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14/03/2019

Inégalités : territoriales, peut-être, sociales, surtout.

Inégalités : territoriales, peut-être, sociales, surtout.
 Victor Poirier
Auteur
Ancien directeur des publications

Contrairement à la Grande-Bretagne ou à l’Allemagne, la France n’a pas connu de creusement des inégalités de revenus depuis dix ans. Les écarts entre les revenus bruts existent, voire s’accroissent, mais l’État Providence continue de lisser fortement ces inégalités en redistribuant une partie des richesses entre les actifs et les inactifs, entre les bas et les hauts revenus, et de ce fait, entre les territoires grâce aux impôts et aux prestations sociales. 

Pour autant, et la crise des Gilets jaunes initiée en novembre 2018 nous le rappelle assez brutalement, la redistribution ne fait pas tout. Le malaise qui s’exprime résulte de la colère devant d’autres formes de fractures, d’autres formes d’inégalités : les inégalités sociales ressenties, les inégalités d’accès et de destin. Celles-ci sont plus importantes que les inégalités territoriales aux yeux des citoyens : l’Institut Montaigne et le cabinet Elabe se sont attachés à le rappeler dans leur récent Baromètre des Territoires, dont les résultats vont à contre-courant des idées reçues (les fractures entre les territoires n’indignent que 6 % des Français, contre 29 % pour les inégalités sociales).

Ces fractures sont-elles un problème de rétractation des moyens publics ? Ce serait oublier que la France est, parmi les pays de l’OCDE, le pays qui a le plus haut niveau de dépenses des administrations publiques rapporté au PIB (56,4 %), devant la Finlande (54,1 %).

La France est, l'un des pays qui redistribuent le plus.

Ces fractures sont-elles le fruit d’une trop faible redistribution ? La France est, au contraire, un de ceux qui redistribuent le plus. Ainsi en 2015, les revenus bruts des 10 % les plus riches est 21,1 fois supérieur à celui des 10 % plus pauvres, contre seulement 5,7 fois après redistribution par la fiscalité.

En France, les inégalités ont pris une autre voie. Malgré la très forte présence de l’Etat, des collectivités locales et du système de protection sociale, les Français ont le sentiment qu’ils n’ont pas les mêmes opportunités que leurs parents. Que la vie est plus difficile. Qu’elle sera plus dure pour leurs enfants. Ils ont faiblement confiance en la politique pour transformer cette situation et ils se sont habitués à voir se réduire l’efficacité d’un certain nombre de services publics, au premier rang desquels l’éducation. Ce sentiment de fatalité alimente la crise que nous vivons actuellement. Il se niche dans les inégalités d’accès, qui concernent moins la différence en territoires que la promesse d’une égalité de tous devant les grandes institutions publiques que nous ne sommes pas parvenus à transformer depuis trop longtemps.

Quelles inégalités d’accès ?

Certes, les métropoles françaises représentent 40 % de la population, 55 % de la masse salariale et la moitié du PIB national (51 %). Les quinze plus grandes aires urbaines auraient concentré 75 % de la croissance entre 2000 et 2010, contre 60 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, et déposent 70 % des demandes de brevets. Néanmoins, si les situations diffèrent au sein même de ces grands pôles urbains et le sentiment d’injustice sociale qui domine au sein de notre société (71 % des Français jugent la société injuste) se retrouve dans tous les territoires : il n’est pas la résultante de l’appartenance, ou non, à ces métropoles. Les inégalités sociales et d’accès sont les premières causes d’injustice : retour sur quatre d’entre elles, qui animent le quotidien de bon nombre de Français.

  • S’éduquer et se former

S’éduquer et se former permet de contourner les immobilismes sociaux et territoriaux. Pourtant, en matière d’éducation, que ce soit à l’école, dans l’enseignement supérieur ou lors de la formation professionnelle et continue, les inégalités sociales et territoriales sont très fortes.

À l’école, la France souffre depuis des années de résultats en constante dégradation (le classement PISA en est l’illustration) et d’un déterminisme social extrêmement marqué au sein du système scolaire. Entre 2002 et 2017, le poids de l’origine sociale sur les performances des élèves de 15 ans a augmenté de 33 %, et 20 % des élèves sur tout le territoire sont en difficulté. En parallèle, les territoires sont exposés de façon inégale à des obstacles en matière d’éducation : dans les 10 % des communes les plus pauvres en 2016, le nombre d’enseignants de moins de 30 ans et des non-titulaires était deux fois plus élevé que dans les 10 % les plus riches. Autre exemple, le nombre de langues vivantes proposées varie fortement, de 2 à 7 selon l’établissement. La réussite des épreuves écrites du diplôme national du brevet en Île-de-France est enfin 2 fois supérieure dans les zones les plus aisés que dans les territoires en difficulté socio-économique. Autant de raisons pour lesquelles l’Institut Montaigne s’est prononcé, très tôt, en faveur du dédoublement des classes de CP et CE1 et REP et REP+.

