Un problème structurel du déficit américain vient notamment des distorsions commerciales chinoises, en commençant par l’opacité des subventions chinoises aux entreprises d'État. Les Européens poursuivent ainsi activement les discussions trilatérales qu’ils ont engagées avec les États-Unis et le Japon pour obtenir des membres de l’OMC une meilleure notification des subventions, renforcer les règles multilatérales qui encadrent les subventions et contraindre la Chine à abandonner sa politique de transferts de technologie forcés. La pression exercée par Bruxelles lors du Sommet UE-Chine du 9 avril dernier va également dans ce sens, pour exiger que Pékin revienne sur ces distorsions et soutienne une réforme des règles de l’OMC, sans quoi des mesures défensives de l’UE restreindraient l’accès au marché unique aux importations chinoises, à un moment où l’accès au marché américain leur est déjà limité. Il faut, à mon sens, saluer cette approche ferme et équilibrée de Bruxelles qui tente de ramener à la fois Washington et Pékin à la table des négociations de l’OMC. Mais pour que l’engagement de Pékin à soutenir ces réformes se traduise par des concrétisations précises sur un agenda court, il faut conforter cette cohésion européenne vis-à-vis de la Chine – cohésion fragile, mais dont l’adoption du mécanisme européen de contrôle des investissements étrangers est une première étape significative, et qui serait utilement renforcée par la mise en œuvre des propositions de la Commission du 12 mars dernier dans sa communication "UE-China : a strategic outlook".
La France a été la seule à voter contre une ouverture des négociations, estimant que l’UE ne devait pas négocier avec un pays qui s’est retiré des accords climatiques. Qu’est-ce que cela dit de la position française au sein de l’UE, qui avait d’ailleurs comme obligation d’aligner toutes ses politiques sur les objectifs établis par l’Accord de Paris ?
La position de la France ne pouvait pas donner lieu à un véto puisqu’il s’agissait d’un vote à la majorité qualifiée. Elle a d’autant plus surpris les partenaires européens que c’est la première fois qu’un mandat de négociation n’était pas voté à l’unanimité, à un moment où, comme on vient de le voir, la cohésion des Européens est plus que jamais requise. L’Allemagne se montre particulièrement réactive sur cet enjeu puisqu’elle est plus spécifiquement ciblée par la menace de droits de douanes sur l’automobile et qu’elle a soutenu la France dans l’exclusion de l’agriculture des négociations.
Par ailleurs, il faut garder à l’esprit l’échéance à court terme, d’ici décembre 2019, d’un blocage de l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends de l’OMC, si les États-Unis persistent à bloquer la nomination de nouveaux juges. Le risque d’une guerre commerciale plus vive encore pousserait aujourd’hui à souligner que la négociation transatlantique ne mènerait qu’à un accord sectoriel, sans la portée des accords de commerce de nouvelle génération qui ne doivent désormais être signés qu’avec des pays signataires de l’Accord de Paris.
Enfin, la persistance de Washington à vouloir inclure l’agriculture avant d’engager les négociations permet encore de douter de la possibilité d’un accord et que l’on ait in fine à se poser la question d’un véto français au sein du Conseil.
Néanmoins, la position de la France est également un rappel de la priorité qui doit être accordée au multilatéral et du besoin de trouver plus de cohérence entre la politique commerciale européenne et la lutte contre le changement climatique. À court terme, en amont des élections européennes, cela permet à Emmanuel Macron de donner de la visibilité à la cohérence du programme de LREM. Les efforts engagés à l’échelle de l’UE pour réduire les émissions de gaz à effet de serre n’auront encore qu’un impact limité dans la lutte contre le changement climatique qui, par définition, est un enjeu global. Plutôt que d’opposer commerce et lutte contre le changement climatique, il s’agit aujourd’hui d’assurer la promotion des normes européennes de développement durable à travers les négociations commerciales de l’UE de façon à pouvoir aussi faire évoluer les modes de production des partenaires commerciaux. C’est la ligne défendue par son gouvernement depuis 2017 et que reprend le rapport sur la mise en œuvre du CETA. C’est donc également un signal que la France souhaite voir figurer cet enjeu parmi les priorités de la prochaine Commission.
Copyright : SAUL LOEB / AFP
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