Sur les questions numériques et relatives aux nouvelles technologies, la priorité sera donnée à la régulation et la création de normes et standards communs. Le discours développé par la Commission européenne sur la "souveraineté digitale" et la question de l’imposition des services numériques resteront des sujets de différend pour une administration démocrate. Il faut toutefois noter la pénétration d’un discours européen sur les questions d’antitrust et de protection des données chez une partie de l’électorat démocrate, en partie à la suite des révélations concernant le rôle de Facebook dans les opérations d’ingérence et de désinformation au cours de la campagne de 2016.
Priorité de la gauche progressiste, la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et les abus des régimes kleptocratiques est vu comme un enjeu à la fois de moralisation du capitalisme mais aussi comme un instrument d’affirmation de puissance face aux régimes autoritaires. Elle se décline aussi en interne : le Congressman démocrate Tom Malinowsky, ancien de l’administration Obama, a ainsi proposé de mettre fin à l’anonymat des propriétaires des sociétés écran aux États-Unis. Sur le plan commercial, le camp Biden ne remet pas en cause la posture protectionniste de Donald Trump, et apporte son propre projet "Made in All of America".
L’arme économique continuera de gagner en importance dans les outils de politique étrangère des États-Unis et le Département du Trésor restera un acteur central de la politique étrangère américaine.Vues comme une alternative pratique à l’usage de la force, les sanctions resteront un instrument privilégié des démocrates, tandis que les stratèges démocrates suggèrent d’intégrer encore davantage les questions économiques dans la grand strategy et les alliances.
Le corollaire de cette priorité donnée à la géoéconomie est que, tout comme les administrations Obama et Trump, une administration Biden aura à cœur d’éviter toute implication militaire prolongée au Moyen-Orient, privilégiant la poursuite d’une stratégie du repli et de la retenue. Par ailleurs, tout porte à croire qu’une administration Biden ne reviendra pas sur l’initiative de son prédécesseur quant au déplacement de l’Ambassade à Jérusalem, et elle montrera peu d’appétence pour la question palestinienne.
Beaucoup de questions resteront en suspens avant que l’administration Biden n’entre en fonction. Les orientations de la nouvelle administration dépendront des nominations politiques, des crises en développement et des initiatives des alliés comme des rivaux. Les premiers mois donneront des indications sur les points suivants.
- L’équipe Biden aura-t-elle à cœur de revenir sur les initiatives de l’ère Trump pour l’effacer ou va-t-elle profiter des marges de manœuvre dégagées par son prédécesseur ? (Iran, climat, OTAN, Corée du Nord, Afghanistan)
- L’équipe Biden montera-t-elle d’un cran dans la rivalité avec la Chine (y compris en consolidant le clan opposé, par exemple en consolidant son partenariat avec l’Inde) ou va-t-elle chercher à apaiser la relation pour collaborer sur les enjeux globaux en souffrance (pandémie, climat) ?
- L’équipe Biden mettra-t-elle au cœur de sa stratégie la question de la défense de la démocratie en interne (lutte contre les manipulations de l’information) comme en externe (lutte contre les néo-autoritaires, même alliés) ?
Hypothèse Trump II : radicalisation et chaos
Bien peu d’observateurs se risquent à pronostiquer ce qu’il adviendra en cas de réélection de Donald Trump. Peu enclins à imaginer cette perspective, quitte à s’enferrer dans la même confiance aveugle qu’en 2016, les Européens sont encore moins intéressés par l’identification d’éventuels points de convergence, ou d’une liste d’intérêts défensifs et offensifs en cas de réélection.
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