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14/10/2025
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Souveraineté industrielle : le réemploi, un levier décisif pour l'Europe

Souveraineté industrielle : le réemploi, un levier décisif pour l'Europe
 Célia Rennesson
Auteur
Cofondatrice et Directrice générale de Réseau Vrac & Réemploi

Comment renforcer la souveraineté industrielle de la France et de l’Europe quand les ressources indispensables à la transition sont majoritairement en dehors de nos frontières ? Le réemploi pourrait offrir une voie ​alternative à l'extraction ou à la production neuve. Comment l'adopter et quels sont ses avantages ? Comment l’intégrer aux filières des semi-conducteurs et des batteries ? ​Avant la révision du Règlement européen sur les puces, au deuxième semestre 2026, il est capital ​d'ériger la filière du "ReUse"​​ en priorité pour​ que notre économie "apprenne à faire durer​".

L’Europe doit affronter une évidence : elle est dépendante de l’extérieur pour son approvisionnement en métaux critiques et ses composants stratégiques. Par conséquent, ses chaînes de valeur industrielles sont vulnérables, comme l’ont montré les crises récentes, de la pandémie de Covid-19 à la guerre en Ukraine. La transition énergétique, bien que vitale, accentue cette pression : batteries, semi-conducteurs, équipements numériques... tous reposent sur des matériaux que nous ne maîtrisons ni en volume, ni en origine.

Face à ce constat, les réponses s’organisent, mais selon un "logiciel" incomplet. Les politiques publiques comme les stratégies industrielles privilégient deux réflexes : la relocalisation de la production neuve, et le recyclage des matériaux. On parle très peu, voire jamais, des premiers leviers d’action de l’économie circulaire : la prévention et le réemploi. Ces stratégies, pourtant prioritaires dans la hiérarchie des "R" et désormais reconnues par la norme ISO 59004:2024, demeurent largement sous-exploitées. Elles sont pourtant essentielles pour bâtir une économie post-fossile, sobre et résiliente.

Les politiques publiques comme les stratégies industrielles privilégient deux réflexes : la relocalisation de la production neuve, et le recyclage des matériaux.

Dans son ouvrage Gouverner l’avenir, Clément Tonon, Rapporteur général du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, appelle à renforcer la souveraineté de l’Europe via l’exploitation minière locale, la montée en puissance du recyclage et de nouvelles alliances avec les pays fournisseurs.

Sa vision est pertinente, mais souffre d’un angle mort partagé par de nombreux décideurs : le réemploi ne figure pas dans le panel des solutions industrielles. Le recyclage, familièrement rattaché aux politiques circulaires, est systématiquement cité. Le réemploi, lui, reste invisible. Or, s’il s’agit de "développer l’exploitation sur notre sol", pourquoi ne pas y inclure l’exploitation des ressources que nous avons déjà ? Réemployer, c’est extraire sans creuser.

Dans les grands textes de loi européens qui cherchent à réduire la dépendance stratégique de l’Europe (Green Deal, Critical Raw Materials Act, European Chips Act), le réemploi n’apparaît que très marginalement, si ce n'est à titre symbolique. Les investissements publics restent eux aussi orientés d'abord vers l’innovation de rupture et les technologies de production neuve ou le recyclage, laissant peu de place à l'émergence d’une véritable filière économique du réemploi.

La Reuse Economy représente une opportunité stratégique pour l’Europe. Elle permet de réduire l’empreinte des matières et les dépendances critiques, de relocaliser de la valeur ajoutée et de décarboner notre base industrielle sans attendre 2040. Elle repose sur des compétences et des savoir-faire qui existent, se développent et sont activables rapidement. Bref, elle est un levier opérationnel, concret, pour construire une souveraineté européenne durable. Cette logique de "Reuse Economy" est particulièrement adaptée dans le cas des batteries et des semi-conducteurs.

Reuse Economy : définir une stratégie industrielle de la durabilité

La Reuse Economy regroupe l’ensemble des activités, infrastructures et chaînes de valeur qui visent à maximiser la durée de vie des produits et des matériaux, en favorisant leur usage multiple plutôt que leur usage unique, leur réemploi plutôt que leur destruction ou leur recyclage immédiat.

