supprimé les taux préférentiels applicables aux puits forés après le 1er janvier 1980 et a instauré un taux unique applicable de 8 % au-delà de 1 500 tonnes de pétrole produites par champ. Cette modification a comme conséquence de soumettre 90 % de la production d’hydrocarbures en France à la taxe.

Étant donné que la production de pétrole est de 800 000 tonnes par an, et de gaz de 160 millions de mètres cubes, il est estimé que la redevance annuelle totale s’élèvera à 15 M€ avec le nouveau barème contre 5 M€ avant modification de la loi de finances, soit une augmentation de +10 M€. (pour mémoire : une tonne de pétrole représente 7 à 8 barils et le cours actuel du baril est de l’ordre de 60 $).

Augmentation des redevances départementales et communales pour la production (RDCM)

L’article 43 de la loi de finances rectificative pour 2017 a supprimé les taux préférentiels applicables aux champs mis en service après le 1er janvier 1992 et instauré un taux unique plus élevé. Il est estimé que la redevance annuelle totale aux départements et communes s’élèvera à 20 M€ contre 15 M€ avant modification de la loi de finances, soit une augmentation de +5 M€.

Création d’une nouvelle taxe sur l’exploration des hydrocarbures

L’article 40 de la loi de finances rectificative pour 2017 (nouvel article 1590 du CGI) a créé une nouvelle taxe sur l’exploration des hydrocarbures. Cette taxe est proportionnelle à la surface de chaque permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux, selon un barème progressant avec la durée du permis (5 € par km2 par an pour la 1ère période du permis, 10 € pour la 1ère prolongation et 30 € au-delà). Néanmoins, la taxe ne s’applique pas aux permis d’exploration en mer (suite à l’ordonnance de décembre 2016 sur les espaces maritimes), ce qui limite son rendement (moins de 1 M€ par an). Cette ressource est affectée aux conseils départementaux.
(Le site du ministère de l’Écologie dénombre 26 permis de recherche d’hydrocarbures actifs dans l’hexagone, qui font en moyenne 500 km2).

Sources utilisées

d) Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Les volumes de production des différents champs sont assez mal connus et les données publiques limitées.


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Mesure d’accompagnement des ménages à la hausse de la fiscalité carbone

Descriptif :
  • augmentation du chèque énergie
  • prime à la conversion des véhicules
  • aide au changement des chaudières au fioul
  • réforme du Crédit d’impôt pour la transition énergétique
Promesse de campagne ? Oui
Économie estimée à  635 M€ pour les finances publiques
Répartition de l’économie : 
Économie pour l’État : +335 – 970 = – 635 M€
Économie pour les collectivités locales : 0 €
Économie pour la sécurité sociale : 0 €

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

Plusieurs mesures d’accompagnement des ménages à la hausse de la fiscalité du carbone ont été décidées :

Écart au tendanciel en M€ 2018 2019 2020 2021 2022
Revalorisation du chèque énergie 0 200 200 200 200
Élargissement de la prime à la conversion des véhicules 135 135 135 135 135
Aides à la conversion des chaudières au fioul 0 0 0 0 0
Prolongation du Crédit d’impôt pour la transition énergétique -845 -970 -970 -970 -970

Au total, ces mesures génèrent un surcoût de 335 M€ pour la dépense publique de l’État mais également 970 M€ de moindre dépense fiscale, soit un impact net positif de 635 M€ pour le budget de l’État.

Chiffrage détaillé

La forte hausse de la fiscalité carbone votée en loi de finances pour 2018 (+8 Md€ par rapport à la trajectoire prévue dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, +15 Md€ sans en tenir compte) augmentera la facture énergétique moyenne des Français. L’impact est toutefois différent selon leurs modes de vie : sont particulièrement touchées les familles se chauffant au gaz ou au fioul et/ou ayant fortement recours à leur véhicule. L’impact peut ainsi aller de 0 € / an pour un ménage se chauffant à l’électricité et sans voiture, à plus de 500 € / an pour un ménage utilisant le fioul et roulant beaucoup. En conséquence, une série de mesures compensatoires ont été annoncées dans le cadre du “Plan Climat”, afin de rendre cette hausse plus supportable pour les foyers modestes.

