Le président Macron a réussi une véritable “réinitialisation” de la politique de la France au Proche-Orient et au Maghreb, grâce en particulier à une politique de contacts personnels très active. Cela ne s’est pas traduit pour l’instant par des résultats très probants ni sur la Libye ni sur la Syrie. De même, si le chantier d’un renouvellement de notre relation avec le Maghreb est ouvert, beaucoup reste à faire pour restructurer et développer nos dispositifs de coopération.
La France d’Emmanuel Macron apparaît cependant comme un acteur potentiellement décisif dans la crise qui monte autour de l’accord nucléaire avec l’Iran (JCPOA). Dans quelle mesure peut-elle jouer un rôle de modération sur ce dossier particulier, mais plus généralement au regard de l’escalade des tensions dans la région que laissent désormais présager de nombreux signaux ?
8 novembre 2017 - 9 novembre 2017
Visite officielle d’Emmanuel Macron aux Émirats arabes unis
novembre 20177 decembre 2017
Déplacement d'Emmanuel Macron au Qatar
decembre 20178 avril 2018 - 9 avril 2018
Visite officielle de Mohammed ben Salman à Paris
avril 201814 avril 2018
Frappes occidentales en Syrie (France, États-Unis, Royaume-Uni), en réaction à une attaque chimique présumée
Candidat, Emmanuel Macron a identifié le rôle de la France au Proche-Orient et en Afrique du Nord comme un axe majeur de la politique étrangère qu’il serait amené à développer s’il était élu.
Tout en évitant des engagements trop précis, ses déclarations mettaient en relief toute une série d’enjeux majeurs, tels que le combat contre le terrorisme, la lutte contre l’extrémisme, la gestion des migrations, la relance de la relation de la France avec le Maghreb et, bien entendu, la contribution de la France à la solution de certaines crises (Libye, Syrie). L’accent était mis aussi sur la nécessité d’une politique européenne plus forte dans cette région du monde.
Sur le conflit syrien, la position du candidat trahissait une certaine confusion, soutenant à certaines occasions un interventionnisme audacieux, mais insistant surtout sur la promotion d’une feuille de route diplomatique, qui comportait la création d’un groupe de contact, une moindre insistance sur le départ de Bachar al-Assad et la volonté d’un dialogue renforcé avec la Russie.
Sur le conflit israélo-palestinien, le candidat a soutenu la position française classique d’une solution à deux États.
Sur la question de nos alliances au Proche-Orient, le candidat préconisait un réexamen de la relation avec l’Arabie saoudite et le Qatar – soupçonnés de soutien à des organisations déstabilisant la région -, et une attitude de neutralité dans le conflit opposant sunnites et chiites. Emmanuel Macron défendait également le dialogue avec l’Iran et la préservation de l’accord nucléaire, à condition que Téhéran tienne ses engagements.
Le président Macron a, en quelques mois, “réinitialisé” la politique française vis-à-vis du monde arabe et méditerranéen. Cette politique est le résultat d’un engagement personnel, dont témoignent l’initiative très tôt d’une réunion à Paris des deux principaux protagonistes de la crise libyenne – Fayez al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar – le 25 juillet 2017, les nombreux déplacements du président (Maroc, Émirats Arabes Unis, Arabie saoudite, Algérie, Qatar, Tunisie), ou encore l’accueil à Paris de nombreux dirigeants de la région (Abdel Fattah Al-Sissi, président d’Egypte, Saad Hariri, Premier ministre du Liban, Michel Aoun, président du Liban, Benyamin Netanyahou, Premier ministre d’Israël, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, émir du Qatar, Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, etc).
Des échanges téléphoniques fréquents ont eu lieu avec des personnalités aussi différentes que Mohammed ben Salman (MbS), prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Zayed (MbZ), prince héritier d’Abou Dhabi, Hassan Rohani, président de la République Islamique d’Iran, Recep Tayyip Erdogan, Benyamin Netanyahou, etc.
L’engagement du président Macron comporte trois caractéristiques :
C’est dans le traitement des crises ouvertes que la politique d’Emmanuel Macron a paru dans un premier temps trouver ses premières limites, le cas le plus évident restant celui de la Syrie : la proposition d’un groupe de contact ayant eu peu d’échos, la recherche d’un dialogue avec la Russie et le changement de langage concernant Bachar al-Assad n’ont pas renforcé significativement la main de la France dans le conflit syrien. Toutefois, on assiste depuis quelques semaines à un tournant, qui résulte de la volonté du président Macron de retrouver des leviers d’action sur le dossier syrien. A ce titre :
Sur la question libyenne, l’impulsion donnée à la médiation onusienne en début de mandat tarde à donner des résultats. Certains observateurs s’interrogent d’ailleurs sur le positionnement réel de la France quand certains soupçonnent le pays de complaisance vis-à-vis du maréchal Haftar. Sur le Yémen, le soutien français maintenu à l’Arabie saoudite et aux Emirats Arabes Unis ne parvient pas à les convaincre de s’engager vers une sortie de crise.
En revanche, le profil du président et son volontarisme politique lui ont permis de placer la France en acteur au moins potentiel sur les “nouvelles crises”.
Emmanuel Macron a su rester distant face aux tensions opposant le Qatar et ses voisins. Il tente d’ailleurs d’utiliser celles-ci au bénéfice de son programme de lutte contre le terrorisme. Par la suite, son engagement personnel a permis de résoudre la crise intervenue entre le Premier ministre libanais, Saad Hariri, et l’Arabie saoudite, renforçant l’implication française au Liban en faveur de la préservation de la stabilité
Surtout, Emmanuel Macron est apparu au fil des mois comme le principal intercesseur entre l’administration Trump et l’Iran dans la crise provoquée par la remise en cause de l’accord nucléaire par Donald Trump. Là aussi un tournant majeur est intervenu lors de la visite d’Etat du président Macron à Washington du 23 au 25 avril :
Sur d’autres sujets – le conflit israélo-palestinien, la redynamisation de la relation avec les pays du Maghreb, voire même la lutte contre le terrorisme -, les premiers gestes du président Macron ont constitué un lever de rideau. Il reste à définir des politiques et, s’agissant en particulier du Maghreb, à mobiliser des moyens. A cet égard, la dimension européenne à toute politique française au Proche-Orient qu’a affichée le candidat pendant la campagne ne s’est pas vraiment concrétisée. Cela peut en partie résulter des incertitudes propres à la situation en Europe (cas allemand en particulier), mais nos partenaires soupçonnent la permanence de réflexes “gaulliens” donnant la priorité à l’autonomie d’action de la France sur la recherche d’une approche européenne commune.
Trois sujets majeurs appelleront de la part de l’administration Macron dans les prochains mois des réponses ambitieuses dont dépendra la suite de la politique moyen orientale de la France :