L'Essentiel

Si le phénomène du handicap en France reste difficilement quantifiable, il est certain que les structures d’accueil actuelles tout comme l’accessibilité au quotidien sont insuffisantes.

Pour pallier cette situation, le gouvernement a non seulement décidé de mener une action orientée vers l’inclusion des personnes handicapées, mais également de soutenir et revaloriser leurs aidants.

Les réformes d’ores et déjà engagées visent à améliorer l’insertion de ces populations et à faciliter leur quotidien, que ce soit par le développement de l’habitat inclusif, d’une scolarisation adaptée ou encore en favorisant la réinsertion dans le monde du travail.

Si les réformes vont dans le bon sens, leurs résultats ne pourront être perçus qu’à long terme. Cela implique de mettre en place à court terme des outils d’évaluation de l’impact de ces politiques publiques.

Données clés

Le handicap en France reste difficile à évaluer : en effet, il semble quasiment impossible d’estimer le nombre précis de personnes atteintes de handicap en raison des différents degrés de handicap et du flou qui entoure un tel thème.

A titre d’exemple, l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (ORCIP) estime le nombre de personnes handicapées à 12 millions en France dont 1,5 million atteints d’une déficience visuelle et 850 000 à la mobilité réduite. Si 15 000 enfants naissent handicapés chaque année (soit environ 2 % des naissances), la grande majorité (85 %) des personnes handicapées le deviennent après l’âge de 15 ans. 878 000 personnes handicapées déclarent une reconnaissance administrative d’un handicap et sont en emploi sur le marché du travail, mais 18 % des personnes avec reconnaissance administrative de handicap étaient sans emplois en 2015 (ministère de la Santé 2016).

Le ministère de la Santé indiquait en 2016 plus de 330 000 enfants en situation de handicap scolarisés à la rentrée 2014, dont les 85 % en école ordinaire.

Plus d’un million d’adultes étaient bénéficiaires, au 31 décembre 2013, de l’allocation adulte handicapé (AAH).

Dates clés

25 juillet 2017

Présentation d'une feuille de route sur le handicap

juillet 2017

20 mars 2018

Présentation des pistes d’amélioration pour l’embauche et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap et de leurs aidants

mars 2018

Engagements de campagne

Le handicap, qui constituait l’un des thèmes phares du programme d’Emmanuel Macron, est désormais présenté comme l’une des priorités du quinquennat, signe d’une réelle volonté politique qui ne se résume pas à une simple approche budgétaire.

Le candidat Macron avait ciblé son programme de lutte contre le handicap autour de trois sujets :

  • La réponse accompagnée pour tous : en proposant des alternatives au placement en établissements médico-sociaux (dont le nombre de places pour adultes reste limité à 350 000) ou en offrant un réel soutien aux aidants. Emmanuel Macron avait également évoqué la mise en place d’un plan d’accompagnement global (PAG) destiné à offrir un accompagnement personnalisé et adapté aux besoins des personnes.
  • L’inclusion : le candidat Macron ambitionnait d’accroître la participation des personnes handicapées à la vie sociale :
    • en facilitant l’accès au logement social ou inclusif ;
    • en facilitant la scolarisation ;
    • en améliorant l’accès à l’emploi.
  • L’accessibilité : partant du constat que 40 % des établissements publics ne seraient toujours pas accessibles aux personnes handicapés, l’une des mesures phares du programme portait sur la priorité à l’accessibilité des transports publics et de la voirie avec l’aide des collectivités territoriales. L’accès à des formations professionnelles adaptées à la situation des personnes handicapées avait également été formulé.

État des lieux

Le Comité interministériel du handicap (CIH), qui s’est tenu le 20 septembre 2017, a présenté une feuille de route claire et déterminée, reprenant l’ensemble des propositions formulées par le candidat Macron. L’organisation d’un tel comité est signe d’espoir et témoigne de la volonté du gouvernement de faire du handicap l’une des priorités du quinquennat. Le rattachement du secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées au Premier ministre est un autre signal positif.

A ce jour, les réformes ont bel et bien été engagées dans de nombreux domaines : simplification administrative, accessibilité, scolarisation, formation, emploi, parcours de vie et santé. Néanmoins, ces mesures restent dans l’ensemble structurelles, ce qui rend difficile – à court terme – toute évaluation. Le gouvernement indique s’engager à mesurer quantitativement les avancées dans ce domaine, par exemple en consultant l’évolution du nombre d’auxiliaires de vie scolaires, de réseaux ULIS, le taux d’emploi des personnes handicapés ou encore l’accessibilité des transports.

Des mesures phares et emblématiques de la campagne ont été engagées :

  • la revalorisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) de 100 € mensuels d’ici à novembre 2019 avec une première revalorisation dès novembre 2018 ;
  • la création de 8 000 postes d’auxiliaires de vie en établissements scolaires à la rentrée 2017.

