Un Président conforté dans ses choix personnels en matière de politique étrangère, qu’est-ce que cela veut dire ? Sur trois sujets, on peut penser que le Président va faire monter les enchères.
- En premier lieu, sur la Chine : comme l‘a montré le récent discours du vice-président Pence, on assiste actuellement aux Etats-Unis à un alignement entre la ligne traditionnelle du parti Républicain (la Chine est un "compétiteur stratégique"), les tropismes personnels de M. Trump (le "jeu à somme nulle" en matière commerciale) et le durcissement/désenchantement des grandes entreprises vis-à-vis de la Chine. Ce schéma pourrait toutefois se trouver nuancé si à nouveau M. Trump estimait avoir besoin de Pékin sur le dossier nord-coréen.
- En second lieu: l’Europe. Les Européens doivent s’attendre à ce que le Président exerce à nouveau des pressions considérables sur les ventes d’automobiles européennes aux Etats-Unis et sur le commerce des produits agricoles.
- En troisième lieu: l’Iran. Les exemptions accordées à certains pays (Chine, Inde, Turquie, Irak, Italie notamment) en matière de mise en œuvre des sanctions sur le pétrole ne doivent pas faire illusion. L’administration va poursuivre sa stratégie de "pression maximale", avec d’autant plus de détermination qu’il s’agit là en réalité d’un sujet qui fait l’objet d’un accord bipartisan au Congrès, y compris à la Chambre des Représentants.
Est-ce à dire que nous sommes entrés dans une phase où la présidence a complètement pris le pas sur le Congrès pour l’élaboration de la politique étrangère ? Une phase où les sommets personnels – Trump-Wi, Trump- Kim, Trump-Poutine, ou Macron etc. – remplacent définitivement la lente émergence d’attitudes consensuelles au sein des Commissions spécialisées du Sénat et de la Chambre ? Il ne faut pas aller aussi loin. Des experts du monde washingtonien ont montré qu’en dépit de l’extrême polarisation de la politique américaine, des zones de consensus existent encore en matière de politique étrangère. On a vu par exemple un Congrès dominé par les Républicains voter pour protéger les budgets des Affaires étrangères et de l’aide extérieure contre les coupes proposées par l’Exécutif, imposer au Président de nouvelles sanctions contre la Russie ou encore adopter des résolutions "lignes rouges" sur la relation transatlantique ou le non-retrait des troupes américaines de Corée du Nord. Un bon spécialiste, Jordan Tarma, est allé jusqu’à évoquer un "bipartisanisme anti-présidentiel" (par opposition au bipartisanisme classique de soutien à l’Administration).
Dans cet ordre d’idée, la politique vis-à-vis de l’Arabie saoudite va sans doute constituer très vite un cas d’étude : il serait logique que la Chambre des Représentants, sous leadership démocrate, pousse à des mesures dures de type cessation du soutien à la campagne saoudienne au Yémen, ou exigences concernant l’affaire Khashoggi. Il est vraisemblable que les Républicains partagent la même approche et donc qu’une pression bipartisane s’exerce sur l’Administration.
Autrement dit, pour les partenaires des Etats-Unis, il reste important de cultiver assidûment le Capitole. Il faut s’attendre, dans les prochains mois, dans la perspective des présidentielles à une escalade de la tension au sein d’un système politique américain plus divisé que jamais. La politique étrangère de Trump sera largement tributaire de la bataille de politique intérieure. En fonction de circonstances imprévisibles, le Congrès pourra être amené à jouer un rôle stratégique plus important que ne le laisse penser une dramaturgie médiatique organisée autour du seul Président Trump.
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