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18/01/2011

Emploi des jeunes : le plaidoyer de l’Institut Montaigne

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 Maylis Brandou
Auteur
Directrice adjointe

Troisième volet de notre partenariat avec l'Etudiant/Educpros.fr.

Alors que Valérie Pécresse souhaite instaurer davantage de professionnalisation au sein du cursus licence, l'Institut Montaigne revient sur son rapport « 15 propositions pour l'emploi des jeunes et des seniors » paru en septembre 2010.

En ce début d'année 2011, le chômage est la préoccupation première des Français. Cette crainte touche 81 % des personnes interrogées par l'institut Harris Interactive (1). Seuls 14 % d'entre eux se disent optimistes quant à la capacité du gouvernement à agir en faveur de l'emploi.

Selon l'INSEE, le taux de chômage en France métropolitaine était de 9,3 % de la population active au troisième trimestre 2010. Quant au taux de chômage des 15-24 ans, il a atteint 25 % au troisième trimestre 2010 (2) (pour mémoire, les lycéens et les étudiants ne sont pas comptabilisés dans les statistiques de l'emploi).

Or, au sein de cette classe d'âge, un très fort clivage existe entre les parcours académiques : les diplômés des écoles de commerce et des écoles d'ingénieurs ne représentent que 4 % d'une génération et affichent un taux de chômage de seulement 5 % trois ans après la fin de leurs études. À l'inverse, sur les 17 % de jeunes sortis du système éducatif sans diplôme, 32 % sont chômeurs trois ans plus tard. Ou encore, sur les 17 % ayant en poche un CAP ou un BEP, 17 % d'entre eux sont encore au chômage à l'issue de la même période. La corrélation entre niveau d'études et accès à l'emploi demeure donc très forte (3).

Ainsi, l'emploi des jeunes est un vaste chantier qui regroupe et masque des réalités très différentes, allant des non diplômés, en passant par les peu qualifiés, jusqu'aux bac + 3, + 4 ou + 5, chaque catégorie devant faire face à des difficultés spécifiques pour réussir son insertion sur le marché du travail. Proposer des mesures et des dispositifs en fonction des profils des jeunes (sans diplômes, peu qualifiés, décrocheurs, techniciens supérieurs, licenciés, bac + 4 et bac + 5...) permettrait de mieux répondre à la fois à la demande de ces jeunes et à celle des secteurs qui les recrutent.

Penser des mesures en fonction des profils : l'exemple de la licence professionnalisante

Le 17 décembre dernier, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a annoncé qu'elle présentera prochainement une nouvelle organisation de la licence dans l’optique d’en faire « un diplôme de référence pour l'emploi ». La ministre a notamment souligné que la deuxième année de licence devra comprendre « systématiquement un semestre de professionnalisation ». Il pourra être l'occasion d'effectuer un stage et permettra à l'étudiant de « faire le lien entre les savoirs et les compétences acquises et les métiers qui leur correspondent ». Pour Valérie Pécresse, il s'agit de prévoir « un temps long de maturation et d'affirmation du projet professionnel de l'étudiant ». La troisième année sera celle du « renforcement disciplinaire, de la spécialisation et du choix de la poursuite d'études ou de l'insertion professionnelle ».

Dans son rapport « 15 propositions pour l'emploi des jeunes et des seniors », publié en septembre 2010, l'Institut Montaigne a rappelé plusieurs des problèmes qui freinent la reconnaissance de la licence comme échelon pertinent pour accéder directement au marché du travail :

  • un modèle universitaire qui demeure trop éloigné de l'entreprise, particulièrement au niveau de la licence et pour certaines filières, comme les sciences humaines et sociales ;
  • l'absence quasi totale à bac + 3 d'une offre de formation organisée selon le principe de l'alternance ou comportant des stages ;
  • enfin, les études supérieures françaises s'illustrent par l'hégémonie du bac + 5. Ainsi, la prégnance du statut de cadre obtenu par les diplômés à bac + 5 (grandes écoles et masters), alors que les diplômés à bac + 2 ou bac + 3 ne sont toujours que 11 % à l'avoir décroché après sept ans de vie active.

