Les données du Bureau national des statistiques (NBS) sont souvent moquées comme peu fiables et politiquement serviles. Une évaluation plus équilibrée consiste à dire que les agents du NBS tentent de tirer le meilleur parti d’un système d'information statistique obsolète, toujours façonné par des concepts soviétiques tels que les quantités, plutôt que les valeurs et les volumes, et largement inapte à évaluer une économie dans laquelle les services prennent maintenant la part du lion.
Peut-être en raison de la mauvaise qualité de leurs données, les statisticiens ont-ils tendance à aplanir les fluctuations cycliques, sous-estimant les ralentissements aussi bien que les accélérations. Et s’agissant d’exercices d’estimation en temps réel, tels que celle du PIB, ils adoptent probablement une position très conservatrice. Malgré cela, les marchés financiers et les analystes privés ne sont pas dupes et ils tablent déjà sur une stagnation du PIB, voire une contraction, au quatrième trimestre, avec une éventuelle contagion aux premiers mois de 2019.
Quelles sont les causes de ce ralentissement ? La plus évidente est l’impact de la guerre tarifaire de Donald Trump et les actions des États-Unis, ou la menace de telles actions, contre les appropriations de propriété intellectuelle par des entreprises technologiques chinoises. Cela a peut-être commencé à perturber les chaînes d'approvisionnement asiatiques dans ce secteur stratégique. Mais il y a aussi deux facteurs domestiques importants.
- Premièrement, la Chine passe sans cesse d’une politique d'expansion du crédit – ce qui augmente excessivement le levier d’endettement – à une politique de restriction, et ce depuis le stimulus massif qui prévint l’effondrement de l'économie chinoise en 2009. Comme le gonflement du crédit - via des banques d'État souvent liées aux responsables locaux du parti, ou des prêts entre pairs (P2P) via des plateformes Internet - est opaque et ouvre la porte à la corruption, les restrictions de crédit mises en place par la banque centrale (Banque populaire de Chine, PBC) sont amplifiées par des objectifs politiques tels que la lutte contre la corruption. On peut penser que c'est exactement ce qui s'est passé fin 2018, après une augmentation importante et politiquement indésirable de l'endettement des entreprises en début de l'année.
- Deuxièmement, la réduction de la taxe sur les ventes d’automobiles a été supprimée au début de 2018, amenant les consommateurs à anticiper leurs achats à la fin de 2017 et entraînant une forte chute par la suite (un effet de base qui doit relativiser la baisse de 17 % déjà mentionnée). Les politiques semblent avoir été pris au dépourvu, au point qu’un organe consultatif officiel a précipitamment prôné une nouvelle réduction de taxe. Ironiquement, cela pourrait déprimer davantage les ventes de voitures : les consommateurs retarderont leurs achats jusqu'à ce que la baisse de taxe soit adoptée. Mais bien sûr, un puissant rebond suivrait, au grand soulagement des officiels. En l’occurrence, le marché automobile chinois est loin d’être saturé et la tendance à long terme des ventes de voitures neuves se redressera, bien qu’à un rythme bien plus lent qu’il y a dix ans. La production automobile avait presque triplé de 2009 à 2011. C'est le passé.
La preuve la plus fiable d’un ralentissement généralisé est la réaction de la PBC, qui a déjà ouvert le robinet à liquidités en réduisant d’un point le ratio de réserves obligatoires que les banques commerciales doivent respecter, injectant ainsi 570 milliards de yuans dans l’économie. Même avec une réduction hypothétique de la taxe sur les ventes de voitures, cela ne suffira pas à relancer l’économie : l’injection de liquidités ne représente que 0,7 % du PIB. Bien que la Chine puisse offrir suffisamment de concessions pour empêcher une autre hausse de tarifs douaniers par les États-Unis, il est aussi tout à fait possible que les négociations commerciales échouent. Dans ce cas, la Chine n’aurait pas d’autre choix que de recourir à un stimulus monétaire et fiscal plus important. Il est également possible que la PBC soit priée d’être moins stricte en matière de qualité du crédit et de suspendre temporairement le processus de désendettement. Une fois encore, un cycle de crédit guidé par des considérations politiques remettrait en cause l’objectif de stabilité financière, pourtant cité en première position par Xi Jinping. Le Japon en est passé par là, et les dirigeants chinois savent comment cela s’est terminé.
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