Ce modèle repose sur un triptyque opérationnel :

  • la conception pour l’usage multiple (démontabilité, modularité, standardisation…),
  • des services logistiques et de collecte efficaces (retour, recharge, mutualisation..),
  • et des opérations de remise en état (lavage, réparation, réaffectation, reconditionnement, remanufacturing…).
Reuse Economy fonctionnement

Reuse Economy

1) Conception pour l'usage multiple (robustesse, démontabilité, modularité standardisation)

2) Services logistiques et collecte (retour, recharge, mutualisation)

3) Opération de remise en état (lavage, réparation, reconditionnement, remanufacturing)

La Reuse Economy s’inscrit dans l’approche des 9R et dans les recommandations d’actions de gestion des ressources définies par la norme ISO 59004:2024 sur l’économie circulaire qui distingue plusieurs niveaux d’action : refuser, repenser, réduire, réparer, réutiliser, remettre en état, etc. Dans le cadre de la théorie des 9R, la Reuse Economy regroupe prioritairement les stratégies d’utilisation plus intelligente des ressources et d’extension de la durée de vie des produits, correspondant aux actions de type R1 à R7 : repenser, réemployer, réparer, reconditionner, remanufacturer… Autant de leviers concrets, souvent négligés, qui permettent d’éviter l’extraction ou la production neuve tout en préservant un haut niveau de valeur fonctionnelle. Là où le recyclage se contente de maintenir les matériaux dans le système, le réemploi conserve la performance, l’usage et l’intelligence embarquée des composants, prolongeant ainsi leur contribution directe à l’activité économique.

La "Reuse Economy" n’est pas un modèle à créer de toutes pièces : elle existe déjà dans de nombreux secteurs industriels et logistiques - des palettes en bois aux bouteilles en verre consignées, en passant par les caisses navettes pharmaceutiques, les emballages industriels réutilisables, ou encore les équipements électroniques reconditionnés. Mais elle reste marginale, dispersée, et souvent invisible, car fragmentée sous une pluralité de vocabulaires techniques que l'on vient précisément d'énumérer : réemploi, réutilisation, reconditionnement, remanufacturing, réaffectation...

Dans un contexte de tensions croissantes sur les chaînes d’approvisionnement, la Reuse Economy est un levier immédiatement mobilisable pour renforcer la souveraineté industrielle de la France et de l’Europe. Elle permet :

  • de réduire la pression sur les ressources critiques,
  • de décarboner la production en évitant l'extraction et la refabrication inutile,
  • de relocaliser des emplois industriels,
  • de générer de l’activité économique dans les territoires, souvent nondélocalisable.

Là où le recyclage se contente de maintenir les matériaux dans le système, le réemploi conserve la performance, l’usage et l’intelligence embarquée des composants, prolongeant ainsi leur contribution directe à l’activité économique.

Pour tirer pleinement le potentiel de ce modèle, il conviendrait de ne plus le considérer comme une série d’initiatives marginales, mais comme une stratégie industrielle à part entière, qui prolonge la durée de vie des produits, organise leur réutilisation, structure les services qui les accompagnent, et contribue pleinement à un objectif de résilience et de sécurité économique nationale et européenne.

Batteries : un levier de souveraineté énergétique et fonctionnelle

Le secteur des batteries illustre parfaitement le potentiel stratégique du réemploi ainsi conçu.

La demande en batteries connaît une croissance exponentielle en Europe, portée principalement par l’électrification des transports. En 2025, les ventes de voitures électriques à batterie devraient progresser de 40 à 67 % selon les estimations. Cette dynamique industrielle accélère la pression sur les chaînes d’approvisionnement en métaux critiques - lithium, nickel, cobalt, manganèse - indispensables à la fabrication des batteries lithium-ion.

L’offre européenne pour répondre à cette demande demeure insuffisante. En 2023, l’Union européenne a importé pour 27 milliards d’euros de batteries, un niveau supérieur à sa production intérieure (24 milliards d’euros). Environ 90 % des importations proviennent de trois partenaires asiatiques - la Chine représentant à elle seule 87 % des importations européennes : une telle concentration géographique crée une dépendance stratégique majeure, d’autant plus problématique que la majorité des matériaux actifs nécessaires à la production des batteries provient également de Chine.