L’enseignement supérieur traduit les disparités territoriales notamment par le fait que Paris, Lille et Lyon concentrent à elles seules plus de la moitié des étudiants de France. À la rentrée 2015, seulement 0,4 % des effectifs du supérieur (environ 8 000 étudiants) étaient implantés en dehors des aires urbaines. La croissance du nombre d’étudiants depuis 2001 s’est concentrée dans les plus grandes villes (+20 % en moyenne pour les villes de plus de 200 000 habitants). La dynamique des inégalités sociales accompagne cette inégalité territoriale : au fil de l’approfondissement des études (de la licence au doctorat), les étudiants de classes populaires sont de moins en moins représentés

En matière d’éducation, que ce soit à l’école, dans l’enseignement supérieur ou lors de la formation professionnelle et continue, les inégalités sociales et territoriales sont très fortes.

L’offre de formation professionnelle est aussi majoritairement concentrée dans les grandes villes : son accès depuis les lieux les moins densément peuplés est difficile. Or, ce sont ces zones peu denses qui concentrent les personnes les moins qualifiées. On assiste à une “redistribution à l’envers” très dommageable : les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) qui se trouvent dans les territoires moins denses pourraient par exemple bénéficier d’un système de formation professionnelle décentralisé et de qualité. A ce titre, la monétisation du compte personnel de formation comme la nécessité d’une certification qualité pour les organismes de formation, encouragées par l’Institut et mises en place dans la loi du 5 septembre 2018, sont deux avancées importantes pour rendre le système de formation viable financièrement et lisible pour les citoyens.

  • Se déplacer

Se déplacer, ou la question récurrente de la mobilité, revêt une importance majeure comme l’a constaté notre Baromètre des territoires "La France en Morceaux". Choix de vie et mobilité sont intrinsèquement liés, puisque parmi les Français qui expriment le sentiment de ne pas avoir choisi leur vie, deux sur trois se sentent coincés dans leur territoire, contre moins de 45 % pour ceux qui ont le sentiment d’avoir choisi leur vie.

L'automobile est synonyme pour beaucoup d’indépendance et de liberté (87 % des sondés).

Pour accéder à la mobilité, tous les habitants ne font pas face aux mêmes défis. Alors qu’à Paris, la voiture est un moyen de déplacement marginal (12 % des déplacements), elle est un outil indispensable dans de nombreux territoires (plus de 70 % des déplacements dans les pôles urbains de moins de 100 000 habitants). Chez les détenteurs de véhicule, qui se situent majoritairement en zones non denses, il y a d’ailleurs vis-à-vis de la voiture personnelle un attachement indéniable : 99,2 % des répondants lors de notre rapport Quelle place pour la voiture demain ? n’envisagent pas d’y renoncer à moyen terme. 

Cet attachement, au-delà du fait que l’automobile pallie à un manque d’offre de transports dans certaines zones périphériques, traduit le fait que celle-ci est synonyme pour beaucoup d’indépendance et de liberté (87 % des sondés). Or, le développement économique repose en partie sur la mobilité des agents économiques : il est établi que l’évolution du trafic de voyageurs est corrélée à celle du PIB.

  • Travailler

Dans un contexte de chômage persistant, il est nécessaire de déconcentrer l’activité économique afin d’offrir plus d’opportunités d’emplois en dehors des aires urbaines majeures. Bien qu’en baisse, le chômage atteignait encore 8,8 % de la population active au quatrième trimestre 2018 (au sens du BIT). De 1999 à 2014, la croissance de l’emploi était de 1,4 % par an dans les 12 plus grandes métropoles de province, contre 0,8 % par an sur l’ensemble du territoire. Les métropoles françaises rassemblent près de 46 % des emplois, dont 22 % pour la seule aire urbaine de Paris et 24 % pour celles de province. Sur les 2 millions d'emplois créés entre 1999 et 2011, la moitié l’ont été dans 30 zones d'emploi. Comment expliquer cette concentration à la française ?

