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Primaire de la droite et du centre
Le grand décryptage

Le chiffrage ne permet pas à lui seul de comparer les propositions des candidats. Elles doivent également s'apprécier au regard de leur mise en oeuvre, de leur historique et d'une comparaison internationale.

CandidatPropositionChiffrage *Détail

Jean-François
Copé
Réduire la dépense publique de 80,96 Md€
- 61 md€ Chiffrage
et faisabilité

François
Fillon
Réaliser 100 Md€ d’économies - 80 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Alain
Juppé
Réduire la dépense publique de 80 à 100 Md€ - 80 Md€ Chiffrage
et faisabilité
Nathalie
Kosciusko-Morizet
Réaliser 100 Md€ d’économie - 85 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Bruno
Le Maire
Réaliser 80 à 90 Md€ d’économies - 80 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Jean-Frédéric
Poisson
Interdire la présentation d’un budget de l’État en déficit par une réforme constitutionnelle instaurant cette "Règle d’Or" - 81 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Nicolas
Sarkozy
Réduire la dépense publique de 100 Md€ - 73 Md€ Chiffrage
et faisabilité


*+XX Md€ correspond à une dépense supplémentaire ou une diminution des recettes
-XX Md€ correspond à des économies ou des recettes supplémentaires

Quels enjeux pour ces propositions ?

La dépense publique atteint 57 % du PIB. Le poids de ces dépenses – tout comme celui de la dette, qui dépasse les 95 % du PIB – rend la France vulnérable à une remontée des taux d’intérêts. 

À l’automne 2012, le président de la République s’engageait à réaliser 60 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble du quinquennat. Si les réductions d’impôts promises n’ont pas été tenues, la croissance de la dépense publique a été plus faible au cours du quinquennat de François Hollande qu’au cours de n’importe quel autre mandat présidentiel précédent. 

La baisse chiffrée des dépenses publiques n’avait pas véritablement été au cœur des campagnes électorales avant celle de 2012 – ces enjeux, notamment en lien avec le financement de la sécurité sociale, avaient déjà été mentionnés, mais sans jamais occuper une telle place ou faire l’objet de chiffrage aussi précis, de la part de tous les candidats à la primaire de la droite et du centre. À notre connaissance, un tel niveau de réduction de la dépense publique n’a jamais été proposé en France : six des sept candidats à la primaire de la droite et du centre avancent ainsi qu’ils réaliseront entre 80 et 100 milliards d’euros d’économies au cours du prochain quinquennat.

Déjà appliquées ? proposées ?

La proposition a-t-elle déjà été appliquée en France ? Quand ? Pour quels effets ?

La baisse chiffrée des dépenses publiques n’avait pas véritablement été au cœur des campagnes électorales avant celle de 2012 – ces enjeux, notamment en lien avec le financement de la sécurité sociale, avaient déjà été mentionnés, mais sans jamais occuper une telle place ou faire l’objet de chiffrage aussi précis, de la part de tous les candidats à la primaire de la droite et du centre.

En 2014 le Président François Hollande avait annoncé une réduction des dépenses de 50 Md€ sur la période 2015-2017. La Cour des comptes estime à 12 Md€ le montant d’économies atteint pour 2015 (au lieu de 18 Md€ annoncés par le Gouvernement).

Le plan de réduction de la dépense de François Hollande n'a été que partiellement réalisé. Ainsi, dans le cadre des annonces de la loi de finances pour 2017, il a été annoncé que la réduction de dépenses ne serait finalement que de 46 Md€, en intégrant la baisse de la charge de la dette, initialement non prévue dans le décompte. Le montant des économies réalisées sur 3 ans a donc été d’environ 40 Md€. Le ralentissement de la baisse des dépenses en 2017 est en partie justifiée par le gouvernement par la situation en matière de sécurité et de défense, suite aux attentats de 2015 et 2016.

Si les réductions d’impôts promises n’ont pas été tenues, il n’en demeure pas moins que la croissance de la dépense publique a été plus faible au cours du quinquennat de François Hollande qu’au cours de n’importe quel autre mandat présidentiel précédent : 

  • 1 % de croissance en volume en moyenne sur 2012-2017 (estimation pour 2017) et 1,6 % en valeur ; 
  • 1,4 % de croissance en volume en moyenne sur 2008-2012 et 3,1 % en valeur ; 
  • 1,5 % de croissance en volume en moyenne sur 2004-2017 (estimation pour 2017) et 2,7 % en valeur.


La proposition a-t-elle déjà été avancée en France ? Quand ? 

À notre connaissance, un tel niveau de réduction de la dépense publique n’a jamais été proposé en France.

Déjà testées à l'étranger ?

La proposition a-t-elle été appliquée / avancée à l’étranger ? Où et quand ? 

Plusieurs pays ont mené à bien des réformes structurelles qui ont permis des réductions massives de la dépense publique : entre 1990 et 2007, plus de 17 pays de l’OCDE ont réduit leur dépense publique de plus de 3 points de PIB en 3 ans (données France Stratégie). En moyenne, l’ajustement a été de 7 points de PIB et a duré 5 ans : un effort comparable à celui qui est envisagé sur le prochain quinquennat. Entre 2009 et 2012, 12 des 27 États de l’UE ont réduit leur dépense publique de plus de 2 points de PIB (dont l’Allemagne et le Royaume-Uni).

