Chargé de former un nouveau gouvernement, Kurz a choisi d’écarter la possibilité d’une nouvelle alliance avec l’extrême droite, comme avec les socialistes, arrivés deuxième aux dernières élections et partenaires traditionnels de l’ÖVP. Le choix de négocier un accord de coalition avec les Verts apparaît avant tout comme une démarche pragmatique : arrivé 4e avec 13,9 % des voix, le parti Vert représente un partenaire relativement faible, permettant à Kurz de disposer d’une courte majorité au Conseil national autrichien. Cette stratégie d’alliance tient également compte la dynamique électorale observable dans d’autres États européens, permettant aux Verts autrichiens de gagner 10,1 points par rapport aux dernières élections.
Un programme conservateur ET vert
Selon le député conservateur autrichien Reinhold Lopatka, la nouvelle alliance de l’ÖVP avec les Verts, qui existe déjà dans certains Länder autrichiens, se justifie par la nécessité de concilier la compétitivité de l’économie et la protection de l’environnement. Le conservatisme vert envisagé par l’Autriche inaugure ainsi une nouvelle forme du en même temps macronien. Il s’agit de concilier sans se renier les priorités des deux partis et de leurs électorats respectifs : celles d’un électorat rural, populaire et relativement âgé pour le parti conservateur, et celles d’un électorat plus jeune, urbain et progressiste pour les Verts.
Le programme de gouvernement sur lequel les deux partis se sont accordés rend compte de cette volonté : une baisse de la fiscalité en faveur des classes populaires, une interdiction du foulard islamique pour les jeunes filles de moins de 14 ans et la fixation d’un objectif de neutralité carbone pour l’Autriche à l’horizon 2040 constituent les mesures les plus emblématiques de ce programme radical, sur le plan de la sécurité intérieure comme sur celui de l’écologie.
Si le programme du gouvernement ne prévoit pas explicitement la création d’une taxe carbone ou la fixation d’un prix du CO2, un groupe de travail est chargé de réfléchir aux moyens de rendre le système fiscal autrichien plus favorable à l’environnement. Une nouvelle taxe de 12 euros sur les billets d’avion et des investissements massifs dans les transports publics, la fixation d’une électricité d’origine 100 % renouvelable à l’horizon 2030 et la création d’un "super ministère" pour la protection de l’environnement représentent un ensemble de mesures destinées à renforcer l’ambition climatique de l’Autriche. Au niveau européen, les deux partis se sont prononcés contre les accords de libre-échange et pour la mise en place d’une taxe carbone aux frontières protégeant l’économie européenne de la concurrence étrangère.
Les principales mesures de ce programme imposées par les conservateurs relèvent quant à elle du domaine de la fiscalité et de la politique migratoire. Dans le domaine fiscal, le nouveau gouvernement s’engage à baisser les impôts des plus bas revenus et l’impôt sur les entreprises à partir de 2022, tout en réaffirmant son attachement au "schwarze Null", l’équilibre des comptes publics devenu pour de nombreux partis de droite un marqueur de leur identité. Dans le domaine migratoire, il s’engage à renvoyer plus massivement les migrants déboutés du droit d’asile, envisage la possibilité d’emprisonner de manière préventive les migrants ayant reçu une interdiction de circuler dans l’espace Schengen et prévoit de s’opposer à un système de répartition par quotas des migrants au niveau européen.
L’objectif de cette nouvelle coalition n’est pas de s’accorder sur un compromis acceptable par tous, mais d’initier une politique dans laquelle chacun des deux partis puisse apporter des réponses aux principales préoccupations de son électorat : la sécurité intérieure et la baisse de la fiscalité d’un côté ; la protection de l’environnement et la transparence de la vie publique de l’autre. Tout en permettant aux Verts de développer des propositions ambitieuses dans le domaine du climat, Kurz conserve dans les domaines de la politique migratoire et de la sécurité intérieure la ligne intransigeante qui fut celle de son parti lorsqu’il était allié à l’extrême droite.
S’il reste une part d’incertitude dans cette expérimentation, celle-ci est observée avec attention par d’autres États européens tentés par une alliance du même type.
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