Les risques identifiés sont multiples : vulnérabilité aux tensions géopolitiques, instabilité des prix des matières premières, difficulté à garantir un approvisionnement sûr et durable, et enfin, empreinte carbone élevée liée au transport et à la production des composants à l’étranger.

Pour les atténuer, l’Union européenne a adopté une série de mesures industrielles et législatives, parmi lesquelles le Net Zero Industry Act (NZIA), qui indique notamment qu’"il s’agirait (…) de faire en sorte que près de 90 % de la demande annuelle de batteries de l’Union soit satisfaite par les fabricants de l’Union d’ici 2030 ou le soutien à des Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) pour la construction de méga-usines de production de batteries, et le Critical Raw Materials Act (CRMA),qui fixe des objectifs de diversification et de sécurisation des approvisionnements, et dont l’article 26 du chapitre 5 reconnaît explicitement l’importance de la réutilisation : les États membres sont appelés à adopter des mesures nationales favorisant la réparation et le réemploi des produits contenant des matières premières critiques. Il ouvre même la voie à l’introduction d’incitations financières - remises, primes, systèmes de consigne - pour encourager la collecte, la réutilisation et la réaffectation de ces produits.

Mais l’ensemble de ces textes, aussi ambitieux soient-ils, ne produiront leurs effets qu’à moyen ou long terme. Sans tarder, l’Europe peut - et doit - activer un levier immédiat de résilience industrielle : le réemploi des batteries, grâce à des acteurs déjà implantés, des technologies et des usages industriels existants.

Le réemploi en matière de batterie consiste à collecter des batteries usagées, à tester et à reconditionner leurs cellules, puis à réaffecter ces dernières pour un même usage ou à les intégrer dans de nouveaux systèmes adaptés. Cette pratique permet d’économiser des matériaux critiques, de limiter l’empreinte carbone de la production de nouvelles batteries, et de créer une activité industrielle de proximité, à forte valeur ajoutée.

Environ 90 % des importations proviennent de trois partenaires asiatiques - la Chine représentant à elle seule 87 % des importations européennes : une telle concentration géographique crée une dépendance stratégique majeure.

Dans le cas des batteries de véhicules électriques, à la fin de leur première vie c’est-à-dire après 8 à 10 ans d’utilisation, elles conservent encore 70 à 80 % de leur capacité énergétique initiale. Elles deviennent alors inadaptées à un usage automobile, mais parfaitement exploitables pour des applications stationnaires moins exigeantes comme le stockage d’énergie solaire domestique, l’alimentation de secours, les micro-réseaux ou le soutien au réseau électrique.

Des entreprises françaises comme Re-Lion Factory reconditionnent des cellules lithium-ion pour des applications diverses, allant de l’électronique grand public aux solutions industrielles. En plus d’éviter l’importation de nouvelles cellules, leurs solutions reviennent moins chères que le neuf. Le programme Advanced Battery Storage de Renault assemble des batteries de seconde vie pour créer des installations capables de stocker l’électricité à grande échelle et de la restituer en fonction des besoins, contribuant ainsi à l’équilibrage du réseau. 

Ces applications se heurtent cependant à un certain nombre de difficultés techniques, économiques et réglementaires à prendre en compte pour en tirer le plein potentiel : l’absence de standardisation des technologies sur les batteries et le BMS (Batteries Management Systems) qui posent des problèmes de compatibilité, le vieillissement des batteries qui n’est pas linéaire et pose des incertitudes sur le gisement réellement disponible et le modèle économique. Ces obstacles, bien réels, appellent des réponses structurelles mais ne doivent pas occulter le potentiel de montée en puissance rapide de cette filière.

À cet effet, le segment des batteries industrielles et portables est intéressant à observer. Encore peu mis en lumière, il représente la majorité des batteries en France en tonnage et couvre une large gamme d’équipements et d’applications clés : terminaux de paiement, blocs de secours, micro-mobilité, volets électriques, outils de jardinage, etc. Ce marché est moins tendu, plus facilement industrialisable, et souvent plus rentable, car il s’agit dans de nombreux cas de réaffectation à usage constant. C’est précisément ce que développe l’entreprise française VoltR, fondée en 2022, qui reconditionne et redéploie ces batteries vers les mêmes segments de marché. Cette approche offre aux fabricants une solution simple, immédiate et résiliente face aux aléas des chaînes d’approvisionnement mondialisées. Ce segment, encore peu exploré, pourrait devenir un relais industriel majeur pour sécuriser des usages clés et développer une offre souveraine de batteries.

