La capacité d'attraction de la Chine : l’actuelle réticence de nombreux pays du "Sud" réputés proches des Occidentaux à soutenir la ligne occidentale vis-à-vis de la Russie – en Afrique, en Asie ou en Amérique latine – résulte certes de facteurs historiques ainsi que des conséquences déstabilisatrices de la guerre, en matière économique ou de sécurité alimentaire par exemple. Elle s’explique aussi au moins en partie par la montée en puissance de la Chine et la tension qui en résulte entre celle-ci et les États-Unis.
C’est peut-être l’une des clefs non dites du clivage actuel entre "l’Ouest et le Reste" : les pays occidentaux, avec bien sûr de grandes différences d’un pays à l’autre, d’un continent à l’autre, vivent à l’heure d’un retour de la guerre en Europe, du fait d’un acte d’agression presque incroyable de la Russie, d’ailleurs politiquement soutenu par la Chine ; les responsables de beaucoup de pays du "Sud" sont déjà dans le monde d’un affrontement entre la Chine et les États-Unis, avec en tête cette préoccupation majeure : "ne pas choisir".
Fin décembre 2022, lors d’une grande conférence transatlantique, plusieurs dirigeants de démocraties d’Amérique latine confiaient : "nous défendrons les valeurs libérales chez nous, mais regardez notre balance commerciale : n’attendez pas de nous que nous prenions parti contre la Chine".
2. Peut-on espérer une "fin de partie" en Ukraine dans l’année qui commence ?
Les spéculations sur le sujet sont d’autant plus ouvertes que nous ne disposons que d’une connaissance imprécise des arsenaux en présence et ne pouvons avoir qu’une appréciation aléatoire des capacités de "tenir" tant du côté russe que du côté ukrainien. Les analystes rigoureux – comme Lianna Fix et Michael Kimmage dans Foreign Affairs – sont donc contraints de balayer tout un éventail de scénarios possibles. La BBC, de son côté, a interrogé cinq experts qui ont présenté cinq prévisions très différentes. Nous rangerons pour notre part les hypothèses de fin de partie imaginables à ce stade en deux catégories :
L’impasse durable : c’est le scénario dans lequel aucune des deux parties ne se perçoit comme suffisamment perdante ni suffisamment gagnante pour rechercher un arrêt des combats.
Selon toute apparence, Vladimir Poutine considère actuellement que ses généraux ont dû reculer mais que la Russie conserve de nombreux atouts sur la durée : sa capacité de renouveler ses armes les plus rustiques (artillerie) serait bonne, elle a commencé à se procurer des drones et peut-être des missiles balistiques auprès de l’Iran, la ressource en hommes de troupe n’est pas épuisée, l’économie russe souffre mais sa contraction est moindre (2 % officiellement en 2022) que ce que l’on pouvait penser. L’espoir immédiat du président russe réside dans un effondrement de la volonté de résistance des Ukrainiens sous le coup de ses bombardements massifs, son espoir suprême dans une lassitude possible des Américains, et accessoirement de certains Européens, dans leur soutien à l’Ukraine.
En outre, le Kremlin paraît croire à une reconfiguration des liens économiques de la Russie avec la Chine, l’Inde et le "Sud Global", en substitution à l’Occident, ce qui paraît pour le moins hasardeux.
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