Les inquiétudes sécuritaires des Occidentaux sont de peu de poids au regard des bouleversements qui agitent les profondeurs des sociétés musulmanes. L’accès au pouvoir de djihadistes sunnites fait tout le bonheur de militants de leur espèce et exacerbe d’autant les pulsions confessionnelles dans les autres communautés. Les Chrétiens pour la plupart ont déjà quitté la région et le peu qu’il en reste ne sauraient rester bien longtemps. Le gouvernement de Narendra Modi vient de lancer un appel aux minorités sikhs et hindoues d’Afghanistan pour leur faire savoir qu'elles seraient les bienvenues en Inde.
Foin des démocraties, les régimes autoritaires se font une nouvelle santé. Leur main de fer en Égypte ou en Algérie semble seule capable de faire reculer les djihadistes sans jamais parvenir à les éliminer. À la trappe les droits de l’homme, les droits des femmes, la diversité des sociétés. Les voix des laïcs et des libéraux vont s’éteindre rapidement et les candidats à l’émigration seront innombrables. Ils vont d’abord submerger les pays voisins, surtout l’Iran puis la Turquie. Quelques heureux élus seront accueillis en Europe et les clandestins les plus doués parviendront toujours à passer au travers des filets. L’inquiétude de l’Europe se réduit pour l’heure au risque de voir déferler de nouveaux migrants, ignorant pour le moment de bien plus graves risques sécuritaires.
L’échec afghan restera un cas d’école s’agissant de la stratégie militaire et sécuritaire dans la lutte anti-terroriste. Mais une dimension plus importante encore est à l’origine de cet effondrement. Il s’agit de l’incapacité des élites nationales afghanes à produire un pouvoir politique crédible soucieux un tant soit peu de l’intérêt général, et l’hésitation des États-Unis à en tirer les conséquences, à savoir que ce pouvoir anéanti par la corruption qui engloutissait l’aide internationale, ne pouvait convaincre une armée de se battre pour la nation. On retrouve l’Irak et la débandade de son armée devant Daesh il y a six ans. "Nous ne faisions pas du nation-building en Afghanistan" s'est défendu le conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden. C’est pourtant bien ce à quoi l'Amérique s'est employée pendant 20 ans sans y parvenir, un échec corroboré par la tentative française au Sahel.
L’Amérique ne s’interdit rien lorsqu’il s’agit de ses intérêts, y compris la conclusion de marchés avec les groupes terroristes. Elle a le grand privilège, à la différence des pays d’Asie, d’Europe et d’Afrique, de n’être pas partie de l’aire géographique dans laquelle se meuvent les djihadistes. Tourner le dos et fermer ses frontières lui paraît un choix possible. Il semble que le 11 septembre soit bel et bien oublié outre-Atlantique.
Copyrights: Ahmad SAHEL ARMAN / AFP
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