La revalorisation du chèque énergie

Jusqu’à 2018, les foyers modestes bénéficiaient de tarifs sociaux pour le gaz et l’électricité. La loi de transition énergétique adoptée en 2015 a remplacé, à compter de 2018, ces tarifs par un chèque énergie devant bénéficier à 4 millions de ménages (foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 7 700 € pour une personne seule et à 16 100 € pour un couple avec deux enfants).

Afin d’accompagner la hausse de la fiscalité carbone, le gouvernement a annoncé qu’il augmenterait progressivement le barème du chèque énergie, devant passer de 150 € à 200 € par ménage éligible (en moyenne) à partir de 2019. Le coût de la mesure, si elle est effectivement appliquée comme annoncée, est en conséquence de 200 M€.

2018 2019 2020 2021 2022
Montant moyen du chèque énergie et majoration par rapport au montant prévisionnel actuel (en €) : 150 200

(+50)

200

(+50)

200

(+50)

200

(+50)

Surcoût du chèque énergie par rapport au tendanciel (en M€) : 0 200 200 200 200

L’élargissement de la prime à la conversion des véhicules

La prime à la conversion a été mise en place en 2015 pour accélérer le renouvellement du parc automobile. Elle permet aux foyers modestes de bénéficier d’une prime pour le remplacement de leur véhicule qui n’a pas le droit à une vignette crit’air, par un véhicule neuf ou d’occasion plus performant (crit’air 1, voire crit’air 2).

Les conditions d’accès à la prime ont été élargies par la LFI 2018 (article 24). Désormais, elle est versée pour l’achat de tout véhicule crit’air 1 ou 2 (y compris d’occasion, ce qui est la nouveauté qui devrait largement élargir le recours) avec mise à la casse d’un véhicule ancien (diesel d’avant 2001 ou essence d’avant 1997). La prime est également généralisée à tous les Français (1000 € contre 0 en 2017 pour les ménages imposables) et doublée pour les ménages non imposables (de 1 000 € à 2 000 €). Les ménages non imposables peuvent également “convertir” un diesel fabriqué entre 2001 et 2006.

Compte tenu de ces nouveaux paramètres, il est anticipé un recours accru à la prime, le gouvernement prévoyant la “conversion” de 500 000 véhicules sur le quinquennat, soit 100 000 véhicules par an. En estimant (de manière forfaitaire) que 35 % des ménages ayant recours à la prime seront non imposable, le cout de cette “prime à la conversion” sera ainsi de 135 M€ par an en moyenne sur le quinquennat.

Ce chiffre de 100 000 véhicules par an est ambitieux, au regard du succès des précédentes primes à la conversion (qui permettaient uniquement d’acheter un véhicule neuf) : l’année dernière, moins de 1 000 personnes avaient ainsi eu recours à la prime. C’est notamment dû au fait que les véhicules les plus anciens conservent une valeur sur le marché de l’occasion, souvent supérieure au montant de la prime (1 000 € en général, 2 000 € pour les particuliers ne payant pas l’IR).

L’ouverture à la possibilité d’acquérir un véhicule d’occasion devrait la rendre beaucoup plus attractive : les véhicules qui peuvent être cassés sont très vieux (en règle générale, plus de 17 ans, plus de 12 ans pour les plus jeunes) et leurs possesseurs n’ont probablement pas les moyens de faire l’acquisition d’un véhicule neuf ou très récent. Les véhicules éligibles les plus anciens ont 10 ans environ (vignette crit’air 2), or l’âge moyen des véhicules d’occasion est de 9,3 ans et 2/3 ont plus de 5 ans. En supposant que les primes à la conversion ne servent qu’à des transactions d’achat de voitures entre 5 et 10 ans, le flux concerné est au maximum de 15 % environ des 7 millions de transactions annuelles, soit environ 1 million de transactions.

L’objectif du gouvernement serait donc atteint si 10 % environ des achats de véhicules d’occasion dans la cible sont en fait des “conversions” de très vieux véhicules. C’est un objectif atteignable mais probablement ambitieux au regard de la solvabilité des ménages. En tout état de cause, le gouvernement pourra maitriser la dépense en arrêtant la prime lorsque le nombre total de véhicules ciblés sera atteint (les chiffres sont suivis au mois le mois par l’agence spéciale de paiement).

Cette “prime à la conversion” pèse sur la dépense publique mais ne dégrade pas le déficit. En effet, elle est financée par le “compte d’affectation spéciale” dit “bonus-malus” (dont le vrai nom est “aide à l’acquisition de véhicules propres”). Ce compte a pour recettes le “malus” que payent les automobilistes achetant des véhicules “polluants” et a pour dépenses le “bonus” pour les véhicules propres et la prime à la conversion. Ce compte doit toujours être équilibré.