Plusieurs facteurs peuvent venir expliquer ces chiffres. Les entreprises françaises, en quête d’agilité constante, subissent encore de plein fouet les obstacles fiscaux et administratifs qui entravent leur compétitivité à l’échelle mondiale. Ces blocages avaient déjà fait l’objet d’une étude importante de l’Institut Montaigne et du Meti en janvier 2018. En Europe, la France fait par exemple figure de mauvais élève en termes de nombre d’ETI, ces entreprises qui sont une source majeure de création d’emplois, de dynamisme économique et un acteur clé de la réduction des fractures territoriales.

Bien qu’en baisse, le chômage atteignait encore 8,8 % de la population active au quatrième trimestre 2018.

En 2016, sur 187 200 emplois créés en France dans le secteur marchand, 156 000 l’ont été par les ETI. Leur développement bénéficie à l’ensemble du territoire : 78 % des sites de production des ETI sont en régions et il y a 3 216 000 salariés dans les ETI en France. Même si elles sont peu nombreuses, elles stimulent la croissance. Elles emploient 24 % des salariés du pays et sont les seules catégories d’entreprises à avoir créé des emplois en France entre 2009 et 2015. La France compte environ 5 800 ETI sur son territoire, contre 12 500 en Allemagne, 10 000 au Royaume-Uni et 8 000 en Italie. Bien que la dynamique de création et de croissance existe, elle n’est pas suffisante pour rattraper le retard vis-à-vis de nos voisins européens : en l’espace de deux quinquennats, la France n’a donné naissance qu’à 1 200 nouvelles ETI.

Autre secteur source d’emploi potentiel sur les territoires, le tourisme est une industrie stratégique pour la France.Il représente plus de 7,2 % du PIB et emploie, directement ou indirectement, près de deux millions de personnes. Nous sommes le pays accueillant le plus de touristes au monde (89 millions en 2017). Pourtant, comme nous l’avons rappelé dans notre rapport Tourisme en France : cliquez ici pour rafraîchir, en termes de recettes, la France est loin derrière les Etats-Unis, la Chine et l’Espagne. En moyenne, un touriste international en France génère 490€ quand l’Espagne génère 746€ de recettes de chacun de ses touristes internationaux, soit 50 % de plus. Ce secteur est aussi le miroir de la macrocéphalie parisienne : Paris comptait 81 500 chambres d'hôtel en 2018, suivie directement par Lourdes, 10 000 chambres. Ce secteur, potentiel pourvoyeur de dynamisme économique et d’emploi, pourrait pourtant bénéficier bien plus fortement aux territoires français.

  • Se soigner

Se soigner en France soulève d’ailleurs un paradoxe : bien que le système de santé du pays soit l’un des plus performants selon l’OMS (l’espérance de vie des femmes y est la deuxième au monde), les inégalités sociales et territoriales de santé y sont particulièrement marquées. Cela peut être lu sous divers aspects. Selon notre Baromètre des Territoires, un Français sur deux en moyenne (le plus haut, 57 % en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et le plus bas, 46 % en Bretagne) ont retardé ou renoncé à des soins de santé pour raisons financières lors des douze derniers mois.

Un Français sur deux en moyenne ont retardé ou renoncé à des soins de santé pour raisons financières lors des douze derniers mois.

Les déserts médicaux sont également une réalité. Le nombre de médecins pour 100 000 habitants est par exemple de 846 à Paris contre 212 dans l’Indre (4 fois inférieure). Mais ces déserts médicaux n’opposent pas nécessairement France rurale et France urbaine : même en Île-de-France, en 2018, plus de 9 millions de personnes (76 % de la population régionale) résident dans des territoires éligibles aux aides à l’installation et au maintien des médecins.

Education, mobilité, emploi, accès aux soins : après avoir dressé un portrait simplifié des inégalités sociales et territoriales au coeur de la vie des Français, une question prioritaire doit être posée : quelles sont les politiques publiques susceptibles d’y porter remède ? Le numérique, une meilleure coordination avec les acteurs privés et une action publique plus efficace et adaptée sont des axes clés à considérer.

Quels principes de travail pour répondre à ces défis ?

