Les entreprises touchées par la crise ont demandé des reports d'échéances bancaires (41,8 % des répondants), fiscales (37 %) ou de paiement d'acompte (33,7 %). Près de 23 % des entreprises interrogées ont demandé les trois reports d'échéances. Les entreprises sondées craignent la perte de 165 586 emplois, soit 55,11 % de leurs effectifs. Les activités ayant enregistré une baisse de plus de 50 % de chiffre d'affaires craignent de perdre 100 000 emplois. L’enquête souligne que 39,2 % des entreprises sont dans des arrêts temporaires et 88 % y ont eu recours ou risquent d'y avoir recours. La plupart des entreprises prévoient une reprise progressive à partir de juin mais le chiffre d'affaires, à divers degrés, restera impacté tout au long de l'année. Les plus impactés dans la durée semblent être le tourisme, l'immobilier puis le textile.
Les instances décisionnaires pensent-elles déjà l'après ? Quelles stratégies de sortie de crise sont envisagées ? Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?
Il y a encore beaucoup d’incertitudes sur la date de sortie de cette crise. Elle ne sera ni globale ni immédiate après la fin de la crise sanitaire. Cette fin n’est d’ailleurs pas encore totalement visible. Il y a encore beaucoup d’incertitudes sur le coût économique que le pays aura à supporter sur le moyen terme. Malgré ces incertitudes, le Comité de veille a entamé les premières réflexions sur la sortie de crise, ses modalités, ses moyens, la cohérence des séquences d’articulation entre le court et le moyen terme, etc.
Il ressort des premières réflexions du Comité qu’un Plan de sortie de crise sera annoncé prochainement. Des scénarios sont établis prenant en compte les capacités et les vitesses de redémarrage des secteurs, l’état de santé financière des entreprises, les priorités... Le Comité aura à se prononcer sur une série d’actions et d’arbitrages à faire : quels sont les secteurs prioritaires ? Ceux qui sont liés à la couverture de la demande et des besoins essentiels (alimentation, santé et transport notamment) ? Ceux qui peuvent répondre à la relance de la demande externe et sont en mesure d’aider à la reconstitution du portefeuille des réserves en devises ?
Au-delà de la hiérarchisation des priorités, la question de la mobilisation efficace et optimale des leviers d’action est aussi à l’agenda du Comité. Une relance par le soutien de la demande des ménages et par l’incitation à l’offre par l’investissement doit être pensée. Dans ce challenge, la question de la soutenabilité du financement est cruciale. La relance par le budget et la commande publique qui s’impose va être confrontée à la réduction des ressources ordinaires, au creusement du déficit budgétaire et au seuil d’endettement tolérable. Le Parlement a autorisé le gouvernement à dépasser le plafond d’endettement inscrit dans la loi de finances de 2020. L'utilisation de la ligne de précaution et de liquidité (d'un montant de 3 milliards de dollars remboursables sur une période de 5 ans, avec une période de grâce de 3 ans) négociée avec le FMI fin 2018 va permettre d'atténuer les effets de cette crise, et de préserver les réserves de devises permettant de consolider la confiance des investisseurs étrangers et des partenaires bilatéraux et multilatéraux du Maroc. Cette assurance contre les chocs extrêmes n'affecte pas le niveau de la dette publique. Néanmoins, si le déficit budgétaire dépasse une norme soutenable, il faudra financer l’endettement par d’autres lignes de crédits auprès des organismes financiers ou avoir recours au marché des capitaux sans tomber dans un régime de conditionnalité contraignant qui remettrait en cause la souveraineté financière du pays.
L’autre modalité de financement est liée à la capacité du système bancaire marocain à procurer les liquidités nécessaires aux entreprises qui, au-delà de leurs besoins de trésorerie, risquent d’être confrontées à une crise de solvabilité exigeant un renforcement de leur bilan. Dans ce défi du financement du crédit, le système financier national qui dispose d’une solidité financière reconnue sera confronté à la nécessité d’accompagner les entreprises avec une plus grande imagination et réactivité, moins de conditionnalité sur les garanties et de rigidité dans le déblocage des ressources, tout en veillant à préserver sa stabilité financière.
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