Or, le malus est fixé en loi de finances. Il est révisé chaque année pour tenir compte de l’amélioration des émissions des véhicules, et donc taxer de plus en plus les véhicules “polluants”. Le malus a rapporté 347 M€ en 2017. Il est prévu qu’il rapporte 388 M€ en 2018 avec son nouveau barème : cela n’est pas suffisant pour financer l’augmentation de 135 M€ de la prime à la conversion. La différence a été financée par l’arrêt de certaines aides. Ainsi le “bonus” pour les véhicules hybrides a été supprimé, le bonus de 200 € pour les vélos à assistance électrique aussi et il n’y a plus aucun bonus pour les véhicules “thermiques” même les moins polluants. Cette diminution du bonus a permis de financer cette nouvelle politique dans l’enveloppe de 388 M€.

  2018 2019 2020 2021 2022
Coût isolé de la prime à la conversion (en M€) : 135 135 135 135 135
Coût additionnel sur le compte “bonus-malus” (en M€) : 40 40 40 40 40

Le barème des bonus et malus des années 2019 et suivantes n’est pas encore connu (il est fixé par décret le 1er janvier de chaque année).

L’élargissement de l’aide à la conversion des chaudières au fioul

Dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, le changement des chaudières au fioul donne droit au versement d’une prime par les signataires de la charte “Coup de pouce économies d’énergie” référencés par le ministère.

Les certificats d’économie d’énergie ne sont pas une dépense budgétaire de l’État : il s’agit d’une obligation portant sur les fournisseurs d’énergie, qui doivent prouver qu’ils ont généré un certain niveau d’économies d’énergie sur le territoire. Pour cela, ils peuvent en particulier verser des primes aux ménages qui achètent des équipements plus économes en énergie. Dans ce cadre, ils peuvent, en accord avec le gouvernement, donner un “coup de pouce” pour certains actes.

La Direction générale de l’Énergie et du climat a modifié les textes permettant de bénéficier du “coup de pouce” dans le cadre des certificats d’économie d’énergie. Les ménages qui changent une chaudière au fioul pour un autre mode de chauffage peuvent bénéficier d’un “coup de pouce” de 2 000 € pour les ménages modestes, 3 000 € pour les ménages très modestes. Il ne s’agit pas de dépense publique mais d’un “fléchage” des obligations d’économies d’énergie. Le marché annuel des chaudières au fioul est de 50 000 chaudières, au maximum, le transfert ainsi généré serait donc de 150 M€ (même s’il est peu probable que les ménages très précaires optent pour des moyens de chauffage comme les pompes à chaleur, très onéreux par rapport aux chaudières au fioul).

Cette mesure n’a aucun impact sur le budget de l’État.

La prolongation et le recentrage du crédit d’impôt pour la transition énergétique

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique permet de financer des travaux d’isolation des logements et d’amélioration du chauffage des logements. La base du crédit d’impôt est constituée du prix d’achat des équipements. L’article 18 bis de l’annexe IV au CGI précise la liste des dépenses éligibles. Jusqu’à 2018, il finançait 30 % du montant des équipements installés, sans condition de ressources et sans obligation de réaliser un bouquet de travaux, sous un plafond global pluriannuel de 8 000 €, pour une dépense 2017 de 1 675 M€.

L’article 8 de la LFI 2018 a prorogé d’un an le crédit d’impôt et a davantage ciblé les dépenses éligibles sur les travaux les plus efficaces en économies d’énergie.

  • Le taux applicable aux parois vitrées, aux portes d’entrée donnant sur l’extérieur et aux volets isolants a été fixé à 0% à compter du 1er janvier 2018. Les remplacements de parois vitrées ont conservé un taux de 15 % jusqu’au 30 juin 2018, à condition que des doubles-vitrages remplacent des simples vitrages.
  • Les chaudières utilisant le fioul ont été exclues du champ des dépenses éligibles. Les chaudières très performantes au fioul ont conservé un taux de 15 % jusqu’au 30 juin 2018.
  • Les audits énergétiques et les raccordements aux réseaux de chaleur ont été rendus éligibles au crédit d’impôt.

