Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
06/07/2007

Autonomie des universités : un projet de loi passé au crible

Imprimer
PARTAGER
Auteur

Mettre nos enseignements supérieurs en situation de relever le double défi, celui de la compétition internationale et celui de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, constitue une priorité du Président de la République et de son Gouvernement.

C’est un sujet essentiel car accroître l’autonomie de nos établissements pour les mettre au niveau des meilleures universités européennes est un impératif pour qu’elles puissent innover, conduire une politique sur le long terme, saisir des opportunités tant dans le domaine de la recherche que celui de la formation et de l’insertion professionnelle de nos jeunes.

Le projet de loi du gouvernement concernant la gouvernance et l’autonomie des universités présentent un certains nombres d’avancées majeures mais aussi un point critique : la légitimité et les pouvoirs des présidents. Le succès de la réforme sur le terrain résidera dans l’art de l’exécution qui relève des présidents actuels. Après l’implication du président de la république la balle est désormais dans le camp des présidents d’université.

1. LES AVANCÉES DU PROJET DE LOI :

• L’orientation et l’insertion professionnelle sont reconnues comme une mission de l’enseignement supérieur au même titre que la formation et la recherche. Les universités et les universitaires devront dorénavant être évalués par rapport à l’accomplissement de cette mission.

• Un conseil d’administration comprenant entre 20 et 30 membres détermine la politique de l’établissement.

• Des compétences élargies en matière de budget et de recrutement du personnel : - la dotation de l’Etat comprendra la masse salariale ;

- les instances dirigeantes de l’université assument la responsabilité de la répartition des emplois et des obligations de service des personnels, l’attribution des primes et peuvent créer des dispositifs d’intéressement ;

- le président peut recruter pour une durée déterminée ou indéterminée des personnels contractuels (enseignants et personnel administratif et technique).

• La liberté d’inscription des étudiants en premier cycle est maintenue sous réserve de respecter une procédure de préinscription et d’orientation.

• La possibilité est donnée à l’université de recruter des étudiants pour des activités de tutorat ou de service en bibliothèque (ce qui permettrait d’élargir considérablement les heures d’ouverture des bibliothèques universitaires !).

• Un comité de sélection local est créé par les instances dirigeantes de l’université pour le recrutement d’un enseignant chercheur.

• La possibilité de bénéficier de la pleine propriété des biens immobiliers qui leur sont affectés où mis à leur disposition.

• Le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ne préside plus la Conférence des présidents d’université.

2. UN POINT CRITIQUE :

• Le projet de loi confère aux présidents de l’université (c’est clairement un choix politique), un ensemble de pouvoir que ne possèdent pas les présidents des grandes universités étrangères (américaines, européennes).

• Le président de l’université est élu par les membres élus du conseil d’administration. c'est-à-dire exclusivement les enseignants, les étudiants et les personnels dit IATOS. Les personnalités extérieures sont nommées par le président ; elles ne participent pas à son élection.

• La légitimité du président est purement interne alors que dans les grandes universités étrangères (européennes, nord-américaines), la légitimité est double : interne certes mais aussi externe avec souvent la présence d’un conseil constitué de personnalités extérieures à l’établissement associé aux décisions stratégiques et au recrutement du président (Board of Trustes aux Etats-Unis, Consejo social en Espagne par exemple) .

3. DES MODALITÉS TRANSITOIRES DETERMINANTES :

Les présidents actuellement en fonction le restent jusqu'à l’achèvement de leur mandat. Ce sont eux qui vont mettre en place dès maintenant les conseils d’administration, désigner les personnalités extérieures, proposer les comités de sélection. Il sera ainsi dans quelques mois très facile d’apprécier la façon dont les établissements concilient autonomie et responsabilité. Quelques exemples :

- La taille du conseil d’administration : à 20 membres c’est un fonctionnement exécutif de conseil d’administration ; à 30, c’est une assemblée délibérante.

- La qualité des personnalités extérieures choisies par le président : soit des personnalités « potiches » dont la vocation principale est de lui donner procuration afin de lui assurer une majorité lors de votes sensibles. Soit des « administrateurs indépendants », présents, impliqués dans la vie de l’établissement, personnalités fortes ayant une vision large, à même de participer à la définition de la stratégie de l’établissement et de contribuer à son rayonnement externe.

- Les comités de sélection : il sera possible par leur composition, leur ouverture y compris internationale ainsi que la qualité des recrutements (pourcentage de recrutement local par exemple…) d’apprécier l’ambition de l’établissement.

- Les initiatives prises pour réduire le taux d’échec et favoriser l’insertion professionnelle des étudiants.
Ainsi, dans quelques mois, selon les décisions (ou les non-décisions) qui seront prises par les présidents d’université actuellement en place, se dessinera un nouveau paysage des universités françaises, en fonction du mode de gouvernance retenu.

Le point critique évoqué en 2) constitue une réelle opportunité pour faire évoluer et diversifier notre système. Car la balle désormais est bel et bien dans le camp des présidents d’université.

La composition du comité de suivi prévu par le projet de loi s’avère essentielle pour apprécier la nature des évolutions et les porter à la connaissance du public. Souhaitons que ce comité soit composé de personnalités indépendantes de l’administration centrale de l’enseignement supérieur et mis en place très rapidement pour fournir une première évaluation de la présente loi dès février 2008.

1. Cf. à ce sujet les rapports de l’Institut Montaigne,

Enseignement supérieur : aborder la compétition à armes égales, novembre 2001

Avoir des leaders dans la compétition universitaire mondiale, octobre 2006

2. « On constate à peu près partout l’existence de structures décisionnelles en nombre restreint, faisant une place importante généralement au moins majoritaire, à une représentation non universitaire qui apporte un regard extérieur notamment un regard scientifique international. » Jacqueline Dutheil de la Rochère, Les difficultés de l’université française, in. Etudes, Juin 2007.'

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne