Le choix des caractères revêt une importance extrême dans le monde chinois, et c’est par un autre coup de génie de marketing de ce type que le concurrent le plus sérieux de Huawei en Chine, un cost-killer prolifique et populaire, s’est dénommé "petit grain de riz" (Xiaomi).
Devenu petit fabricant de commutateurs pour réseaux téléphoniques, Ren comprend qu’il faut se différencier : c’est le point de départ de sa stratégie d’acquisition des technologies. Huawei ne lésine pas sur la R&D (aujourd’hui, 15 milliards de dollars, soit 15 % d’un CA à vrai dire peu détaillé en 2018). La chèvre, dit Ren, doit grimper en haut de la montagne pour échapper au loup de la concurrence : plus tard, il choisira la métaphore du loup, en phase avec un certain darwinisme. Mais la route de Huawei est parsemée d’accords avec les sociétés internationales de haute technologie : à commencer par IBM, qui lui a donné des recettes de management, Motorola qui a failli fusionner, Cisco qui, parmi bien d’autres, a été dépouillé de ses recettes, jusqu’aux mêmes fautes d’orthographe dans un livret d’instruction.
Aujourd’hui, de Google à Microsoft, d’ARM (RU) à TSMC (Taiwan) de Qualcomm (USA) à Infineon (Allemagne), Huawei dépend largement d’un réseau international de fournisseurs sophistiqués, desquels il est bien rare que les composants ou les logiciels américains soient absents. Voilà qui réduit aujourd’hui Ren Zhengfei et Huawei à un exercice de communication des plus périlleux : en appeler, au nom de la globalisation, à la solidarité des concurrents et fournisseurs internationaux contre "les dirigeants politiques américains", tout en se proclamant le champion de l’auto-suffisance technologique. C’est la même logique absurde qui conduit Huawei à proclamer sa "confiance en l’état de droit américain", quand l’état de droit chinois n’existe pas, et à dénoncer l’inscription sur une liste d’exclusion comme une atteinte aux droits de l’Homme.
L’atout prix
Huawei avait très vite été soutenu par des mises de fonds publics, depuis les commandes de l’armée chinoise que l’entreprise minimise aujourd’hui jusqu’aux prêts gigantesques de grandes banques publiques chinoises. Ses prix bas ont chassé du marché chinois Alcatel (ex-Shanghai Bell) et Cisco, avant de faire merveille à l’international : on dit par exemple que son offre préparatoire à la 5G pour l’opérateur néerlandais KPN, acceptée en avril 2019, est de 60 % plus basse que celle du concurrent le plus proche…
Bien sûr, ce diptyque subventions/sous-facturation n’est pas propre à Huawei. Il est à l’œuvre dans nombre d’entreprises d’État subventionnées en Chine, et dans d’autres qui ont acquis une solide base dans un marché intérieur abrité. Il se dit qu’Alibaba propose aujourd’hui des services de cloud à un prix inférieur de 90 % à celui d’Amazon.
Profiter des rabais chinois est alléchant à court terme mais conduit à plus long terme à une dépendance à un monopole chinois qui, alors, dictera plus que les prix.
C'est un piège dont il faut être conscient et même difficile à gérer
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