Le numérique comme outil déterminant

Le numérique, d’abord. Il a transformé et bouleverse encore profondément de nombreux secteurs économiques et administratifs. De manière générale, le numérique est un outil important pour les collectivités, car il n’est pas ou peu affecté par la dimension territoriale : sous réserve de traiter les enjeux de fracture numérique - notamment à travers le plan France Très Haut Débit, qui vise à équiper 50 % du territoire français d’ici 2022 - et ceux de formation de la population à ces nouveaux outils, son potentiel pourra progressivement se décliner dans de multiples secteurs affectés par les inégalités d’accès. En voici quatres exemples.

  • L’éducation peut en tirer profit. S’il n’est pas une fin en soi, le numérique peut par exemple accompagner des mesures visant à réduire l’échec scolaire en primaire, l’objectif incontournable de l’Institut Montaigne depuis sa création (dédoublement des classes de CP par exemple). Il est important d’équiper en priorité les territoires où se concentre l’échec scolaire. Dans le rapport Le numérique pour réussir dès l’école primaire, plusieurs propositions visent à stimuler la production de techniques pédagogiques numériques, tout en repensant la formation des jeunes enseignants et la formation continue.
     
  • En santé, l’innovation peut bénéficier en priorité aux territoires peu denses, par exemple à travers la télémédecine qui permettra au personnel médical de réaliser des consultations à distance. La récente note de l’Institut Montaigne sur ces enjeux témoigne du potentiel de l’IA dans ce secteur : celle-ci peut, par exemple, combler le manque de personnel médical dans certains établissements de soin et offrir aux personnel dit "fonction support" un nouveau rôle à plus forte valeur ajoutée humaine. Cette note permet, en outre, aux pouvoirs publics de mieux anticiper les évolutions des métiers en proposant des formations adaptées.
     
  • L’industrie française gagnerait aussi à réaliser sa mue numérique : seuls 13 % des dirigeants de PME et ETI françaises considéraient en 2017 la transformation numérique comme une priorité stratégique. Le rapport au digital et à l’innovation est variable selon les territoires : il faut réussir à ramener l’innovation en régions et non plus la concentrer dans les zones métropolitaines. Londres concentre 69 % des scale up anglaises, et Paris attire 72 % des champions français (27 pays sur 42 concentrent plus de 70 % de leur startup les plus matures dans une seule ville). Dans un secteur comme celui du tourisme, étudié par l’Institut en 2017, le levier du digital est indispensable pour comprendre finement les besoins des touristes. Si la France reste une destination phare des touristes internationaux, elle ne capitalise pas suffisamment sur ce statut alors que le numérique permettrait de développer des offres nouvelles, plus claires, et plus attractives. 

Une plus forte coopération entre public et privé

Se réconcilier avec le secteur privé est une deuxième nécessité, tant ce dernier peut contribuer à la réduction des inégalités sociales et territoriales : cette plus forte collaboration peut être illustrée par trois exemples.

  • Longtemps crédité d’un excellent niveau d’infrastructures et de services de transports, notre pays présente des signes de dégradation préoccupants. Ce constat, réalisé par l’Institut en novembre 2012 (!), demeure particulièrement d’actualité. Pour y porter remède, l’incitation à une plus forte collaboration entre secteurs public et privé, sous une forme contractuelle, de partenariats public-privé ou de délégations de service public, peut permettre au secteur public de dépasser les contraintes budgétaires qui limitent aujourd’hui ses investissements, tout en garantissant un niveau satisfaisant de service pour les citoyens. Les partenariats public-privé permettraient aussi de renouveler l’environnement et les infrastructures publiques à disposition des touristes, renforçant ainsi l’attractivité du territoire français.
     
  • Dans son rapport ETI : taille intermédiaire, gros potentiel, l’Institut Montaigne et le METI s’étaient penchés sur le cas des PME de croissance et des ETI, sources principales de création d’emploi sur le territoire. Cinq axes de travail avaient été identifiées, et plusieurs propositions formulées pour lever les freins à leur développement : parmi eux, faire connaître les ETI auprès des lycéens et étudiants, adopter un discours positif sur la création d’emplois en mettant en avant les réussites individuelles sur le plan local et régional afin de renforcer la culture entrepreneuriale, faire réaliser par chaque région une cartographie des ETI présentes sur son territoire ou encore s’appuyer sur ces dernières pour structurer une offre de formation professionnelle adaptée sont autant de pistes à suivre pour réconcilier l’écosystème entrepreneurial et les pouvoirs publics. Ces différentes mesures doivent s’accompagner d’une meilleure organisation de la part des entreprises, qui doivent pouvoir, par un effet d'entraînement et une plus forte collaboration, gagner en compétitivité et faire bénéficier les territoires de leur dynamisme économique renforcé.
     
