La région Bourgogne-Franche-Comté fait preuve d’une profonde division, comme le montrent les résultats très serrés des premiers et seconds tours des deux élections présidentielles. Cette division met face à face Marine Le Pen qui l’emporte au premier tour en 2017 et en 2022 et Emmanuel Macron qui l’emporte systématiquement au second tour. La région semble scindée entre un vote extrême grandissant mais qui peine à se concrétiser et le vote résigné mais peu enthousiaste de la majorité présidentielle.
Le succès de Marine Le Pen pourrait s’expliquer sous différents angles. La région est l’une de celles où la part des Français “enracinés” est l’une des plus fortes, la deuxième au classement national, car cela concerne 35 % des Bourguignons et Francs-Comtois, soit plus d’un tiers de la population. L’attachement au territoire qui les caractérise est l’une des valeurs essentielles du Rassemblement national.
De plus, le fort pessimisme concernant l’avenir de la France partagé par 72 % des habitants, deuxième score national en 2018, dit la désillusion voire la colère des Bourguignons et des Francs-Comtois vis-à-vis du Gouvernement. Ce fort pessimisme laisse entrevoir une volonté de changement. Marine Le Pen incarne cet anti-système qui propose une toute nouvelle direction.
Ce manque de confiance pour la classe dirigeante s’est notamment exprimé au moment du Covid : la Bourgogne-Franche-Comté est la deuxième région la plus défavorable au pass sanitaire et un tiers de sa population déclare s’être fait vacciner par contrainte.
Enfin, les Bourguignons et Francs-Comtois font partie des Français qui croient le plus que ce qui divise les Français est plus fort que ce qui les réunit (68 % en 2021), ce qui est l’un des leviers électoraux les plus forts du parti d’extrême-droite. Cette défiance mêlée à un net repli territorial explique donc l’ascension de Marine Le Pen dans la région.
Cependant, il serait simpliste de croire que la victoire du Rassemblement national en Bourgogne-Franche-Comté ne serait qu’une question de temps. La division électorale est réelle et certains éléments sont susceptibles d’indiquer que l’électorat d’Emmanuel Macron est profondément ancré sur ce territoire.
En effet, malgré tout, la région Bourgogne-Franche-Comté est une région où il fait bon vivre : le niveau de bonheur progresse (de 74 % à 79 % entre 2018 et 2021) tout comme le sentiment qu’il y fait bon vivre (de 67 % en 2018 à 69 % en 2021, soit 3 points de plus que la moyenne nationale) et le sentiment de vivre dans une société injuste est en chute libre puisqu’il baisse de 15 points entre 2018 et 2021 (de 82 % à 67 %). Un réel sentiment de satisfaction se dégage donc au sortir du quinquennat.
Ce sentiment de progression est complété et nourri par des éléments plus tangibles comme la nette augmentation du nombre de ménages qui considèrent qu’ils peuvent bien vivre jusqu’à la fin du mois sans se restreindre : il passe de 53 % à 60 % soit une hausse de 7 points en 3 ans. Cela se traduit concrètement par une baisse importante d’une nombre de Français “sur le fil” : ils étaient 32 % en 2018, ils ne sont plus que 24 % en 2021.
Enfin, la progression et la solidité de la base électorale de Jean-Luc Mélenchon permet de nuancer cette division et achève d’expliquer les contrastes du vote de la région. La force de cet électorat pourrait s’expliquer notamment par la forte conscience écologique des Bourguignons et Francs-Comtois qui, à 76 % - 2 points au-dessus de la moyenne nationale - se considèrent dans l’obligation de changer leurs habitudes afin de mieux préserver l’environnement, soit l’un des scores les plus élevés, toute région confondue.
La division profonde des Bourguignons et des Francs-Comtois de cette région - dont les résultats électoraux éparpillés en sont le symptôme manifeste - constitue l’une des pistes d’explication du resserrement des scores entre le bloc présidentiel et le bloc d’opposition notamment au second tour de l’élection de 2022.
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