Par ailleurs, cette réforme de l’assurance chômage doit s’inscrire dans le cadre de la mise en œuvre d’un écosystème global qui doit permettre d’accompagner de manière efficace la reprise économique française après une année particulièrement difficile. Le gouvernement met ainsi en avant le plan "1 jeune 1 solution", la prolongation des aides à l’embauche et la garantie jeunes. Reste à savoir si cela sera suffisant.
L’allongement de la durée de travail permettant l’accès à l’assurance-chômage fait polémique, dans un contexte de crise profonde qui a fait bondir le chômage chez les moins de 24 ans. Cette réforme reflète-t-elle un trop-plein d’optimisme de la part du gouvernement vis-à-vis du marché de l’emploi comme le dénoncent les syndicats ?
Il est bon de rappeler que la philosophie de la réforme est d’accompagner au mieux la reprise économique fragile qui succédera à l’année de crise liée à l’apparition du Covid-19. Les modalités d’entrée en vigueur des nouvelles règles de rehaussement du seuil d’éligibilité de quatre à six mois, du rechargement des droits et de l’application d’une dégressivité de 30 % après le sixième mois pour ceux qui avaient une rémunération de plus de 4500€ bruts mensuels vont dans le sens des propositions formulées par le Conseil d’analyse économique en janvier dernier. Ce dernier proposait de recourir à une logique contra-cyclique, qui verrait les règles devenir plus protectrices en période de crise intense et de hausse soutenue du nombre de demandeurs d’emplois, et se desserrer en temps de reprise.
L’élévation du seuil d’éligibilité, du seuil de rechargement et d’application de la dégressivité après six mois prend en compte cette logique contra-cyclique, et ce à partir de deux indicateurs. Le premier est le nombre de déclarations préalables à l’emploi (DPAE) de plus d’un mois sur quatre mois consécutifs. Le deuxième est la baisse sur six mois consécutifs du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A. La prise en compte de ces indicateurs, qui est effective à compter du 1 avril 2021, ne pourra ainsi donner lieu à la mise en œuvre des nouveaux seuils qu’à compter de l’automne 2021.
Le premier indicateur, qui requiert une augmentation des DPAE en cumul de plus de 2,7 millions, n’est pas rempli à l’heure actuelle. En revanche, cette condition était remplie fin 2019, et on peut imaginer que la reprise économique progressive favorisera un retour à la situation pré-pandémie.
Le second indicateur est assez exigeant, puisqu’avant le mois de mars 2020 la condition n’avait jamais été réunie au cours du quinquennat. Cet indicateur n’en reste pas moins réaliste, puisque la condition d’une baisse supérieure à 130 000 demandeurs d’emploi de catégorie A depuis plus de six mois est remplie depuis le mois d’octobre 2020. Dès lors, il paraît évident que ces deux indicateurs ont vocation à être atteints.
Au-delà de cette réflexion purement technique, il est également primordial de garder à l’esprit qu’en dépit de ces nouvelles règles la France continue de bénéficier d’un des régimes d’assurance chômage les plus protecteurs d’Europe. C’est un point essentiel qu’il faut souligner, sans préjudice des adaptations nécessaires.
En matière de durée minimale d’éligibilité, marquée par le passage potentiel dans la réforme de quatre à six mois en France, seules l’Italie et la Grèce offrent des conditions plus souples (avec respectivement trois et quatre mois). Le ratio d’éligibilité (c’est-à-dire la durée minimale de travail exigée sur une période de référence qui serait donc de 6 mois sur 24 mois), établi à 0,25 en France, n’est plus bas et donc plus avantageux, c’est-à-dire comportant un étalement sur une période de référence plus large des mois travaillés requis pour s’ouvrir des droits, qu’en Italie, en Espagne et en Finlande. De la même manière, la durée maximale d’indemnisation française n’est surpassée que par le voisin belge. Enfin, même avec la dégressivité de 30 % après six mois, et ceci seulement pour les plus hautes rémunérations, la France est le pays européen qui dispose de très loin du plafond d’indemnisation le plus élevé, avec une indemnité mensuelle pouvant aller jusqu’à environ 7 960€ bruts.
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