Notons aussi que le projet de loi Évolution du logement et aménagement numérique (ÉLAN), présenté en Conseil des ministres le 4 avril 2018, contient deux articles consacrés au handicap :

  • l’article 17 qui incite les bailleurs sociaux à créer des logements évolutifs (logements facilement convertibles en logements adaptés aux personnes handicapées) ;
  • l’article 45 qui permet le conventionnement en logement social des colocations de personnes handicapées. Cet article représente une avancée majeure pour l’habitat inclusif, une solution alternative, valorisante et moins coûteuse en comparaison d’un placement en établissement médico-social. En effet, les cohabitations entre personnes handicapées par une mise en commun partielle des heures d’auxiliaires de vie des colocataires leur offrent la possibilité de vivre en autonomie.

L’organisation, le 30 novembre 2017, d’une journée nationale de l’habitat inclusif et la présentation lors de cette journée par Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, d’un guide de l’habitat inclusif destiné à tout porteur de projet éventuel sont deux autres preuves de cette prise de conscience collective.

Analyse

Si le Plan annoncé lors du CIH correspond aux promesses de campagne, on peut toutefois se réjouir que les réformes engagées le soient dans la continuité de l’action du précédent gouvernement.

Néanmoins, les dogmatismes, les lenteurs administratives et la frilosité face à l’innovation caractéristiques de ce secteur, le rendent extrêmement long et complexe à réformer. En effet, les coûts d’entrée élevés décalent l’application des mesures adoptées et l’évaluation sur le moyen terme, à l’image du projet SERAFIN, chantier engagé depuis en 2015, mais qui ne sera effectif qu’en 2020.

Avec environ 12 millions de Français qui seraient atteints d’un handicap en France, une espérance de vie des personnes handicapées qui a triplé en 50 ans et le profond retard français en matière d’inclusion, iI y a pourtant urgence à initier des réformes profondes et conséquentes.

Et maintenant ?

Il faudra attendre plusieurs années avant d’être réellement en mesure d’observer les résultats des réformes engagées. Afin de transformer durablement la prise en compte et en charge du handicap, plusieurs pistes peuvent néanmoins être mobilisées :

  • Permettre à des initiatives privées de se développer : le secteur du handicap reste encore trop associé à une mission incombant uniquement à l’État et aux associations. Les initiatives privées, portées par des sociétés de l’économie sociale et solidaire (ESS) peinent à trouver de la légitimité et à se développer en raison d’un cadre réglementaire extrêmement contraignant et trop dogmatique, alors qu’elles apportent au secteur des idées nouvelles, une grande agilité et des moyens de financement nouveaux.
  • Associer les personnes handicapées concernées aux réformes proposées : afin d’accélérer l’ensemble des réformes engagées et de s’assurer de leur pertinence, il semble essentiel que les personnes handicapées puissent apporter leur expertise sur les mesures en cours.
  • A ce titre, la création d’un statut de travailleur d’utilité sociale (TUS) en contrepartie de la perception de l’allocation adulte handicapé (AAH) offrirait une activité au grand nombre de personnes handicapées en incapacité d’occuper un emploi. Leur expertise pourrait être déployée sur des sujets tels que les diagnostics accessibilité, les collectes de données pour les plateformes numériques d’accessibilité, lors d’intervention dans les écoles à l’occasion d’une semaine nationale sur le handicap, la prévention routière dans les auto-écoles, les tutorats dans les écoles et entreprises, etc.
  • Promouvoir les victoires rapides : pour répondre à la lenteur liée à la lourdeur des réformes structurelles engagées, la mise en lumière d’avancées concrètes dans le secteur du handicap aurait pour mérite de témoigner des progrès en cours. De nombreuses actions pourraient être réalisées et auraient un impact visible à court terme :

    • intégrer un pourcentage de logements inclusifs à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) ;
    • alléger les charges sur les emplois d’auxiliaire de vie pour les aidants ;
    • développer l’aide administrative pour les aidants en créant des postes d’assistants administratifs au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ;
    • mise à disposition des biens immobiliers publics pour offrir des locaux à des initiatives innovantes portées par les acteurs de l’ESS : écoles, lieux d’échanges, habitats inclusifs, groupes d’entraide mutuelle (GEM), lieux de répit pour les aidants.
  • À l’instar du 4ème Plan Autisme, initier le premier plan des traumatismes crâniens (TC) cérébraux lésés, une des principales causes du handicap en France.
  • Revoir les modes de critères d’attribution des heures de prestation de compensation du handicap (PCH), en sortant d’une prise en charge exclusivement motrice et en développant la prise en charge d’accompagnement social et psychique.