L’analyse des réformes qui ont été menées montre que les efforts sur les dépenses ont été réparties de manière spécifique selon les pays et les époques, avec cependant des composantes communes : 

  • la protection sociale est le premier poste concerné dans la plupart des cas. L’effort porte en moyenne à moitié sur ce poste ; 
  • les services d’administration générale constituent le second poste le plus concerné.


Récemment en Europe, c'est notamment le Royaume-Uni qui a fait l’objet d’un plan massif de réduction des dépenses publiques : celles-ci avaient très fortement augmenté suite à la crise de 2008. En 2010, David Cameron a proposé un plan de réduction de la dépense publique devant faire passer le déficit public sous les 3 % dès 2016 en axant massivement l’effort sur la réduction des déficits publics. L’effort était d’environ 8 points de PIB sur 5 ans. 

L’exemple le plus commenté est celui de la Suède entre 1994 et 1999 : la dépense publique est passée en Suède de 67 à 53% du PIB. Sur la même période le solde budgétaire est passé de -9 % à + 5% ce qui représente un effort structurel de 14 % qui a principalement ciblé le coût du fonctionnement de l’État et les prestations sociales (passées de 27 % à 19 % du PIB).

Pour quels effets ?

Les exemples passés de redressements budgétaires d’ampleur doivent être étudiés avec prudence, car ils se sont produits dans des contextes qui peuvent être très différents du contexte actuel (croissance économique chez un État voisin, politique monétaire accommodante, etc.). Les études économiques rejoignent cependant les conclusions de l’OCDE : "les redressements reposant sur des restrictions de dépenses sont plus efficaces pour stabiliser la dette et aussi plus durables".

Comme le relève l’Institut Montaigne, dans son rapport Dépense publique : le temps de l’action (2015), l’étude des stratégies de consolidation menées au sein de 21 pays de l’OCDE au cours des 40 dernières années (soit 107 ajustements) va dans ce sens : les stratégies dites "réussies" (Pays-Bas, Finlande et Norvège dans les années 1990, Royaume-Uni, Danemark, Irlande et Suède dans les années 2000), c’est-à-dire ayant abouti à une réduction du ratio "dette sur PIB" supérieure à 4,5 points en 3 ans ont consisté en moyenne en 2/3 de dépenses en moins, et 1/3 de recettes en plus ; les stratégies ayant au contraire échoué présentait un mix en moyenne presque inverse. En particulier, les ajustements portant sur les dépenses de masse salariale publique et de prestations sociales au sens large (comprenant les retraites, etc.) sont plus durables que les autres. Le FMI signale à ce titre que les ajustements les plus significatifs entraînent systématiquement un effort sur la masse salariale publique (en moyenne de l’ordre d’un point de PIB sur les périodes de consolidation budgétaire étudiées), ceux-ci tirant généralement avantage à être réalisés selon un processus de concertation avec les partenaires sociaux.

Par ailleurs, les études montrent que l’effet des réductions de la dépense publique est très étroitement lié à la façon dont les réductions d’impôts sont réalisées : au-delà de leur seul montant, leur ciblage et leur mise en œuvre sont déterminants. Les politiques "de rabot" apparaissent beaucoup moins efficaces que les politiques ciblées. Les politiques ayant fait l’objet de plus de communication et élaborées par les ministères sectoriels sont aussi souvent les plus efficaces.

La structure de la dépense publique française a récemment été comparée à celle d’un groupe de pays de l’UE par France Stratégie. Il en ressort que la France a une dépense publique plus élevée que le groupe à hauteur de 6,5 points de PIB, mais que notre système de retraite, intégralement public, et nos dépenses de défense, couvrent trois quarts de la différence, soit 4 points de PIB. Notre dépense publique relève donc en partie d’un choix de mutualisation plus fort de notre société, et d’une dépense plus importante envers les retraités. Le reste de la différence se trouve dans des politiques de redistribution, dont le logement et l’emploi. 

En Suède, l’assainissement budgétaire a conduit à un redressement de la croissance dès la fin de 1994 : le PIB par tête au augmenté de 2,8 % par an sur la période et le taux de chômage, est passé de 8,5% en 1993 à 4% en 2000. Il est à noter que ce mécanisme s’est accompagné d’effets monétaires forts sur la monnaie suédoise.

Comment les mettre en oeuvre ?

Quel processus pour que la proposition soit appliquée ? 

La mise en place des programmes d’économies des candidats à la primaire de la droite et du centre demandera la mise en œuvre de ces réformes dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pendant les cinq années du quinquennat, ainsi qu’une négociation avec chacune des collectivités locales concernée dans le cadre de leurs "contrats" de réduction de la dépense. Les réformes concernant la sécurité sociale et l’assurance chômage mobiliseront aussi les partenaires sociaux dans le cadre d’une renégociation des conventions.


Qui est concerné par une telle mesure ?

Une réduction des dépenses publiques de l’ordre de celle annoncée par les candidats concernera l’ensemble de la population française à des degrés divers : elle suppose l’absence de remplacement de la plupart des fonctionnaires partant à la retraite et la recomposition d’une partie des services, notamment territoriaux, de l’État et de ses opérateurs, une rationalisation de l’action des collectivités locales et une mise à jour importante des parcours de soin.

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