Semaines perdues
Tout autant que le nationalisme, le goût pathologique du secret est un obstacle à la capacité de répondre vite à l'épidémie. En Chine, des semaines précieuses ont très probablement été perdues, un temps qui ne se rattrape pas et qui est le produit de la peur et du contrôle quasi absolu sur l'information.
Pour justifier la centralisation du pouvoir, les dirigeants chinois mettent en avant le souci prioritaire de l'unité de leur pays derrière le Parti. Un choix qui suppose à leurs yeux le maintien du secret, l'absence de la liberté de presse, les contraintes sur les libertés civiles.
Mais les dirigeants chinois servent-ils toujours au mieux ce qu'ils définissent comme leur intérêt prioritaire ? Au nom de l'unité du pays, la Chine a renforcé son contrôle sur Hong Kong et éloigné ainsi les Taïwanais de la mère patrie. Lors des dernières élections présidentielles, une majorité de Taïwanais ont fait passer le souci de la liberté et de l'État de droit avant tout attachement à la mère patrie.
La mort du "lanceur d'alerte" du coronavirus , le docteur Li Wenliang, a provoqué en Chine une émotion qui a contraint le président Xi Jinping à sortir de sa réserve et de sa distance dans un premier temps, puis à sanctionner d'importants responsables de la province de Hubei et de la ville de Wuhan, points de départ de l'infection. Mais il est clair qu'initialement la Chine a choisi l'objectif d'unité du pays derrière le Parti, avant la sécurité de ses citoyens et, accessoirement, celle du monde. Que se passerait-il si le virus gagnait un continent aussi fragile en termes de politique de santé que l'Afrique ?
Il est sans doute excessif de parler d'un "Tchernobyl chinois" ou d'établir une comparaison entre le médecin chinois Li Wenliang et le vendeur de fruits et légumes tunisien qui, en s'immolant, a, en 2010, été le point de départ des Printemps arabes. Xi Jinping n'est pas Gorbatchev ou Ben Ali, la Chine n'est pas la Tunisie et sauf développement catastrophique - type pandémie incontrôlable - l'empire du Ciel n'est pas dans la situation de l'URSS à la fin des années 1980.
Ampleur inconnue
Face à un événement d'une ampleur inconnue, dont on ignore encore les possibles retombées, économiques, politiques et géopolitiques, il nous convient de trouver un juste équilibre. Entre le bolchévisme de la démocratie et la complaisance à l'égard du régime chinois, il existe une voie médiane. Comme l'écrit le spécialiste de l'Asie, François Godement : "Pour s'être voulu "le président de tout", Xi est-il, pour autant, responsable de tout ?" Un régime démocratique aurait réagi plus vite, mais aurait-il nécessairement été plus efficace ?
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