Semi-conducteurs : le talon d’Achille numérique de l’Europe

Des voitures aux satellites, des drones aux smartphones, des data centers aux applications d’intelligence artificielle, les semi-conducteurs sont devenus le socle de toutes les technologies modernes. Leur consommation explose, portée par la numérisation accélérée de nos sociétés, l’automatisation industrielle, et la transition énergétique. Rien qu’en 2021, plus de 1 150 milliards de puces électroniques ont été produites dans le monde - un chiffre qui devrait encore croître de 30 % d’ici à 2030.
Malgré ce phénomène, l’Europe reste extrêmement dépendante aux importations pour son approvisionnement en semi-conducteurs. Elle ne représente que 10 % de la production mondiale et dépend à plus de 90 % des pays asiatiques pour ses puces les plus avancées. Cette dépendance concerne non seulement la fabrication, majoritairement localisée à Taïwan et en Corée du Sud, mais aussi l’amont de la chaîne : l’extraction et le traitement des matières premières (silicium, terres rares, gallium, germanium), dont la Chine détient une part dominante.

La pandémie de Covid-19 a braqué les projecteurs sur cette vulnérabilité, encore aggravée avec les tensions géopolitiques croissantes. Le moindre incident logistique, conflit régional ou restriction à l’exportation peut conduire à des ruptures d’approvisionnement impactant des secteurs entiers : automobile, défense, santé, télécoms. Dans un contexte de guerre, cette fragilité devient un enjeu de sécurité stratégique. Le cas des drones kamikazes utilisés massivement en Ukraine - plus de 4 millions par an - en est une illustration criante : chaque engin contient un micro-ordinateur, souvent importé, dont la perte massive crée un besoin continu d’équipement, coûteux et vulnérable.

Pour répondre à ces enjeux, l’Union européenne a lancé en 2022 le European Chips Act, qui poursuit l’ambition de doubler la part de l’Europe dans la production mondiale de semi-conducteurs d’ici à 2030. Ce texte mobilise des milliards d’euros d’investissements publics et privés, soutient l’implantation de nouvelles usines (comme celles d’Intel ou STMicroelectronics) et vise à sécuriser les chaînes de valeur. Il mentionne la nécessité de renforcer la fiabilité et la durabilité des composants - notamment à travers la certification de puces dites "trusted chips" - mais ne fait aucune référence au réemploi comme stratégie industrielle, pourtant essentielle pour compléter cette démarche.

Les effets de cette politique ne seront visibles qu’à moyen terme et nous devons préserver dès aujourd’hui notre souveraineté sur les technologies les plus critiques : cybersécurité, défense, spatial, calcul quantique. À l’image des batteries, une autre stratégie, complémentaire, peut être activée : le réemploi des composants électroniques. En 2022, près de 80 % des déchets d’équipements électriques et électroniques ont été mis au rebut dans le monde - ordinateurs, téléphones, véhicules, drones... Or ils contiennent des composants encore pleinement fonctionnels : processeurs, mémoires, cartes mères.

Le réemploi dans les semi-conducteurs reste aujourd’hui embryonnaire : il n’existe pas encore de filière structurée, et les cas d’usage relèvent davantage de l’expérimentation que de l’industrialisation. Les composants électroniques ne sont pas conçus pour être démontés, requalifiés ni réutilisés individuellement, ce qui limite fortement leur potentiel de réemploi.

Des voitures aux satellites, des drones aux smartphones, des data centers aux applications d’intelligence artificielle, les semi-conducteurs sont devenus le socle de toutes les technologies modernes.

À ce stade, ce sont donc les cartes mères entières qui peuvent être réemployées, comme le montre l’initiative de la start-up belge Citronics, qui reconditionne des micro-ordinateurs à partir de smartphones usagés. Elle participe au projet NeoCircuit Router, piloté par Deutsche Telekom, aux côtés de partenaires tels que Fairphone, Infineon ou Evonik.

