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28/12/2010

PISA 2009 et les pays qui réussissent : comment font-ils ?

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PISA 2009 et les pays qui réussissent : comment font-ils ?
 Maylis Brandou
Auteur
Directrice adjointe

Outre l'entrée triomphante d'économies partenaires de l'OCDE telles que Shanghai ou Hong Kong au classement PISA 2009 - qui occupent les premières places en lecture, en mathématiques et en sciences - certains pays européens ont réussi à tirer leur épingle du jeu. C'est le cas par exemple de l'Allemagne et du Portugal.

  • L'Allemagne et le Portugal ont améliorié :

- leurs performances en lecture entre 2000 et 2009 de plus d'une dizaine de points, là où la France (passant de 505 à 493 sur l’échelle PISA qui s’étend de 380 à 560) en perd 9,
- leurs performances en mathématiques entre 2003 et 2009 de 27 points pour le Portugal et de 10 points pour l'Allemagne (désormais au-dessus de la moyenne OCDE, ce qui n'était pas le cas en 2003), là où la France (passant de 511 à 497) perd 14 points,
- la performance des élèves les plus en difficulté sans pour autant faire baisser le niveau des meilleurs, là où la France voit sa proportion d'élèves en difficulté augmenter de 33%. Les élèves les moins performants représentent désormais 20% d’une classe d’âge, tandis que l'écart se creuse encore plus avec les plus performants.

Ces deux pays sont d'autant plus intéressants qu'ils illustrent le fait qu'il n'y a pas de fatalité, et que nous ne sommes condamnés ni à la médiocrité, ni à la fracture sociale et scolaire. Les exemples de pays qui nous ressemblent ayant mis en œuvre des réformes efficaces existent.


  • Le "PISA schock" allemand

En-dessous de la moyenne des pays de l'OCDE lors des premières enquêtes internationales PISA réalisées en 2000, l'Allemagne, convaincue de la réussite de son système éducatif jusqu'alors, a vécu l'annonce de ces résultats comme un traumatisme. Le fameux "PISA schock" aura eu le mérite d'aboutir très rapidement à un véritable consensus national, les partis ayant décidé de mettre en commun leurs agendas politiques en matière d'éducation, notamment suite à la mobilisation massive des média et de l'opinion publique.

En décembre 2001, la Kultusministerkonferenz (la Conférence permanente des ministères de l'Éducation et des Affaires culturelles des Länder) publie un document formulant un certain nombre de priorités, parmi lesquelles :

1. Améliorer les compétences langagières dès l'école maternelle, notamment pour les enfants issus de l'immigration
2. Renforcer le lien entre le secteur de la petite enfance et l'école primaire
3. Repenser l'enseignement à l'école primaire et améliorer les performances en lecture, en culture mathématique et en culture scientifique
4. Investir dans l'éducation des enfants issus de milieux défavorisés, notamment les enfants issus de l'immigration
5. Développer la qualité de l'enseignement et des écoles en se basant sur de nouveaux standards et sur des évaluations rigoureuses
6. Renforcer la formation des enseignants notamment en insistant sur les compétences de diagnostic et de méthodes

En moins de dix ans, l'Allemagne a considérablement réformé son système éducatif de sorte qu'elle fait partie des pays "qui réussissent" (successful) avec Singapour, le Japon, le Canada, le Brésil, et la Finlande. Parmi les « leçons de l'Allemagne » que l'OCDE met en avant, notons :

- Des enseignants d'excellent niveau : les enseignants allemands proviennent du premier tiers des diplômés issus des meilleures universités du pays. Leur formation est considérée par l'OCDE comme plus intensive et plus complète que dans la plupart des autres pays. Les futurs enseignants doivent par exemple recevoir la formation nécessaire pour être en mesure d'élaborer des diagnostics spécifiques des élèves en difficulté.

- Réaliser des benchmarks internationaux et miser sur la transparence : après Pisa 2000, l'Allemagne a missionné des équipes dans divers pays afin de comparer des les systèmes éducatifs et leurs bonnes pratiques. En outre, l'évaluation et la culture du résultat sont devenus les outils incontournables pour une meilleure transparence du système éducatif.

- Mettre en place un socle commun de compétences ainsi que des standards de performance communs à tous les Länders.


  • Le consensus portugais

En 2000, le Portugal figurait parmi les pays les moins performants de l'OCDE en lecture, avec une proportion d'élèves en grande difficulté (niveau inférieur à 2 sur l'échelle de PISA) parmi les plus élevées de l'OCDE. En mathématiques, les résultats PISA 2003 étaient eux aussi catastrophiques : un tiers des étudiants se trouvaient en grande difficulté (en-dessous du niveau 2 sur l'échelle PISA).

Les résultats aux tests PISA 2003 et 2006 ont été pris très au sérieux au Portugal : les décideurs publics ont ouvert de grands chantiers de réformes visant à élever les performances des élèves, mais aussi à réduire les inégalités sociales en améliorant les conditions d'apprentissage pour les populations les plus défavorisées. Ils ont, eux aussi en quelque sorte vécu un PISA schock. Le sursaut est venu en 2005, année au cours de laquelle le ministère de l'Education a lancé un grand débat national aboutissant à un plan d'action pour les mathématiques, suivi en 2006 d'un plan national pour la lecture.

Le cœur de la réforme de 2005 réside dans la certitude que l'amélioration de l'efficacité et de la qualité du système éducatif dépend de l'amélioration de l'équité. Plus de ressources ont donc été allouées aux familles les plus défavorisées, notamment en améliorant l'accès à internet, au numérique, à l'apprentissage de l'anglais, à des activités extrascolaires. Ces mesures ont été mises en œuvre de la première année d'école primaire jusqu'à la fin du secondaire.

Autre changement dans la politique éducative portugaise : la formation des enseignants a été renforcée dans les trois matières fondamentales que sont la langue portugaise, les mathématiques et les technologies de l'information. Tout comme en Allemagne, la transparence a été érigée au rang de priorité, notamment dans l’évaluation des enseignants et des écoles, ce qui a induit un changement de pratique de la part des enseignants. Leur perception des évaluations externes telles que PISA a évolué positivement. Le management des écoles a également été réformé, laissant de véritables marges de manœuvre à des directeurs dont l'autonomie a été accrue.

Excellence de la formation et qualité des enseignants, autonomie des équipes pédagogiques, socle commun de compétences, culture du résultat et évaluations transparentes sont autant de caractéristiques partagées par ces systèmes qui n'ont pas eu peur de se lancer dans des processus de réforme complexes. La volonté politique est la clé de ces processus réussis : seul un consensus national dépassant les clivages partisans nous permettra de mettre en œuvre les réformes nécessaires d'ici à la prochaine étape, PISA 2012.

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