L’année 2018 est donc une année “de transition” avec suppression de certaines dépenses en deux temps. La dépense de l’année 2018 est difficile à évaluer, dans la mesure où l’effet d’annonce d’une “fin de crédit d’impôt” a dû provoquer une ruée sur ces produits, afin de bénéficier de l’aide. Il est cependant estimé que :

  • les parois vitrées, portes d’entrées et volets isolants représentaient une dépense de l’ordre de 960 M€ (700 M€ pour les fenêtres, 120 M€ pour les portes, 140 M€ pour les volets isolants) d’après la revue de dépenses conduite par l’Inspection générale des finances ;
  • le gain de la suppression du CITE sur les chaudières au fioul devrait être de 20 M€ environ, en effet le nombre de chaudières fioul performantes vendues chaque année est de l’ordre de 15 000 avec une aide de l’ordre de 1 300 € par chaudière environ.

En année pleine, le gain serait de l’ordre de 980 M€. Le coût des audits énergétiques n’était pas chiffré dans le PLF (il a été intégré par amendement). Sur la base de 100 000 audits par an aidés à hauteur de 100 €, la dépense résultante sera donc de 10 M€.

Compte tenu de l’entrée en vigueur de la mesure, le coût est estimé à :

  • 3/12e (450 M€ + 13 M€), soit 115 M€ au titre des revenus 2017 ;
  • 1 675 M€ de reconduction – (3/12e * 450 M€ + 9/12e * 900 M€ + 13 M€) lié au recentrage du CITE, soit un coût net de 875 M€ au titre des revenus 2018.
2018 2019 2020 2021 2022
Impact de la mesure : -845 -970 -970 -970 -970

Le gouvernement a donc certes prolongé un crédit d’impôts existant auparavant, ce qui représente une dépense, mais il l’a considérablement recentré en sortant de son périmètre les dépenses les moins efficaces par euro public de subvention. Il en résulte une économie en année plein de 970 M€. Pour l’année 2018, année de transition, l’effet d’annonce qui peut provoquer une augmentation des achats en fin de période ne permet pas un chiffrage précis, cependant l’économie devrait être substantielle, de l’ordre de 845 M€.

Sources utilisées

Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Les effets volumes dus aux changements de taux sont difficiles à anticiper, tout comme les taux de recours aux dispositifs (ils varient fortement d’une année sur l’autre et dépendent des autres aides, des taux de TVA, etc…).


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Hausse de la fiscalité carbone

Descriptif : La hausse de la fiscalité carbone inscrite dans la loi de programmation pour les finances publiques 2018-2022 repose sur deux mesures :

  • l’augmentation de la taxe carbone à 86 € par tonne à horizon 2022 ;
  • l’accélération de la convergence de la fiscalité essence / diesel.
Promesse de campagne? Oui
Recettes fiscales supplémentaires par an estimées à 8,3 Md€,
en fin de mandat
Répartition des recettes : 
Recettes supplémentaires pour l’État : 8,3 Md€
Recettes supplémentaires pour les collectivités locales : 0 €
Recettes supplémentaires pour la sécurité sociale : 0 €

Analyse détaillée de la proposition

Commentaire synthétique

La trajectoire de la loi de programmation pour les finances publiques adoptée fin 2017 pour la période 2018-2022 prévoit une forte hausse de la fiscalité carbone via deux mesures votées en loi de finances initiale pour 2018 :

  • Contribution climat énergie : accélération de la hausse de la valeur de la tonne de carbone émise en 2018, puis augmentation régulière jusqu’en 2022 permettant d’atteindre 86 € par tonne en 2022 au lieu des 65 € prévus auparavant (loi de transition énergétique) et générant de fortes hausses de fiscalité sur les produits énergétiques.
  • Convergence essence et diesel : le différentiel de taxation était d’environ 10 centimes d’euros par litre en 2017. L’objectif est d’aligner les deux fiscalités en 4 ans, au lieu des 5 ans prévus précédemment et uniquement par l’augmentation de la fiscalité du diesel, soit une hausse de celle-ci de 2,6 centimes d’euros par an pendant 4 ans.

Le rehaussement de la trajectoire carbone, cumulé au rapprochement accéléré du diesel et de l’essence, entraînera une hausse de 12,73 c€/l d’essence E5/E10, et de 25,16 c€/l pour le gazole, sur la période 2017-2022. Pour un plein de 50 litres, cela représente une hausse de la fiscalité de 6,4 euros pour l’essence, et 12,6 euros pour le diesel, d’après un rapport du Sénat sur la fiscalité de la transition écologique.