Le prototype atteint un taux de circularité de 70 %, en réutilisant cartes mères, processeurs et mémoires issus de produits électroniques mis au rebut.

Ce type d’approche, bien qu’encore marginale, ouvre un champ de possibilités pour certains usages à criticité moindre ou dans des contextes de guerre, comme les drones militaires.

Cette évolution impose une double exigence. À court terme, il s’agit d’engager un travail d’éco-conception, afin de permettre le démontage des composants sur les cartes mères en vue de leur réutilisation. À moyen terme, il est indispensable de structurer une R&D industrielle dédiée, pour que les composants soient conçus pour être éligibles au réemploi dès leur design.

Ce travail d’ingénierie industrielle ouvre la voie à une logique complémentaire : il ne s’agit pas de remplacer toute la production neuve, mais de reconnaître que la réutilisation de cartes mères aujourd’hui - et de composants demain - peut devenir un pilier majeur de notre stratégie de résilience industrielle.

Faire de la Reuse Economy une politique industrielle à part entière

Ni solution unique, ni panacée, la Reuse Economy s’impose aujourd’hui comme un levier stratégique, concret et immédiatement actionnable qu’il convient de renforcer. Elle permet de bâtir une autonomie industrielle fondée sur l’usage, l’allongement de la durée de vie des produits et de composants, et la valorisation raisonnée de ce que nous avons déjà.

Dans un contexte où la production neuve reste longue à activer et coûteuse, et où le recyclage suppose une transformation lourde qui permet de ne récupérer qu’une partie de la matière, le réemploi offre une troisième voie : plus rapide, plus sobre, plus résiliente. Il permet de conserver la valeur industrielle et fonctionnelle des composants ou des produits, de réduire les dépendances critiques, de relocaliser l’activité et de créer de l’emploi qualifié.

Cette logique est déjà à l’œuvre dans plusieurs secteurs, comme les batteries ou les composants électroniques, mais elle reste marginale. Des milliers de pièces, de produits et de savoir-faire dorment sur notre sol. Le vrai gaspillage, aujourd’hui, serait de ne pas les mobiliser.

Il est temps de reconnaître pleinement la Reuse Economy comme un pilier de notre stratégie de souveraineté économique et industrielle. Cela suppose une transformation systémique à l’échelle européenne : un cadre réglementaire qui fixe des objectifs clairs de réemploi ; des plans d’investissement à la hauteur de ceux consacrés à l’innovation ou au recyclage. Le réemploi doit ainsi être pleinement intégré aux dispositifs tels que France 2030, encore trop centrés sur la production neuve ou le recyclage.

Il est aussi essentiel d’inscrire cette ambition dans les politiques à venir, notamment dans le plan national de circularité que les États membres doivent élaborer en application de l’article 26 du Critical Raw Materials Act - un chantier en cours en France, où il sera essentiel de garantir un axe structurant dédié au réemploi. La révision prévue à mi-2026 du Règlement européen sur les puces représente également une opportunité majeure d’y intégrer le réemploi, aujourd’hui absent de ce texte stratégique.

À cela doivent s’ajouter le travail sur la conception et la standardisation pour faciliter la démontabilité et la réparabilité, des investissements fléchés, une commande publique exemplaire, des filières structurées et coordonnées…

Il est temps de reconnaître pleinement la Reuse Economy comme un pilier de notre stratégie de souveraineté économique et industrielle. Cela suppose une transformation systémique à l’échelle européenne.

C’est tout l’objet de l’Appel de Paris pour la Reuse Economy : fédérer une communauté d’acteurs industriels, institutionnels et citoyens autour d’un objectif commun. Faire du réemploi une véritable stratégie industrielle - et non une pratique résiduelle ou secondaire.

Il nous faut affirmer qu’une économie résiliente ne se construira pas uniquement avec du neuf, mais avec ce que nous avons déjà entre les mains - et que nous devons apprendre à faire durer, plutôt que de l’envoyer prématurément au recyclage ou au broyage.

Copyright image : Sameer Al-DOUMY / AFP
Un site de capture de CO2 à Haut-Lieu.

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