Ce même rapport recommande de valoriser la licence pour faire de ce diplôme un passeport pour l'emploi :

  • en créant dans toutes les licences une séquence terminale professionnalisante ;
  • en instaurant une sélection en première année de master et non plus en seconde année ; le système actuel laisse penser aux licenciés qu'ils pourront facilement obtenir un master, ce qui n'est pas vrai compte tenu du caractère sélectif de la seconde année, et les dissuade d'entrer directement sur le marché du travail ;
  • en communiquant massivement sur le caractère opérationnel et prestigieux de ces cursus, d'une part, ainsi que sur la possibilité de retour ultérieur aux études, d'autre part.

À l'heure où le gouvernement entend faire de l'emploi des jeunes une « vraie priorité » et où des discussions avec les partenaires sociaux sont en cours, d'autres propositions formulées par l'Institut Montaigne sont opérationnelles immédiatement :

Généraliser l'enseignement par alternance

Généraliser l'enseignement par alternance à tous les échelons de la formation initiale et accroître de 100.000 unités le nombre d'étudiants en alternance à l'université. Les formations par alternance via les contrats d'apprentissage ou les contrats de professionnalisation doivent être généralisées tant dans l'enseignement secondaire que dans l'enseignement supérieur. L'objectif d'accroissement du nombre d'étudiants en alternance peut être décliné comme suit :

  • organiser par alternance la dernière année de toutes les licences professionnelles ;
  • offrir systématiquement aux étudiants dans chaque université la possibilité d'effectuer la seconde année de master par alternance ;
  • mobiliser les entreprises pour développer l'alternance au sein des licences générales dans les secteurs lettres, sciences humaines, droit et sciences économiques ;
  • inciter l'ensemble des fonctions publiques à accueillir des étudiants-apprentis.


Rendre employables les jeunes décrocheurs, sortis sans diplôme ou sans qualification du système éducatif

Premières victimes du chômage, ils sont 32 % à rester sans emploi trois ans après leur sortie du système scolaire. Concrètement, il s'agit :

  • d'attribuer un tuteur lors de l'inscription d'un jeune peu qualifié au Pôle emploi, dans une mission locale ou lors de la sortie du système scolaire ;
  • d'obliger ces jeunes, après une durée de six mois de chômage, à suivre un processus d'orientation qui devra privilégier les formations conduisant à l'emploi (artisanat, middle management). Le choix de la formation serait validé par le tuteur. La formation en alternance étant le meilleur moyen de s'insérer dans le monde du travail pour ces jeunes – 64 % des apprentis sont en emploi sept mois après leur sortie du système scolaire –, l'État devrait verser une allocation de 300 € par mois au cours de la phase d'apprentissage.


Développer l'apprentissage et l'alternance diplômants dans l'entreprise

Trop peu d'entreprises offrent des formations validées par un diplôme ou des qualifications reconnus par l'État, comme le permet la validation des acquis de l'expérience (VAE). L'exemple du « Campus Veolia » pourrait être repris par d'autres grands groupes. En établissant des partenariats avec l'Éducation nationale, les chambres de commerce et d'industrie et les universités, Veolia a mis en place une vingtaine de cursus délivrant des diplômes reconnus par l'État, allant du CAP au master.
Ces propositions doivent permettre de lever certains obstacles à l'insertion des jeunes, de repenser leur orientation scolaire ainsi que leur formation en prenant véritablement en compte la variété des profils. Il faut cependant aller plus loin et être plus ambitieux.

(1) Réalisé pour RTL et publié dimanche 2 janvier 2011.
(2) Au sens du Bureau international du travail (BIT).
(3) Source : graphique extrait du rapport de l’Institut Montaigne « 15 propositions pour l’emploi des jeunes et des seniors », septembre 2010.

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