Mais quid du prix de l’électricité, aujourd’hui très bas en Chine, quid de l’essence aujourd’hui peu taxée, quid du poids pour les usagers d’un verdissement des logements et des transports, par exemple ? Ces questions ne sont pas propres à la Chine, mais la prédominance en Chine de l’énergie produite à partir du charbon, à une échelle historiquement sans précédent, lui donne plus d’acuité encore. Et une société politiquement contrainte exprime beaucoup ses intérêts économiques.
Pour la décarbonation comme pour d’autres enjeux internationaux, peut-on dès lors faire confiance à la Chine ?
En 2018, nombre d’économistes prévoyaient que la balance des comptes courants chinois serait négative ; les excédents commerciaux avaient beaucoup diminué et l’on pouvait alors croire à une transition vers la consommation intérieure et l'économie de services. Cette tendance s’est renversée avant même la survenue de la pandémie. Les choix faits par la Chine afin de faire rebondir son économie au moment de la pandémie n’ont fait qu’accentuer ce retournement. En cela, il n’y a pas de parallèle avec la situation constatée au lendemain de la grande crise financière de 2008, lors de laquelle la Chine avait stimulé à la fois sa propre économie et l’économie mondiale à travers une forte émission de liquidités monétaires. On en est bien loin aujourd’hui.
Certes, les économistes chinois officiels invoquent l’importance des dettes publiques et privées chinoises et une prudence géopolitique face aux États-Unis et aux incertitudes globales pour justifier l’approche économique du pays, qui est en réalité celle d’un "free-rider". Le fait est que la pente suivie par la Chine depuis 2019 est à nouveau celle d’une économie mercantiliste, qui tend à enlever de la croissance au reste du monde plutôt qu’à y contribuer. Ne négligeons pas, dans tout cela, l'extraordinaire adaptabilité de l’industrie chinoise, qui pointe aussi, par contraste, la moindre réactivité de nos secteurs manufacturiers, sinon de ceux les plus liés à l’innovation comme le numérique.
Si tant est que l’on croie à une convergence des politiques macroéconomiques et une coopération au G7 et au G20, la Chine s’en éloigne dans les faits. Et sur la décarbonation, où la Chine a toujours été extrêmement hostile à tout engagement juridique, et à toute vérification de ses engagements déclaratifs, il importe de ne pas prendre pour argent comptant les nouveaux engagements chinois et de suivre attentivement les politiques effectivement appliquées. Nous devrons toujours composer avec la difficulté de tenir la Chine à ses engagements. Avec elle, nous serons souvent dans la surprise. Au-delà du manque de fiabilité des engagements chinois, il y a aussi l’imprévisibilité des trajectoires qu’elle prend.
Sur ces deux terrains, même si la Chine dénonce le "protectionnisme" que représenterait une taxe carbone aux frontières, il faut savoir que c’est aussi un rapport de forces qui convaincra la Chine, pour des raisons d’intérêt économique national, à aller plus loin dans les réformes.
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