Ces mesures permettent de générer, par rapport à la trajectoire actuellement retenue (“le tendanciel”) dans la loi de transition énergétique, 2,1 Md€ de recettes supplémentaires dès 2018, et jusqu’à 8,3 Md€ de recettes supplémentaires en 2022.

Chiffrage détaillé

La “taxe carbone” est l’une des composantes de ces trois taxes :

  • taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, dont notamment les carburants automobile et le fioul (TICPE, 13,3 Md€ en 2018) ;
  • taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) ;
  • taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC).

Depuis 2014, ces accises comportent en effet une “contribution climat énergie” (CCE) permettant de moduler la fiscalité des produits taxés en fonction de leurs émissions de CO2. La CCE est en effet proportionnelle au contenu en carbone que dégage la combustion de ces produits énergétiques : son montant est indexé sur la valeur de la tonne de carbone. La politique climatique promeut une augmentation forte de cette composante afin d’intégrer dans le coût des hydrocarbures les externalités liées à la pollution de l’air et au réchauffement climatique. Un coût “tutélaire” du carbone de 100€/t est censé permettre de limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici la fin du siècle.

  • La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a fixé en 2015 une cible à long terme de 100 €/t de CO2 en 2030. Pour atteindre cet objectif, la loi de finances rectificative pour 2015 avait fixé la valeur de la tonne de carbone prise en compte dans les trois taxes intérieures de consommation à 39 €/tCO2 en 2018, 47,5 €/tCO2 en 2019 et 56 €/tCO2 en 2020.

La LFI 2018 a substantiellement accéléré l’augmentation du prix de la tonne de CO2 afin de permettre d’atteindre plus rapidement les 100 €/t :

€/tCO2 2017 2018 2019 2020 2021 2022
LTECV 2015 30,5 39 47,5 56 60,4 64,8
LFI 2018 30,5 44,6 55 65,4 75,8 86,2
  • Le diesel avait été favorisé en France par un taux de TICPE inférieur à celui de l’essence. Le rapprochement des taux de TICPE applicables au gazole et à l’essence a été initié en 2015, avec +2c€/l sur le gazole puis, en 2016 et 2017, un +1c€/l pour le gazole et -1c€/l pour l’essence. Le gouvernement a proposé d’accélérer la convergence des deux taux, et la LFI 2018 a prévu un rattrapage complet de l’écart subsistant (10 c€/l) en 4 ans, soit +2,6 c€/l par an appliqués au taux du diesel pendant 4 ans.

Il en ressort les évolutions suivantes sur l’ensemble des taxes des produits énergétiques concernés :

2017 2018 2019 2020 2021 2022
Gaz naturel
(€/MWh) :
5,88 8,45 10,34 12,24 14,13 16,02
Charbon (€/MWh) : 9,99 14,62 18,02 21,43 24,84 28,25
Gazole (c€/l) : 53,07  59,40  64,76  70,12  75,47  78,23
Essence E5 (c€/l) :  65,07 68,29  70,67  73,05  75,43  77,80
Essence E10 (c€/l) :  63,07  66,29  68,67  71,05  73,43  75,80
Fioul domestique (c€/l) :  11,89  15,62  18,38  21,14  23,89  26,65
Fioul lourd (c€/kg) :  9,54  13,95  17,20  20,45  23,70  26,95

Il est à noter que les accises sur l’énergie (TICPE, TICC, TICGN…) sont soumises à TVA, leur augmentation provoque par conséquent une hausse de la TVA. Certaines niches fiscales (notamment les exemptions pour les transporteurs routiers, les agriculteurs, taxis, etc…) limitent l’augmentation de la recette.

Durant le débat parlementaire, les exemptions pour la consommation de GPL à des fins domestiques ont été supprimées, ce qui représentera aussi une augmentation des recettes (non chiffrée).

L’étude d’impact du PLF 2018 permet d’estimer le gain attendu en 2018, en décomposant les effets de la hausse : +825 M€ (hausse du prix du carbone TICPE) +1 025 M€ (convergence essence diesel) + 169 M€ (TVA) + 360 M€ (hausse prix du carbone TICGN, TICC) -225 M€ (dégrèvements TICPE) = + 2 154 M€

Il est à noter cette augmentation est additionnelle à la hausse déjà prévue par la loi de transition énergétique, qui rapporte 1 730 M€ additionnels en 2018. La hausse de la fiscalité du carbone est donc très importante en 2018, puisqu’elle rapportera 3,9 Md€ de plus qu’en 2017.

