Un homme en particulier, l’ambassadeur très introduit des Émirats à Washington, Youssef al-Otaiba, a sans doute pesé dans cette affaire. En juin, il publiait en effet une lettre dans un journal israélien pour avertir les autorités de Jérusalem que l’annexion de la Cisjordanie représenterait un obstacle au rapprochement des deux pays. L’accord du 13 août constitue en quelque sorte un corolaire opérationnel de cette analyse, en la transformant en démarche positive. Youssef al-Otaiba est suffisamment averti du monde politique américain pour avoir assuré ses arrières dans l’entourage de Biden.
Tout ne se ramène pas cependant à des considérations d’opportunité tactique. Si les Émirats Arabes Unis et Israël franchissent le pas de la normalisation, c’est aussi qu’ils jugent nécessaires de se préparer aux futures étapes du désengagement américain de la région et, en cas de victoire des Démocrates, au retour possible d’une détente entre Washington et Téhéran. Par ailleurs, cet accord marque un vrai changement de perspective dans le règlement du conflit israélo-palestinien : il dépouille l’Autorité palestinienne de la seule carte réelle qui lui restait, c’est-à-dire ce que l’on appelle l’initiative Abdallah ou l’initiative arabe, cette doctrine ancienne qui voulait que les Arabes reconnaîtraient Israël le jour où un accord de paix israélo-palestinien serait signé.
Certes, pour l’instant, la normalisation avec Israël ne concerne que les Émirats. Elle n’est toutefois condamnée par aucun État arabe. Chacun s’attend à ce que d’autres suivent et l’on sait qu’en Arabie saoudite, c’est le roi et non son fils, MBS, le dirigeant effectif du pays, qui reste hostile à la normalisation. Autrement dit, il est probable que l’accord entre les EAU et Israël constitue un précurseur d’un réalignement général des positions des acteurs régionaux.
Quel rôle pour les Européens ?
La nouvelle coalition qui se dessine a un ennemi principal, qui est l’Iran (la Turquie venant d’ailleurs de plus en plus en deuxième rang). C’est là un des aspects les plus intrigants de l’annonce du 13 août : à l’été 2019, ce qui défrayait la chronique c’était un rapprochement entre les Émirats et l’Iran, marqué entre autres par la visite à Téhéran d’une délégation importante venue d’Abou Dhabi. En effet, en cas de conflit régional, la prospère Dubaï, la cité sœur d’Abou Dhabi, pourrait être la cible la plus facile d’une attaque iranienne.
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