Le puissant secrétaire du conseil de sécurité a récemment réitéré les objectifs de "l'opération militaire spéciale" menée en Ukraine - "dénazification" et "démilitarisation".
À l'instar de Vladimir Poutine, il a appelé à faire preuve de patience - "il ne faut pas brûler les étapes" - car "il faut extirper à 100 % le nazisme, sinon, dans quelques années, il relèvera la tête, sous une forme encore plus affreuse". "Tous les objectifs fixés par le Président russe seront réalisés. Il ne peut en être autrement, parce que la vérité, notamment historique, est de notre côté", a marqué Nikolaï Patrouchev. Alors que les rumeurs vont bon train sur un rattachement à la Russie des républiques auto-proclamées du Donbass et sur l'organisation de référendums dans les régions de Kherson et de Zaporijia, il maintient l'incertitude sur l'avenir de l'Ukraine. À la question "l'Ukraine subsistera-t-elle comme État ?", il répond : "le destin de l'Ukraine sera décidé par le peuple qui vit sur son territoire".
Directeur de l'institut des États de la CEI, Konstantin Zatouline considère que, "sans victoire, toutes les tentatives de négociation ne conduiront pas à un accord. Cette incertitude aura des conséquences beaucoup plus graves pour nous comme peuple et État". Ce député à la Douma "ne croit pas à la neutralité, à la démilitarisation et encore moins à la dénazification de l'Ukraine tant que Kyiv, Odessa et Kharkov restent sous le contrôle du gouvernement fantoche de Zelinski". "Le pire qui puisse se produire", selon Konstantin Zatouline, c'est que l'opération militaire en Ukraine évoque dans l'opinion "le spectre de la guerre soviéto-finlandaise", dont Hitler avait tiré la conclusion funeste d'une URSS "aux pieds d'argile". Selon ce député, le Kremlin doit unifier toute la gestion "du front et de l'arrière, de la propagande et de l'aide humanitaire, de la construction de la vie civile sur les territoires libérés". Un politologue jusque-là plutôt pro-occidental comme Dmitri Trenine note également que "la frontière entre le front et l’arrière tend à s’effacer", il. Cet ancien directeur du Carnegie Moscow Center s'attend à une longue phase de confrontation avec l'Occident ("aujourd'hui et dans l'avenir prévisible, la Russie est un pays en guerre"), l’objectif "immédiat et essentiel" étant "un succès stratégique" en Ukraine. Évoquant la "déception" de ceux qui espéraient une progression plus rapide des forces russes et redoutent un nouveau Khassaviourt (l'accord qui a mis fin en 1996 à la première guerre de Tchétchénie - ndlr),Gregor Mirzaïan estime que l'opération suit la seule voie possible - "l'épuisement des forces ukrainiennes et la libération graduelle des territoires" - pour mettre un terme au projet "anti-Russie" et aboutir à la "réintégration des terres ukrainiennes et de leurs habitants dans l'espace russe".
Un système qui présente dorénavant des traits totalitaires
"Ce dont il s'agit, écrit Dmitri Trenine, c'est du rejet d'une partie de l'héritage de Pierre le Grand - une tradition vieille de trois siècles de positionnement de la Russie non seulement comme grande puissance européenne, partie intégrante de l'équilibre du continent, mais aussi composante de la civilisation paneuropéenne". "Il faut être conscient, affirme-t-il, que la défaite stratégique que la Russie se prépare à infliger à l'Occident, États-Unis en tête, ne conduira pas à la paix, suivie d'un rétablissement des relations". Au contraire, il est très probable que la "guerre hybride" se déplace "de l'Ukraine vers l'Est et à l'intérieur de la Russie elle-même, dont l'existence, sous sa forme actuelle, sera mise en question". "Moscou doit se préparer à une longue période de confrontation avec un Occident consolidé", estime aussi Andreï Kortounov, l’un des rares critiques de "l'opération spéciale" menée en Ukraine, "cadeau inestimable" du destin à Washington, qui saura l'utiliser "au maximum", ce qui repousse aussi l'avènement d'un monde multipolaire. La Russie est reléguée à la position qu'elle occupait il y a trente ans, immédiatement après la disparition de l'URSS, affirme le directeur du RIAC, mais sa situation sera encore plus difficile car Moscou ne peut obtenir de l'Occident le "crédit de confiance" dont elle disposait dans les années 1990.
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