Une nouvelle entente cordiale pourrait-elle s'instaurer entre Paris et Londres ? C'est en tout cas ce que semble penser le Royaume-Uni.
Selon le Sunday Times, le gouvernement britannique élabore des plans pour une nouvelle alliance stratégique avec la France, qui irait au-delà des liens existants en matière de défense et de sécurité pour inclure d'autres domaines de coopération, notamment les essais nucléaires, la coopération dans la région Indo-Pacifique et la possibilité de faire atterrir des avions sur les porte-avions de l'autre pays. Pour Londres, l’objectif serait d’entériner cette stratégie immédiatement après les élections présidentielles françaises de 2022.
AUKUS, le sujet qui fâche
Le temps presse. Paris attend toujours des explications de son voisin concernant la signature de l'alliance AUKUS, et une clarification du rôle que celui-ci entend jouer. Les États-Unis ont rapidement envoyé à Paris leur chef de la diplomatie, Anthony Blinken, accompagné d’une flopée de hauts fonctionnaires chargés d’amortir les retombées du coup de froid survenu à la mi-septembre. Si le président Biden est même allé jusqu’à présenter ses excuses à son homologue français pour cette maladresse, le Royaume-Uni, lui, n'a pas dit grand-chose. La frustration de la France s'est encore accentuée à la faveur des petites phrases du Premier ministre britannique, qui a déclaré en plaisantant "donnez-moi un break" et que la France devrait "se ressaisir". Ce n'est pas tellement que l’Hexagone attend des excuses britanniques pour AUKUS, loin de là, mais plutôt qu’une reprise des relations bilatérales nécessitera une explication préalable.
Les questions politiques liées au Brexit devront également être résolues, notamment ce qui touche à l'avenir du protocole nord-irlandais toujours incertain et à la question des licences de pêche.
Le temps presse
Les deux pays ne peuvent toutefois pas se permettre d'attendre les élections présidentielles françaises, en avril, pour entamer les discussions.
L'absence de coopération bilatérale forte nuit aux deux pays. Qu'il s'agisse de l'Afrique, du Moyen-Orient, de l'Indo-Pacifique ou de la sécurité européenne, la France et le Royaume-Uni partagent en grande partie la même vision du monde. Leur incapacité à travailler ensemble dessert non seulement les intérêts des deux pays, mais elle entache aussi leur crédibilité aux yeux d'autres partenaires, comme les États-Unis, qui attendent de la France et du Royaume-Uni une coopération de proximité et à l’international.Face à des problèmes géopolitiques d’une telle complexité, la patience stratégique n’est pas forcément souhaitable.
Ensuite, le pacte de sécurité AUKUS a forcé la la France à se confronter à une réalité brutale : le pays est plus isolé stratégiquement qu’il ne le soupçonnait. Si pour le Royaume-Uni l’alliance AUKUS constitue une victoire significative pour la stratégie Global Britain, cela ne suffira pas à convaincre le reste du monde du nouveau rôle - largement autoproclamé - endossé par le Royaume-Uni. Et ce d’autant plus si Londres se montre incapable de coopérer avec ses alliés traditionnels, comme la France. Investir davantage dans l'OTAN est évidemment positif, mais tenter d’instrumentaliser l’Alliance contre l'Union européenne ne participera guère au rétablissement de la crédibilité européenne du Royaume-Uni à la suite des accords conclus sur le Brexit.
Enfin, plus le Royaume-Uni et la France attendent pour organiser des discussions, plus le fossé se creusera. Il serait judicieux d'entamer rapidement des pourparlers, notamment au regard de la forte probabilité d’un renouvellement des mandats de Johnson et Macron.
Choisir le bon accord
L'article du Sunday Times suggère une volonté de la part du gouvernement britannique d’aboutir à la signature d’un grand traité, qui serait aussi ambitieux que la déclaration de Saint-Malo de 1998, qui avait ouvert la voie à une politique européenne de sécurité et de défense, ou les Accords de Lancaster House de 2010, qui avaient permis de renforcer la coopération bilatérale en matière de sécurité, de défense, d'industrie nucléaire et de défense et d'armement.
Ajouter un commentaire