La loi veut mettre fin à ces situations de travail où le travailleur n’a d’indépendant que le nom. Sont expressément exclus de la loi les médecins, avocats, esthéticiennes, comptables, ou encore détectives privés (c’est la Californie !), dont on suppose que l’activité est réellement indépendante.
Comme les nombreuses batailles juridiques qui l’ont précédée, la loi AB5 interroge la notion d’indépendance au travail. Qu’est-ce qu’un travailleur indépendant ? Est-on indépendant quand on ne choisit pas ses horaires, qu’on n’est pas autonome dans son travail, ou qu’il existe une dépendance forte vis-à-vis du donneur d’ordre ? La réponse reste floue. Où commence et finit l’indépendance ? La loi apporte une définition certes détaillée mais non moins vague de ce qu’est un independent contractor : il faut que son activité soit indépendante (c’est complexe à déterminer), qu’il soit sollicité par une entreprise pour une mission qui se situe en dehors du cœur de métier (là aussi, ça sera sujet à débat) et que le travail soit réalisé de manière autonome (le travailleur doit garder une maîtrise relative de où, quand et comment effectuer son travail).
On comprend que la loi ne permet pas de lever le flou sur toutes les situations de travail, même si elle suppose qu’il existe de nombreux cas de salariat déguisé. La plus grande difficulté sera la mise en œuvre et les tribunaux seront probablement amenés à trancher de nombreux cas litigieux.
Quelle est la conséquence directe pour les travailleurs sur les plateformes aux Etats-Unis ?
La conséquence directe est d’abord sur les travailleurs de l’Etat de Californie. On peut imaginer que d’autres Etats voudront rapidement imiter la Californie. Mais il est probable qu’il se passera beaucoup de temps avant que les situations juridiques soient harmonisées à l’échelle fédérale. Le paysage politique est assez instable : 2020 est une année électorale où les cartes seront rebattues à tous les échelons politiques (y compris le législatif de nombreux Etats fédérés).
En Californie, AB5 doit s’appliquer à partir de janvier 2020. En théorie, à partir de la nouvelle année, les travailleurs utilisant les plateformes de travail à la demande comme Uber, Lyft ou DoorDash pourraient donc être requalifiés en salariés. Il en ira de même des contractors dans le transport routier (environ 70 000 personnes en Californie), dans les entreprises de nettoyage, ou encore des pigistes travaillant pour les grandes entreprises de presse (ce qui donnera lieu à de nombreux procès concernant la propriété intellectuelle). Concrètement, cela voudra dire que le salaire minimum devra être appliqué dans tous ces secteurs, que ces travailleurs vont accumuler des droits à la retraite et aux congés payés comme les autres salariés et qu’ils seront protégés en cas d’invalidité.
En réalité, toutefois, il est probable que la situation ne change pas du tout au tout. De nouvelles batailles juridiques vont être livrées dans les mois qui viennent. Les efforts de lobbying des plateformes vont s’intensifier. Il n’est pas impossible qu’elles obtiennent de nombreuses concessions et exceptions. Il est donc difficile d’avoir aujourd’hui une estimation précise du nombre de travailleurs qui seront concernés et des effets d’AB5 sur le marché du travail.
Copyright : Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP
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