Plus d’un an s’est écoulé depuis l’explosion dans le port de Beyrouth du 4 août 2020 qui a fait plus de 200 morts, bouleversé la vie de milliers de personnes, défiguré la ville et handicapé encore un peu plus une économie libanaise en perdition.
Le lecteur est sans doute familiarisé avec la triple crise, qui avait commencé avant l’été dernier, et dans laquelle s’enfonce inexorablement le Liban : crise économique et financière, due à la faillite du système bancaire qui constituait le poumon de l’économie du pays ; crise de "gouvernance", caractérisé par le refus des élites politiques qui se partagent le pouvoir depuis la fin de la guerre civile de sortir du statu quo ; crise à dimension régionale, compte tenu du rôle dominant du Hezbollah, lié de manière organique à l’Iran. Il faut aussi parler désormais d’une crise humanitaire puisqu’environ un million de Libanais se trouve dans une situation de pauvreté, sans compter les réfugiés syriens (un quart de la population du pays) ; la livre libanaise a atteint des abysses par rapport au dollar, les banques restreignent drastiquement l’accès à leur argent des titulaires de comptes, l’électricité, les médicaments et des produits de première nécessité viennent à manquer, les cas de suicide se multiplient, de plus en plus de Libanais quittent le pays pour trouver refuge à l’étranger.
Ajoutons à cela que la France et certains de ses partenaires ont dû aussi ces derniers mois monter une opération de sauvetage pour éviter une débandade des forces armées libanaises.
Parmi les gens d’un certain âge, le constat est souvent fait que la situation actuelle, si elle est moins sanglante, est encore pire que celle qu’ils ont connue pendant la guerre civile (1975-1990) : aucune lumière au bout du tunnel n’apparaît ; ce sont d’ailleurs toujours les mêmes seigneurs de la guerre des années 1980 - ou leurs fils - qui se partagent le pouvoir. Ce pays qui fut à certaines époques un emblème de la douceur de vivre pour le Proche-Orient connaît une incroyable descente aux enfers. À côté des destructions matérielles, en partie réparées par la solidarité internationale et surtout l’esprit d’initiative et d’entraide des Libanais eux-mêmes, l’explosion du 4 août 2020 a laissé chez beaucoup un traumatisme psychologique, une empreinte de colère contre les autorités, de ressentiment et aussi d’un certain découragement, sans doute accentué par la crise du Covid-19.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’enquête officielle sur les causes de l’explosion est bloquée par l’obstruction de la classe politique. La fin sans gloire du Tribunal spécial pour l’assassinat de Rafiq Hariri, d’autres crimes laissés sans suite judiciaire comme récemment l’assassinat en février du grand intellectuel chiite anti- Hezbollah, Lokman Slim, ancrent dans les esprits la perception d’une totale impunité du système.
Dimension humanitaire et stratégie politique
La conférence virtuelle qui s’est tenue le 4 août sous la co-présidence de la France (Emmanuel Macron) et des Nations-Unies avait pour objet de répondre à la dimension humanitaire de la crise, plus précisément à un appel de fonds des Nations-Unies. L’appel portait sur 257 millions de dollars pour un an. L’objectif n’a pas été tout à fait atteint mais les États-Unis se sont engagés à hauteur de 100 millions de dollars, la France 100 millions d’euros, l’Allemagne 40 millions etc. Le compte y est presque, surtout si l’on compte les contributions en nature de certains pays du Golfe.
Les fonds réunis iront à la couverture de besoins immédiats en matière de nourriture, de médicament, de santé en général, d’éducation ou de distribution de l’eau et d’électricité. Un point important de cette aide est qu’elle doit parvenir à ses destinataires par le biais des agences des Nations-Unies et d’ONG internationales ou locales, sans passer par les autorités politiques ou administratives. Cela s’inscrit dans la ligne qui avait été formulée par le président Emmanuel Macron - au nom de la communauté internationale, c’est à dire de la trentaine de bailleurs de fonds intéressés au sort du Liban - lors de ses déplacements à Beyrouth en août et septembre de l’années dernière : exigence de réformes profondes pour débloquer une aide internationale structurelle, venant notamment du FMI, nécessité pour cela d’un nouveau gouvernement, d’un gouvernement "d’hommes neufs", exécutant une "feuille de route" dans des délais contraints, aide à caractère humanitaire court-circuitant le régime.
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