À cela il faudrait ajouter que plus de 6 millions de Syriens vivent la situation très difficile de "déplacés internes". On ne croise pratiquement plus de jeunes civils en Syrie : ils sont morts, ils sont enrôlés dans l’armée ou dans les milices, ou ils se cachent pour échapper à la conscription forcée. Selon l’UNESCO, seuls 37% des enfants syriens auraient accès à l’éducation primaire (contre 91 % avant 2011). 11% des hôpitaux ont été détruits et 45 % endommagés. On estime qu’un tiers du tissu urbain a été pulvérisé. Il ne reste pratiquement rien de l’appareil productif et la plupart des ressources stratégiques – barrages hydroélectriques, champs d’hydrocarbures, mines de phosphates (cédées aux Russes) – échappent au contrôle des autorités de Damas.
Maître des ruines
Sur le plan politique, Assad est considéré comme le vainqueur de la guerre civile qui s’achève. Un tiers du territoire syrien reste cependant aux mains des Turcs au Nord, des milices kurdes soutenues par les Américains dans le Nord-Ouest ou, dans la province d’Idlib, d’un dernier mais très puissant carré de djihadistes (Hayat Tahrir al-Sham ou HTS). D’autre part, le président syrien n’est plus guère que le fondé de pouvoir des Iraniens et des Russes qui, à partir de 2012 pour les premiers et 2015 pour les seconds, ont sauvé son régime et le maintiennent à bout de bras. Des milices chiites de toutes nationalités sillonnent le pays et des officiers russes et iraniens s’insèrent dans toutes les chaînes de commandement.
La formule "Syrie, année zéro" peut aussi être utilisée dans un autre sens : huit ans après, rien n’est vraiment réglé pour les Syriens, ni pour les nombreux acteurs régionaux ou internationaux, qui ont fait de la crise syrienne ce que l’on peut appeler une guerre civile globalisée.
En Syrie même, les parrains russes et iraniens du régime anticipent une consolidation à leurs yeux inévitable du régime de Bachar al-Assad. Ils tablent sur la lassitude de la population pour que l’ordre revienne progressivement. Ils constatent qu’un début de normalisation des relations avec les autres pays arabes – réouverture de l’ambassade des Emirats Arabes Unis, discussions en vue de la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe – commence à se produire. Les Russes insistent auprès des Européens sur l’intérêt que présenterait pour ceux-ci, s’ils veulent faciliter le retour des réfugiés, une attitude positive à l’égard de la reconstruction du pays. Sans engagement de leur part sur ce terrain, les Européens risquent, selon l’argumentaire de Moscou, de perdre tout "levier" et de voir un jour ou l’autre la Chine se substituer à leur présence traditionnelle au Levant.
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