En appliquant les mêmes ratios pour les années suivantes (en considérant que la consommation ne diminuera pas) la politique climatique menée par le gouvernement rapportera, en 2022, +8,3 Md€ par rapport à la trajectoire qui était prévue par le précédent gouvernement (+ 15Md€ par rapport à l’année 2017).

Sur le quinquennat, le surcroît de recettes fiscales additionnées, par rapport à la trajectoire de la loi de transition énergétique, est de 25 Md€.

Sources utilisées

Difficultés éventuelles pour le chiffrage / aléas et incertitudes

Le chiffrage repose sur des hypothèses d’évolution des comportements, qui ne sont pas complètement prévisibles. Ainsi, l’Insee, dans sa note de conjoncture de décembre 2017, estimait qu’à comportements inchangés, le rendement serait supérieur.

Par ailleurs, il s’agit d’une trajectoire de taxation ambitieuse pesant fortement sur le pouvoir d’achat des ménages, en particulier modestes. Le gouvernement a estimé que cette hausse serait absorbable car le prix du pétrole et du gaz était bas. A l’été 2017, il était en effet estimé que si les prix se maintenaient, le prix de l’essence ne ferait que revenir à son niveau de 2012 en 2022. Néanmoins, les prix observent une tendance à la hausse qui pourrait éventuellement conduire à remettre en cause cet arbitrage s’il n’était pas soutenable par les ménages.

Engagements de campagne

Emmanuel Macron avait fait, pendant la campagne, de la transition écologique, le défi du 21ème siècle. Il a promis de sortir la France des énergies fossiles, d’aller vers une production d’énergie sans carbone, de faire de l’économie circulaire un nouveau modèle économique, de protéger la santé et l’environnement des Français et d’accompagner les transitions.

État des lieux

Pendant la première année du quinquennat, Emmanuel Macron a d’abord nommé Nicolas Hulot comme ministre de la Transition écologique et solidaire, ministre d’État et numéro deux du gouvernement dans l’ordre protocolaire, ce qui montre l’importance du sujet pour le président de la République. Dès juillet 2017, Nicolas Hulot a présenté un Plan Climat qui reprend en le détaillant la plupart des promesses du candidat.

En septembre 2017, la première mesure de ce plan a été mise en œuvre avec la présentation du projet de loi programmant l’arrêt de la production d’hydrocarbures en France, adopté en décembre de la même année.

En septembre 2017, ont été présentées les quatre mesures phares du Plan Climat :

  • la prime de 1000 € pour l’achat d’un véhicule récent;
  • la généralisation du chèque énergie déjà expérimenté dans quatre départements, en remplacement des tarifs sociaux de l’énergie;
  • la transformation du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) pour l’isolation des bâtiments en une prime;
  • une prime pour les ménages modestes qui remplacent leur chaudière financée par les certificats d’économie d’énergie.

Par ailleurs, dans la loi de finances pour 2018, a été adoptée une nouvelle trajectoire de hausse de la taxe carbone : d’ici 2022 un plein de 50 litres coûtera 6,40 € de plus pour de l’essence et 12,60 € de plus pour du diesel. La fiscalité du diesel et celle de l’essence ont également été alignées.

Sans que cela ait été une promesse de campagne, a été décidée en janvier 2018 l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Enfin, en avril 2018, le gouvernement a présenté sa feuille de route pour une économie 100 % circulaire. Celle-ci, en reconnaissant les limites d’un modèle d’économie linéaire, adopte un véritable plan d’action visant à réduire de moitié les déchets mis en décharge, rendre la fiscalité plus incitative pour le recyclage des déchets ou encore créer des emplois locaux, pérennes et non délocalisables.

Au-delà de ces mesures concrètes, le début du quinquennat a été marqué par des prises de positions fortes du président en faveur du climat, lors de son discours en novembre 2017 pendant la COP23 de Bonn ou le One Planet Summit organisé à Paris en décembre 2017.

Pendant cette première année de mandat, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim aura été confirmée en novembre 2017 par Nicolas Hulot (la fermeture devrait intervenir début 2019), l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 %, pourtant fixé dans la loi, aura été abandonné et la restructuration d’AREVA aura été finalisée.

