Liz Cheney, numéro trois du leadership à la Chambre, avait condamné Trump pour son rôle dans le "grand mensonge" (Big Lie) sur le résultat de la présidentielle et dans l’incitation à l’insurrection ; tandis que Marjorie Taylor Greene, figure de proue des nouveaux "bébés Trump", adepte de QAnon et d’autres théories complotistes, relayait des appels au meurtre contre des élus du Congrès sur les réseaux sociaux. Or, si le groupe républicain a voté aux deux-tiers pour soutenir Cheney lors d’un vote secret, il a également voté le lendemain contre l’exclusion de Greene de deux commissions dans un vote public. Seuls trois élus ont voté pour l’exclure, dont Adam Kinzinger, l’un des républicains qui avait aussi voté la destitution de Trump. Seul républicain à s’être engagé ouvertement dans une croisade pour détourner son parti de Trump, il est aujourd’hui bien seul, ostracisé par ses pairs, critiqué par ses électeurs, et même déshérité par sa famille.
L’impératif pour le parti républicain demeure de maintenir l’unité et donc la coexistence de ses deux ailes, l’une "modérée", l’autre extrémiste, comme c’est le cas depuis 40 ans. La différence en 2021, après quatre ans de présidence Trump, est que l’aile extrémiste est devenue plus extrême, complotiste et anti-démocratique, et surtout qu’elle est désormais dominante. Comme Marjorie Taylor Greene a conclu le 7 février, "le parti lui appartient". En l’acquittant une seconde fois, les républicains du Congrès laissent donc ouverte la possibilité de son retour en 2024, et d’après les sondages, 53 % des sympathisants républicains voteraient pour Trump aux primaires, les autres prétendants recueillant 5 % ou 6 %, et Pence 12 % d’intentions de vote.
Au-delà, ce deuxième procès de Trump aura des conséquences sur le poids et le rôle du Congrès, d’autant plus qu’il s’agissait cette fois d’une attaque physique contre le Congrès et les élus (et souvent leur famille, traditionnellement invitée pour ce vote symbolique du transfert du pouvoir), encouragée par le président au nom d’un mensonge contestant les élections. Ce deuxième acquittement entérine l’affaiblissement de la procédure d’impeachment et donc du contrôle de la présidence par le Congrès. C’est une autre illustration de la crise institutionnelle que traverse l’Amérique, un nouveau symbole de l’incapacité de ses institutions à fonctionner en accord avec l’esprit de la Constitution à l’âge du tribalisme politique et alors que les partis ont évolué vers un fonctionnement "à l’européenne", avec une discipline partisane et une direction nationale, ce qui n’était pas le cas pendant la majeure partie du XXe siècle.
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