Il serait facile pour le spécialiste de géopolitique de multiplier les exemples de situations régionales ou locales où la tentation d’oublier la géopolitique a des répercussions graves sur la géoéconomie et vice versa. Au début de l’année 2000, je me souviens d’une réunion qui se tenait à Berlin et qui portait sur l’avenir d’Israël au Moyen-Orient et dans le monde. Les économistes exultaient : dans le domaine de ce que l’on appelait encore alors "la nouvelle économie", Israël connaissait une réussite spectaculaire qui plaçait ce petit pays, de moins de dix millions d’habitants, dans le trio de tête des très bons élèves, aux côtés des États-Unis et du Canada. Mais il y avait la politique. Quelques semaines après la fin du séminaire éclatait la seconde Intifada. La question palestinienne déjà ignorée allait rappeler au monde son existence. Pour le spécialiste de géopolitique, comme pour le Docteur Knock incarné par Louis Jouvet dans la pièce éponyme, "la santé est un état précaire qui ne présage rien de bon".
Je présume, précisément parce que je ne le suis pas moi-même, que l’économiste est plus naturellement optimiste que ne l’est généralement le géopoliticien. Il y a un petit peu moins d’émotions, même si elles sont là aussi très présentes, dans le domaine économique. L’économie se présente comme une science, certes approximative, mais une science. La géopolitique est tout sauf une science, comme toutes les sciences dites humaines, d’ailleurs. Ceux qui la présentent comme une science apparaissent comme l’incarnation moderne des médecins dans le théâtre de Molière. Quantifier la géopolitique, par peur de confronter le réel, de commenter le présent, et tout simplement de prendre position sur des sujets brûlants, c’est vider la discipline de son intérêt, c’est se réfugier dans des abstractions vidées de sens. Peut-être ce dernier commentaire est-il trop déséquilibré ? Économiste et géopoliticien : chacun verrait-il l’herbe plus verte du côté de l’autre ?
S’il est un domaine, par contre, qui relie de manière quasi parfaite géopolitique et géoéconomie, c’est bien celui de l’énergie, et plus particulièrement celui des hydrocarbures. Elles sont par nature même géopolitiques, comme peut l’être l’accès à l’eau et désormais le réchauffement climatique. Le climat a toujours eu des conséquences politiques et géopolitiques.
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