Votre dernière question est : "L’"Ouest" existe-t-il ?". Oui. L’Ouest, c'est un ensemble d'idées. De croyances démocratiques. L'Occident englobe le Japon et l'Inde. Si vous et moi avions eu cette conversation n'importe quand entre 1945 et il y a peu, nous aurions dit que Truman est le leader de l'Ouest, ou Kennedy, ou Reagan est le leader de l'Ouest. Le problème à l’heure actuelle, c’est que Trump n'est pas le leader de l'Ouest. Il rejette ce rôle.
SOLI ÖZEL
C'est un point que vous avez soulevé à plusieurs reprises dans votre rapport.
NICHOLAS BURNS
Angela Merkel est le leader de l'Ouest - temporairement. Le gouvernement d’Angela Merkel ne dépensera peut-être pas assez pour la défense. Néanmoins, pour ce qui est de la protection de valeurs fondamentales (arrêter Poutine, imposer des sanctions après la Crimée), c’est bien Angela Merkel qui a été à la manœuvre. Et elle occupera cette position jusqu'à ce qu'un président américain arrive, dise : "je crois en la démocratie et en nos valeurs" et reprenne le flambeau.
SOLI ÖZEL
Vous dites, dans votre rapport, que "l'Occident est un mélange d'idées, de valeurs et de principes", mais vous admettez qu'il y a une certaine régression en la matière. À la fois au sein de certains pays occidentaux - et vous en citez quelques-uns, comme la Hongrie, la Pologne et la Turquie -, dont vous affirmez qu’ils rechutent dangereusement. Mais même aux États-Unis : certaines choses qui étaient tenues pour acquises, pour toujours, dans un ordre démocratique libéral, ne sont plus si certaines désormais. Vous recommandez donc que l'OTAN, qui ne peut exclure ses membres, publie un rapport annuel dépeignant l’état de la démocratie dans ses pays membres, afin de pouvoir exercer une pression morale sur ces derniers. Est-ce là une position défendable ? Ce d'autant plus que ces pays ne sont pas tous d'accord sur ce qui constitue les fondamentaux d’une démocratie ?
NICHOLAS BURNS
Nous avons tous signé le Traité de Washington. Nous serons bientôt 30, avec la Macédoine du Nord qui nous rejoint. Le Traité de Washington est très précis. Son deuxième alinéa affirme bien que les "[Etats parties au présent Traités sont] déterminés à sauvegarder la liberté de leurs peuples, leur héritage commun et leur civilisation, fondés sur les principes de la démocratie, les libertés individuelles et le règne du droit". Dans le passé, nous avons fait l’expérience de la dictature des colonels en Grèce entre 1967 et 1974, des dictatures militaires turques ou encore des dictatures portugaises. Mais nous n'avions jamais connu une période où trois gouvernements d’Etats très importants deviennent autoritaires. Cette nouvelle donne affaiblit l'Alliance de l'intérieur. L'OTAN ne possède pas de procédure d'expulsion de ses membres, mais elle devrait mettre au point une façon de juger ces derniers sur une base annuelle (et lorsque je dis cela, je dis bien juger tous les membres) et selon des critères démocratiques. C'est ce que nous proposons dans le rapport. Si nous ne le faisons pas, le noyau démocratique de l'OTAN s’affaiblira. Cela est très dangereux.
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