Je l’ai dit, une refonte réaliste du socle partagé de principes et de règles de politique économique à même de renforcer l’efficacité économique, la cohésion et la légitimité de l’Union devrait globalement être davantage incrémentale que rad;icale, pour plusieurs raisons : les fondements intellectuels de chacune des politiques (nécessaire maîtrise des finances publiques, gains au commerce international, vertus de la libre concurrence et d’une politique monétaire orthodoxe) demeurent valides ; l’Europe est traversée d’intérêts économiques divergents, qui découlent notamment de différences de structures des économies des États membres ; le contexte politique européen demeure caractérisé par une certaine défiance entre les capitales et les opinions publiques, qui écarte la perspective de changements majeurs. L’objectif doit donc être de compléter le socle initial en le renforçant.
En matière monétaire, les changements ne seraient pas telluriques. La Banque centrale européenne (BCE) pourrait tolérer un niveau d’inflation un peu plus élevé pour ne pas brider la reprise et, par ailleurs, contribuer lorsque cela est réellement utile, à la lutte contre le réchauffement climatique. Toutefois, compte tenu de ses effets négatifs et des risques qu’elle alimente, la politique monétaire devrait être normalisée dès que les conditions macro-financières et la politique de la FED le permettront. Concernant les règles budgétaires, la première priorité devrait être d’éviter l’écueil d’une restriction hâtive des déficits publics. En revanche, les critères de déficit et de dettes publics, discrédités, pourraient être nettement modifiés. Pour autant, le contrôle étroit des dépenses publiques, en qualité et en quantité, devrait être rigoureusement maintenu et favoriser au maximum l’investissement.
Le futur cadre financier pluriannuel devrait être nettement plus volumineux, centré sur les politiques d’avenir, les réformes et l’investissement (dans les domaines du numérique, de l’énergie, de l’intelligence artificielle, de la RDI, etc.) et financé par des contributions budgétaires plus équitables et un volume plus conséquent de ressources propres. Dans le domaine de la politique de la concurrence et d’aides d’État, l’essentiel doit bien être conservé, mais l’accent pourrait être mis sur une vision mondiale du théâtre concurrentiel dans lequel opèrent les entreprises européennes ainsi que sur de nouvelles règles propres au secteur du numérique. Il serait également bénéfique de mutualiser beaucoup plus les dépenses en R&D au niveau européen, d’approfondir le marché unique (numérique, énergie) et de renforcer la lutte contre la concurrence fiscale déloyale, en Europe et au-delà.
Enfin, la politique commerciale, tout en restant ouverte et en défense du multilatéralisme, devrait assumer plus explicitement l’exigence de réciprocité et de normes minimales en matière de concurrence ou d’accès aux marchés publics et renforcer ses outils de défense, ainsi que le prévoit bien la Commission dans sa revue, rendue publique récemment. La vulnérabilité de certaines chaînes de production et de certains secteurs industriels stratégiques, tout comme le développement de mécanismes de compensation des "perdants" de la mondialisation, pourraient aussi être des objectifs politiques forts. Le renforcement de "l’autonomie stratégique" de l’UE devrait également reposer sur une politique industrielle intellectuellement rigoureuse, palliant explicitement les failles des marchés et soutenant les entreprises européennes à l’exportation.
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