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25/02/2014

Etudes de médecine : faciliter la diversité des origines sociales

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Etudes de médecine : faciliter la diversité des origines sociales
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45 % des médecins en activité sont issus de catégories socioprofessionnelles supérieures, et seulement 8 % d'une famille d'ouvriers (*). Ces chiffres reflètent la très faible ouverture des études de médecine aux étudiants issus de milieux populaires. Or cette reproduction sociale est en partie liée à la sélection drastique qui s'opère à l'issue de la première année de médecine ; sélection encore renforcée par l'évolution des modalités de recrutement.

Comme l’Institut Montaigne le soulignait dans un rapport récent, Accès aux soins : en finir avec la fracture territoriale, les études de médecine coûtent cher. Bien que ces études soient très largement prises en charge par l’État, encore faut-il pouvoir assumer la charge financière d’études longues qui engendrent des coûts annexes (logement, nourriture, transport et fournitures). Plus encore, l’ANEMF (association nationale des étudiants en médecine de France) rappelle que 75 % des étudiants de 1ère année auraient recours à une "prépa privée" pour se préparer au concours [1], prépa dont le coût varie entre 1 000 et 3 000 euros annuels.

Le cas très concret de deux jeunes boursières de l’association "Promotion des Talents" [2] témoigne de la difficulté de ce système pour les jeunes qui ne disposent pas des moyens de suivre une prépa privée. Ainsi, ces deux boursières ont obtenu brillamment un bac scientifique : l’une avec 19 de moyenne, l’autre avec 15. Mais, lors des épreuves de sélection de janvier, elles se situent très en dessous de la "barre" et n’ont désormais plus aucune chance de devenir médecin. Elles se voient donc contraintes de se réorienter vers d’autres formations.

Nous sommes revenus vers elles afin d’essayer d’identifier les obstacles auxquels elles avaient dû faire face : malgré la bourse "Promotion des Talents", elles ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour suivre une "prépa privée". Effectivement, l’épreuve de sélection consiste en des QCM qui n’ont rien à voir avec la culture générale, l’esprit scientifique ou le raisonnement, il s’agit pour réussir d’être suffisamment entraîné. Or, les cours privés excellent dans ce "bachotage", contrairement à la faculté de médecine.

Tout cela traduit le poids écrasant de l’origine sociale de l’étudiant dans sa capacité à suivre des études de médecines et remet en cause l’égalité des chances. N’est-il pas temps d’organiser la sélection des études médicales sur le modèle des classes préparatoires ? Sous l’égide des facultés de médecine, on pourrait envisager une préparation d’un an – avec une sélection sur dossier à l’entrée, comme pour les classes préparatoires – ouvrant sur un concours national ou régional, passé à la fin de cette première année.

Le rapport Accès aux soins : en finir avec la fracture territoriale proposait de mettre en place des procédés de recrutement via des conventions avec des lycées en zone rurale ou en zone urbaine sensible, afin de diversifier l’origine sociale et géographique des médecins. Cette opération de repérage, de suivi et de soutien des meilleurs éléments pourrait s’inspirer des "conventions éducation prioritaire" (CEP) mises en place par Sciences Po Paris pour diversifier les origines sociales de ses étudiants.

(*) DREES, "L’origine sociale des professionnels de santé", Études et résultats, juin 2006.

Notes

[1] L’étudiant.fr, "Médecine : pourquoi passer (ou ne pas passer) par une prépa privée ?", 2012.

[2] Cette association alloue une trentaine de bourses en complément des bourses CROUS, pour permettre à de jeunes étudiants talentueux issus de milieux modestes de s’orienter vers des études longues. Depuis la création de cette association en 2006, 2 boursières ont été admises à l’ENS ULM, un boursier à Polytechnique et de nombreux boursiers dans les grandes écoles de commerce (HEC, ESSEC) ainsi qu’à SciencesPo.

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