Il n’en reste pas moins qu’au-delà des graves incertitudes sur le commerce mondial, le ralentissement de la demande interne américaine est inévitable. Le budget 2018 s’est traduit par un stimulus budgétaire de l’ordre de 1,2 % du PIB selon l’OCDE, ce qui explique largement l’accélération de la croissance, de 2,2 % en 2017 à près de 3 % en 2018. Mais les miracles des multiplicateurs budgétaires, qui font rêver tant de politiciens démagogues, ont la vie courte : une fois l’argent dépensé, la croissance revient à sa tendance, qui ne dépasse pas 2 % dans le cas des États-Unis, voire passe en dessous. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que l’Amérique tire la croissance mondiale en 2019. De ce point de vue, les prévisions de l’OCDE (2,7 %) paraissent bien optimistes.
Mais, doit-on se demander, du ralentissement à la récession, n’y a-t-il pas qu’une frontière ténue ? Les économistes font parfois référence à un concept aéronautique : la vitesse de décrochage, "stall speed" en anglais : en dessous d’un certain rythme de croissance, l’économie serait si vulnérable à tout choc non anticipé qu’il suffirait d’un rien pour la précipiter en récession. Comparaison n’est pas raison, suis-je tenté de dire, ayant trop souvent entendu que l’économie américaine était dangereusement proche de cette vitesse critique hypothétique. Les arguments en faveur d’un risque récessif ont des fondations plus solides. Ainsi, Carmen Reinhart souligne la forte croissance de la dette émise par des entreprises à risque (dans les deux sens) depuis 2013, en particulier les prêts à effet de levier (CLOs). D’autres soulignent que les obligations risquées (BIG, pour "below investment grade", alias"junk bonds") trouvent moins d’acheteurs, et que leur prix baisse dangereusement, où, si l’on veut, que les taux d’emprunt associés montent tout aussi dangereusement.
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