Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer y puise une réflexion sur les nouvelles dimensions de la responsabilité de protéger, mais il convient aussi d’en mesurer les dangers. On ne peut sous-estimer les risques d’instrumentalisation et de déstabilisation d’un ordre international déjà chancelant. Le mélange, souvent observé, d’indignation légitime et de cynisme politique, pourrait aboutir dans l’avenir à des crises internationales d’un nouveau genre. Est-on si loin d’un monde où l’attentat de Sarajevo serait un crime écologique réel ou supposé, au milieu d’opinions publiques chauffées à blanc par la crainte ou l’attente du collapse ?
S’il convient de se méfier des nouvelles croisades politico-militaires menées au nom de l’environnement, la rencontre des considérations environnementales et stratégiques n’en est pas moins fondamentale pour éviter une certaine naïveté, et une croyance dans la toute-puissance des "gestes du quotidien", alors que la responsabilité des atteintes environnementales ressortit largement du jeu des puissances. Ainsi, au-delà des annonces récentes de Mme Parly sur "le kaki qui passe au vert", les dimensions militaires et environnementales sont amenées à converger. L’action de notre marine et de notre diplomatie dans l’espace indo-pacifique combine déjà ces deux dimensions, et contribuent à la lutte contre des phénomènes comme la surpêche ou la pollution plastique des océans.
Comment réconcilier notre désir de pouvoir sauver le climat en raccourcissant notre douche, et notre conscience du fait que plusieurs planètes ne suffiraient pas pour absorber le choc écologique du projet des Routes de la Soie ? C’est l’Union européenne qui est appelée à jouer un rôle clé, sous le leadership d’Ursula von der Leyen, et sur la base des deux grandes impulsions politiques données par le scrutin de mai 2019, l’urgence écologique, et la nécessité d’une Europe puissance. Le risque est grand de voir ces deux trajectoires entrer en collision : si l’impératif environnemental aboutit à des choix industriels désastreux pour l’autonomie européenne, ou prive l’UE de tout usage du levier commercial, l’Europe disparaîtra du jeu mondial, y compris sur le plan environnemental. Pour peser sur le destin de la planète, l’Europe doit à la fois montrer l’exemple, en mettant en œuvre une transition écologique ambitieuse, et renforcer son pouvoir prescripteur, dans ce qu’il reste des enceintes multilatérales, comme dans ses négociations directes avec les Etats ou les entités régionales. Pour notre continent, l’exigence écologique et l’ambition géostratégique ne doivent maintenant faire qu’un.
Copyright : Jonathan NACKSTRAND / AFP
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