Analyse

Les premières mesures prévues et mises en œuvre, pour la plupart annoncées pendant la campagne électorale, n’ont rien de révolutionnaire.

Nicolas Hulot a généralisé des expérimentations faites sous le quinquennat précédent (chèque énergie), fait évoluer des dispositifs existants (prime vs crédit d’impôt) ou repris de vieilles recettes (prime à la casse).

Plutôt qu’une grande loi fourre-tout comme le Grenelle de l’environnement, le gouvernement a opté pour un marqueur politique fort avec la première loi environnementale du quinquennat qui vise l’interdiction de l’exploitation d’hydrocarbures d’ici 2040. Cette mesure, très symbolique, n’aura aucun impact immédiat sur notre consommation d’hydrocarbures qui sont importés à 99 %.

Si pour la première fois un gouvernement propose des initiatives en faveur de l’économie circulaire, défendant le réemploi et le recyclage des déchets par des mesures tant incitatives que coercitives, certaines initiatives doivent encore être précisées. En effet, on peut se demander si la baisse de la fiscalité sur les activités de recyclage permettra de développer dès la conception des produits moins nocifs pour l’environnement. De même, rien n’est dit sur la valorisation énergétique des déchets, quand en Suède par exemple, la combustion des ordures assure 20 % du chauffage urbain du pays.

Finalement, la mesure prise cette première année qui pourrait avoir le plus d’impact sur le plan climatique pourrait être la hausse de la taxe carbone, mesure peu populaire du fait de son impact sur les consommateurs.

Concernant la diplomatie climatique, les discours du président français auront été nombreux et parfois marquants, que ce soit lors de la COP23 à Bonn ou pendant le One Planet Summit à Paris, sans que cela n’infléchisse la position du président des Etats-Unis, deuxième pays émetteur mondial de gaz à effet de serre après la Chine, et qui s’est retiré de l’Accord de Paris sur le Climat.

Au total, c’est sans doute la décision d’abandon du projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes, qui n’avait pas été annoncée pendant la campagne, qui pourrait être le marqueur le plus fort sur le plan environnemental de ce début de quinquennat.

Et maintenant ?

Sur le plan environnemental, l’exécutif risque de décevoir s’il n’offre pas un chemin de décarbonation de l’économie qui soit efficace à court terme. Après les mesures symboliques (comme l’exploitation d’hydrocarbure en France d’ici 2040), le gouvernement doit s’attaquer aux sources du problème en commençant par les secteurs du transport et du chauffage des bâtiments, qui sont les premiers émetteurs en France. Les premières mesures ont été prises dans ce domaine (prime à la casse, hausse de la taxe carbone, prime pour l’isolation des bâtiments et le remplacement de chaudière), mais aucune vision d’ensemble des objectifs et des moyens pour y parvenir n’a été donnée.

Nous risquons de constater à la fin du quinquennat un décalage entre les résultats en matière de baisse des émissions de CO2 et de la pollution, d’une part, et les dispositifs (souvent coûteux) mis en œuvre, d’autre part. Par ailleurs, très peu a été fait à ce stade pour rendre la transition énergétique socialement acceptable notamment par les plus modestes. Il peut y avoir un rejet notamment dans les zones rurales et les zones les plus défavorisées, pourtant les plus impactées par le changement climatique.

L’exécutif devra trancher en 2018 la question de la trajectoire du mix électrique du pays. La réponse à cette question, dont les enjeux financiers, environnementaux, industriels et sociaux sont colossaux, nous engage pour les décennies à venir.

La deuxième année du quinquennat verra ainsi s’ouvrir le débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, avec les questions de la trajectoire de fermeture des centrales nucléaires les plus anciennes et du grand carénage à venir. La question du modèle économique de la filière nucléaire sera à nouveau posée. Une décision sur la fermeture effective des centrales au charbon devra être prise.

Le gouvernement devra également préciser par des mesures concrètes son objectif de lutte contre l’obsolescence programmée ou l’objectif de 100 % de plastique recyclé sur tout le territoire. La lutte contre la pollution automobile reste en chantier. L’interdiction des perturbateurs endocriniens, sujet également traité au niveau européen, est encore dans les cartons.

Enfin, les efforts diplomatiques devront inlassablement être poursuivis, notamment pour convaincre les États-Unis de revenir dans l’Accord de Paris.