Il faut bien comprendre que chaque vote, chaque prise de position de chaque élu, est calculé en fonction des primaires et des clips de campagne à venir - de son camp ou du camp adverse : ainsi, Manchin pourra dire qu’il a obtenu une baisse de l’ambition budgétaire, mais sera plus intraitable sur le climat, en raison de ses financements de campagne et de la place des énergies fossiles dans son État. En toile de fond de ces tractations, de puissants groupes d’influences pèsent sur les choix des élus, menaçant certains des éléments les plus populaires du plan, sur le coût des médicaments ou la hausse du taux d’imposition des plus hauts revenus. Pour Biden, l’enjeu est de parvenir à faire voter son programme, même s’il est en partie édulcoré : le pire serait de ne pas avoir de bilan du tout à montrer aux électeurs, ce qui éclaire aussi la stratégie de McConnell d’empêcher le travail parlementaire en bloquant le Congrès par la menace de shutdown ou de défaut sur la dette.
La route des midterms et l’échéance 2024
Il n’y a pas que les élections au Congrès : en novembre 2022 également, 36 États éliront leur gouverneur, or les gouverneurs jouent plusieurs rôles essentiels, notamment dans l’organisation et le contrôle des élections, éléments dont on a vu l’importance du 3 novembre 2020 au 6 janvier 2021. Au cœur de cette bataille, on retrouve toujours les mêmes États-clés, en particulier Wisconsin et Michigan, où se joue l’élection présidentielle désormais. Ils seront un test du pari de Biden de reconquérir le vote des Blancs non diplômés, qui avaient permis la victoire de Trump.
Tous ces calculs de politique interne américaine ont produit un gouvernement et un Congrès de plus en plus dysfonctionnels, où la polarisation et les découpages partisans des circonscriptions ont non seulement favorisé les extrêmes, mais rendu inutile voire contre-productive la recherche de compromis avec le camp politique adverse. Ce phénomène, qui s’est accéléré depuis 2008 et l’élection d’Obama, a un impact croissant sur le reste du monde, sur les choix de politique étrangère, tout particulièrement commerciale (poids de la Chambre), mais aussi sur des choix domestiques aux conséquences globales, comme la politique industrielle, et plus largement sur la capacité à gouverner de manière efficace et sur le long terme. Une priorité de la politique étrangère des partenaires des États-Unis doit être d’intégrer ce fait dans leurs propres stratégies, afin de se prémunir des conséquences de cette polarisation sur leur relation avec Washington.
Ce billet inaugure une série sur le suivi des primaires et des midterms 2022 : en effet, si la science et l’histoire politiques nous disent que le parti du président devrait perdre des sièges - ce qui annoncerait un Congrès républicain vue l’étroitesse des marges démocrates - il faut aussi se méfier des théories et précédents : les mêmes indiquaient en 2016 que Trump ne serait même pas le candidat de son parti. Or, le parti républicain est en ordre de bataille, avec une base toujours surmobilisée autour d’un Trump qui semble de plus en plus décidé à se représenter en 2024. Les sympathisants républicains sont convaincus à plus de 60 % que les élections 2020 ont été truquées et que Biden est un président illégitime ; une majorité d’entre eux affirme également être prête à recourir à la violence politique pour "défendre le mode de vie américain". De leur côté, les élus et responsables républicains, jusqu’à Mike Pence que les insurgés du Capitole voulaient pourtant pendre haut et court, participent à la réécriture de l’histoire en cours sur l’assaut du Capitole et l’élection 2020. Il devient légitime de s’interroger sur l’avenir de la démocratie en Amérique.
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