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31/05/2012

Retour à la retraite à 60 ans : est-ce la priorité ?

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Retour à la retraite à 60 ans : est-ce la priorité ?
 Gunilla Björner
Auteur
Ancienne responsable des relations institutionnelles de l'Institut Montaigne



Le gouvernement s’apprête à rétablir, à travers la publication d’un décret, la possibilité de partir à la retraite à 60 ans à taux plein pour les salariés ayant commencé à travailler tôt. Alors que la France accuse un déficit de compétitivité et qu’elle s’interroge sur son coût du travail, est-ce véritablement le moment d’introduire une telle mesure ?

En effet, s’il est absolument indispensable de repenser notre système des retraites, cette réforme doit avoir un caractère résolument structurel.

La réforme des retraites de 2010

La loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 a, entre autres, relevé l’âge légal (minimal) de départ à la retraite de 60 à 62 ans. En parallèle, la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite sans décote a été augmentée. Elle est par exemple de 41,5 ans (soit 166 trimestres) pour les assurés nés en 1955. L’âge auquel on obtient une retraite "à taux plein" (même si le nombre de trimestres validés est inférieur à la durée d’assurance de référence) a été relevé à 67 ans[1].

Le retour partiel à 60 ans : une réforme de la réforme

Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a promis de revenir sur la réforme de 2010, afin de permettre le retour à la retraite à 60 ans et à taux plein pour les assurés qui ont commencé à travailler tôt et qui ont cotisé la totalité de leurs annuités (41 années, soit 164 trimestres).

Pour tenir cette promesse, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a engagé une concertation avec les partenaires sociaux. L’objectif est de publier le décret nécessaire à la mise en œuvre de cette réforme avant l’été.

Cette mesure, qui doit être financée par une augmentation de la cotisation retraite de 0,2 point par an (+0,1 point sur la part salariale et +0,1 point sur la part patronale), devrait bénéficier à 100 000 personnes la première année, selon le gouvernement.[2]

Le coût de la réforme

L’Institut Montaigne, dans le cadre de son dispositif "Chiffrages - Déchiffrages 2012" des programmes des candidats à l’élection présidentielle, a estimé le coût net de cette mesure à 5 milliards d’euros par an à partir de 2017. La montée en charge du coût de la mesure serait progressive, de l’ordre d’un milliard d’euros par an entre 2012 et 2017.[3]

Une réforme structurelle est nécessaire

Pour garantir la pérennité de notre système de retraite par répartition, mais aussi pour le rendre plus compréhensible et plus équitable, une réforme structurelle, plutôt que paramétrique, est indispensable.

En vue du débat public sur la réforme du système des retraites qui doit être lancé en 2013, l’Institut Montaigne propose de mettre en place un régime national de retraite par répartition "unique, à la carte, et à cotisations définies". Cela implique :

- un régime national unique fonctionnant par points
Le système français comporte actuellement une quarantaine de régimes de retraite : une vingtaine de régimes "de base", et autant de complémentaires. Au nom de l’égalité de tous et de la clarté du système, nous proposons de fusionner tous les régimes de retraites par répartition au sein d’un régime national unique fonctionnant par points ;

- un système à cotisations définies
Afin d’éviter un accroissement du déficit du système de retraites par répartition, celui-ci doit fonctionner "à cotisations définies", c’est-à-dire distribuer des pensions aux retraités qui proviennent d’un fonds alimenté par les cotisations prélevées sur les actifs d’aujourd’hui, à un taux raisonnable.

Passer d’un système "à prestations définies" à un système "à cotisations définies" permet également de ne pas "sacrifier" les générations futures. Il s’agirait d’une démarche politique courageuse non électoraliste puisqu’elle impliquerait de protéger les intérêts de personnes qui ne sont pas encore en âge de voter, voire qui ne sont pas encore nées.

- une retraite à la carte avec neutralité actuarielle
En instaurant une retraite "à la carte avec neutralité actuarielle", le salarié peut choisir l’âge auquel il souhaite prendre sa retraite, sans que cela ne nuise ni à ses concitoyens, ni au système de retraites dans son ensemble. Concrètement, plus une personne partira tard, plus elle aura cotisé pour sa retraite, et plus sa pension sera importante. La personne concernée est en soi la plus à même de décider du moment optimal pour cesser son activité professionnelle.

Enfin, pour garantir la solidarité de notre système de retraites, l’Institut Montaigne propose de mettre en place une pension minimale garantie pour les personnes à faibles niveaux de retraite.

Pour que la prochaine réforme des retraites soit une réussite, elle doit garantir l’équité et la pérennité financière du système. Elle doit également réunir un consensus politique suffisamment large pour pouvoir survivre aux changements de majorité. D’autres pays ont réussi à relever ce défi. Pourquoi la France n’en serait-elle pas capable ?

Pour en savoir plus :

- Écouter l'interview de Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne, sur BFM Business TV "Le 12-15", le 29 mai 2012.

- Consulter le site "Chiffrages - Déchiffrages 2012" de l'Institut Montaigne

Les publications de l’Institut Montaigne

- Retraites : deux chantiers à ouvrir d'urgence, (par Jacques Bichot), Institut Montaigne, août 2011.

- Réformer les retraites : pourquoi et comment, (par Jacques Bichot), Institut Montaigne, juin 2010.

- Réforme des retraites : vers un big-bang ?, (par Jacques Bichot), Institut Montaigne, mai 2009.

Notes

[1] Source : Décret n° 2011-916 du 1er août 2011 relatif au nombre de trimestres d’assurance nécessaire pour un assuré né en 1955 pour obtenir une retraite à taux plein ; Décret n° 2011-2034 du 29 décembre 2011 relatif à l’âge d’ouverture de la retraite.

[2] Protection sociale : les attributions des différents ministères publiées au Journal officiel du vendredi 25 mai 2012, dépêche AEF n°167088, le 25 mai 2012.

[3] Chiffrages - Déchiffrages 2012

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