Mais son homologue intérieur a rendu, avec un rapport au terme d’années d’investigation en coopération avec Huawei, un jugement d’une autre nature, mais aussi accablant : les équipements et logiciels de Huawei sont pourris de failles qui s’avèrent non corrigées. Une constatation analogue avait été faite à propos d’une porte d’entrée sur le réseau italien de Vodafone.
Au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, les serveurs Huawei ont transmis à Shanghai, tous les jours pendant cinq ans à la même heure, les données de l’organisation… Un ex-diplomate chinois en poste chez Huawei Pologne est aujourd’hui en prison, ainsi qu’un ancien cadre du contre-espionnage polonais recruté par… Orange Pologne. Cette dernière entreprise utilise Huawei à l’étranger, mais pas en France : curieux, si c’est un équipementier irremplaçable et aux coûts imbattables. Il est d’ailleurs notoire que Huawei recrute souvent localement d’anciens fonctionnaires de la défense. Une nouvelle étude a révélé des CV d’employés de Huawei en Chine qui proviendraient du Ministère de la Sécurité d’Etat ou seraient simultanément en poste dans des institutions militaires.
Mais Huawei va appuyer sur l’accélérateur, avec une campagne de lobbying public s’appuyant sur les recettes éprouvées du Front uni chinois : isoler un adversaire (en l’occurrence, Donald Trump et les politiques plutôt que les entreprises américaines), proclamer l’autonomie de Huawei par rapport au pouvoir. Il suffit de voir combien de capitaines d’entreprise chinois, publics ou privés, ont été soudainement destitués ou arrêtés au cours des dernières années pour comprendre que Huawei ne peut lui refuser que ce que ce régime lui laissera refuser. De par la loi, une entité ou un individu chinois n’ont pas d’autre choix que d’obtempérer à une injonction des services secrets – ainsi que de dissimuler toute trace de ces derniers.
Deux arguments d’intérêt seront utilisés. Les mesures américaines retarderaient le déploiement européen de la 5G, "impossible sans Huawei", et d’ailleurs elles gênent aussi les vendeurs américains : en effet, c’est bien une des rares fois que des sanctions américaines gênent avant tout les grands fabricants et concepteurs américains du secteur des semi-conducteurs en particulier. Mais comment font le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, Taiwan et…les États-Unis pour déployer la 5G sans Huawei. Et d’autre part, l’entreprise proclame sa marche accélérée vers des technologies chinoises auto-suffisantes. D’une part, c’était bien le cœur du programme chinois en matière d’industrie et de technologie, bien avant le tournant de l’administration Trump. D’autre part, cela prendra du temps et des ressources. Le co-président Ken Hu a annoncé une perte probable de chiffre d’affaires de 30 milliards de dollars en 2019 (sur 125 anticipés jusque-là). Deux concurrents vont en bénéficier dans le domaine des smartphones : Apple, bien sûr, mais aussi Xiaomi, le concurrent chinois de Huawei, moins stratégique, qui vend d’excellents terminaux à la moitié du prix mais sans Android, entre autres. Huawei n’est ni indispensable ni invulnérable à la concurrence, y compris chinoise !
L’entreprise dispose de cinq comptes Twitter, dont récemment @HuaweiFacts qui reprend toutes les parcelles de jugements positifs à son égard et sollicite parfois les faits : ainsi l’annonce récente de Trump est-elle présentée comme un probable virage à 180 degrés ("a U-turn"), et ce compte Twitter pose la question rhétorique : "qui a gagné, qui a perdu ?".
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