  • Ces 25 dernières années, l’industrie française a perdu 1,4 million d’emplois. En 2016, l’industrie ne représentait plus que 10,2 % du PIB français (baisse de 20 % en 15 ans), contre 14,4 % en moyenne dans l’Union européenne. L’industrie du futur pourrait constituer une opportunité unique de rendre l’industrie française plus attractive et compétitive. Mais celle-ci ne pourra émerger sans une forte collaboration entre secteurs public et privé : dans un rapport récent sur le sujet, l’Institut Montaigne préconise la création à l’échelle locale de centres d'accélération de l’industrie du futur, en lien étroit avec les régions.

Une action publique plus efficiente et équitable

L’action publique, enfin, peut être rendue plus efficace afin de bénéficier à l’ensemble du territoire, et de permettre une réduction des inégalités d’accès. La redistribution en France est moins efficace qu’en Allemagne : le lissage des inégalités entre France et Allemagne est semblable, mais ces dépenses de redistribution sont plus coûteuses en France (+ 5 points de PIB), elles sont donc beaucoup moins efficientes. Nous devons améliorer les effets redistributifs de notre système social sans en augmenter les dépenses, mais en en améliorant l’utilisation. Nous avons établi trois moyens pour y parvenir.

  • Dans le rapport Dépenses publiques : le temps de l’action, l’Institut Montaigne réaffirme la nécessité d’une diminution des dépenses des collectivités locales. Celle-ci passe par plusieurs étapes de simplification et d’autonomisation. Il est par exemple envisageable de supprimer un niveau d’administration pour redonner des marges de manœuvre aux collectivités et de fusionner les départements avec les régions pour redonner des marges de manœuvre à l’action locale dans un contexte de baisse durable des dotations de l’État et d’allègement de la fiscalité. Les régions, aujourd’hui sous-exploitées, doivent devenir un niveau administratif majeur : la formation professionnelle, par exemple, pourrait désormais faire partie de leurs compétences.
     
  • Ce surcroît d’autonomie au sein des collectivités locales doit s’accompagner d’un encouragement à la différenciation. Le droit à la différenciation, encouragé dans le rapport Décentralisation : sortons de la confusion, existe depuis de nombreuses années. Il consiste en l’expérimentation d’une politique publique sur un territoire restreint en vue de son implantation à l’échelle nationale. Ces possibilités d’expérimentation pour les collectivités locales doivent être renforcées via :
    • la reconnaissance d’un droit d’initiative des collectivités territoriales en matière d’expérimentation, par la création d’une procédure formelle de demande d’expérimentation publiée au JO ;
    • la suppression de l’obligation de généralisation nationale
    • la suppression de la limitation relative à la durée des expérimentations.
       
  • Permettre d’expérimenter et d’innover est central dans de nombreux domaines : à titre d’exemple, le secteur de la mobilité pourrait en être l’un des grands bénéficiaires. Comme l’a souligné notre Baromètre des Territoires, le rapport des citoyens à la mobilité est à la fois contrasté et déterminant pour leur avenir professionnel et personnel. Ainsi, un quart des Français sont "Assignés" à leur territoire, et ce sentiment d’immobilisme forcé conduit à un fort pessimisme, ainsi qu’à un sentiment d’injustice marqué. Comme le préconisait le rapport Quelle place pour la voiture demain ?, il est donc nécessaire de promouvoir les nouvelles solutions de mobilité dans les villes de petite taille/taille moyenne comme l’autopartage, ou l’expérimentation de solutions intelligentes de transport dans les zones peu denses. Des services de VTC collectif, par exemple, seraient plus facile à implanter dans les territoires périurbains et ruraux, moins coûteux que des lignes sous-exploitées, et plus adaptées aux besoins de mobilité des citoyens.

Conclusion

Ces quelques pistes n’ont pas vocation à répondre à l’entièreté du débat sur les inégalités sociales et territoriales. Elles visent néanmoins à souligner la marge de progression conséquente qui demeure pour réduire le sentiment d’injustice sociale qui touche aujourd’hui près de sept Français sur dix. Le mouvement des Gilets jaunes, régulièrement présenté comme une opposition entre deux Frances - rurale et urbaine - est en réalité le résultat d’inégalités sociales, qui créent un sentiment de défiance des citoyens envers leurs institutions : dès lors, ces inégalités doivent impérativement figurer en priorité dans l’agenda des pouvoirs publics.

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