AccueilExpressions par MontaigneCOP30 : le multilatéralisme sur la corde raideLa plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne Environnement05/11/2025ImprimerPARTAGERCOP30 : le multilatéralisme sur la corde raideAuteur Joseph Dellatte Responsable de projets et Expert Résident - Climat et énergie La COP30 s’ouvre le 6 novembre à Belém, alors que la gouvernance multilatérale est devenue un lieu de rivalité plutôt que de collaboration face à l'urgence de la transition. Les États-Unis ? Absents. L'Europe ? En étendant le recours aux crédits carbone, elle cède à la tentation de payer les autres pour qu'ils fassent les efforts à sa place, au risque de mettre à mal les transformations structurelles indispensables à sa compétitivité industrielle. La Chine ? Son ambition est trop faible, dans un climat de guerre économique. Belém peut-elle néanmoins réussir ?La COP30 s’ouvre en pleine instabilité climatique et alors que la confiance dans les capacités de succès de la gouvernance multilatérale s’érode. Le choix de Belém pour accueillir cette trentième conférence des parties est un symbole fort - la ville est à l’orée de l'Amazonie, cœur battant de l’écosystème mondial et puits de carbone majeur - qui contraste, d’un point de vue plus pratique, avec l'inaccessibilité de la ville. Les défis logistiques et la fragmentation politique du sommet résument bien les contraintes qui façonnent désormais l'action climatique internationale.La COP30 est une troisième étape cruciale pour l'Accord de Paris. C’est là que les pays sont censés mettre à jour et renforcer leur Contribution Déterminée au Niveau National (CDN, plans nationaux d'action climatique non contraignants élaborés par chaque pays pour remplir les objectifs des accords de Paris), marqueur de leur ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, fin octobre, seule une minorité de pays avaient soumis des engagements révisés. La majorité des émissions mondiales ne sont pas prises en charge par des objectifs crédibles ou mis à jour pour 2035. La promesse centrale des accords de Paris - rehausser progressivement l'ambition climatiques tous les cinq ans - est fortement mise à l’épreuve.De plus en plus, la diplomatie climatique est une arène où les pays se livrent une rude concurrence, ce qui en reconfigure les priorités : rivalité pour le leadership dans les technologies propres, l'avantage commercial, l'accès aux matières premières critiques, l'influence géopolitique et le financement climatique. Sans compter que cette fois, le désengagement du gouvernement fédéral américain n'est pas seulement passif ; il se mue en une opposition active à l'action climatique collective.Dès lors, quel est l’objectif de la COP30 ? S’agit-il simplement de préserver le multilatéralisme, ou le sommet peut-il encore être celui d’une ambition renouvelée ?La diplomatie climatique est une arène où les pays se livrent une rude concurrence, ce qui en reconfigure les priorités : rivalité pour le leadership dans les technologies propres, l'avantage commercial, l'accès aux matières premières critiques, l'influence géopolitique et le financement climatique.La réponse dépendra fondamentalement de l'Europe, de la Chine et du Brésil. Ensemble, ils sont responsables de plus de 40 % des émissions mondiales et exercent de fait une influence décisive sur la trajectoire de l'Accord de Paris. Le succès de la COP30 reposera sur la capacité de ces trois pays à articuler leur trajectoire de décarbonation, mais aussi à façonner les conditions de coopération et de concurrence pour la politique climatique de la prochaine décennie.Un cycle de CDN faibles et un mécanisme de révision érodéL’Accord de Paris stipule que les CDN de 2035 doivent répondre à l'impératif scientifique, issu du premier Bilan Mondial, d’une réduction de 60 % des émissions mondiales de GES entre 2019 et 2035 pour maintenir l'objectif de 1,5°C "à flot". Le rapport de synthèse de la CCNUCC présente un tableau mitigé et insuffisant :À début novembre 2025, seulement 69 pays - qui émettent 61 % du gaz à effet de serre dans le monde - ont soumis de nouvelles CDN. En incluant les objectifs annoncés mais non formellement soumis, les engagements respectifs de 98 pays (responsables d’environ 80 % des émissions mondiales) n'aboutiraient qu’à une réduction d'environ 10 % des émissions mondiales d'ici 2035.Si l’on s’en tient aux engagements actuels, les projections de température mondiale restent proches de 3,0°C d'ici 2100 - loin de l’objectif de Paris. L'écart d'ambition actuel n'est pas seulement une question d'objectifs d'émissions insuffisants ; il reflète des dynamiques structurelles et politiques plus profondes. Dans plusieurs économies avancées, la politique climatique est devenue un point de cristallisation politique qui alimente la polarisation électorale et ralentit la mise en œuvre des mesures précédemment convenues. En parallèle, dans de nombreuses économies émergentes, le ralentissement de la croissance, conjugué à des conditions budgétaires plus strictes, a limité la capacité à investir au rythme requis dans des infrastructures à faible émission de carbone.Dès lors, la COP30 se présente moins comme un moment d'accélération collective que comme un sommet de défense des acquis, où il s’agirait de préserver l'architecture de Paris plutôt que d’augmenter les ambitions.Dans le même temps, les gouvernements de toutes les régions privilégient de plus en plus la compétitivité économique, la sécurité nationale et la cohésion sociale par rapport aux objectifs climatiques à long terme, requalifiant la décarbonation comme une source de vulnérabilité plutôt que comme un avantage stratégique. Dès lors, la COP30 se présente moins comme un moment d'accélération collective que comme un sommet de défense des acquis, où il s’agirait de préserver l'architecture de Paris plutôt que d’augmenter les ambitions.Le leadership de l'Europe sous pressionL'Union européenne se présente toujours comme le pilier de l'ambition climatique mondiale. Pourtant, sa crédibilité diplomatique est affaiblie par des désaccords internes sur son nouvel objectif climatique pour 2040, qui est structurellement lié à la CDN européenne qui couvre l'horizon 2035.En juillet, la Commission a proposé une réduction de 90 % des émissions d'ici 2040, en la présentant explicitement comme la base quantitative de la CDN post-2030 de l'UE. Cet objectif est devenu l'objet d'une intense contestation politique :La France a obtenu des concessions sur le nucléaire (qu’il soit reconnu comme une énergie qui répond à l'objectif de neutralité climatique de l'Union Européenne), la flexibilité sectorielle et l’utilisation des crédits carbone internationaux.L'Allemagne fait face à l’opposition de son industrie, qui refuse l'élimination progressive des quotas gratuits d’émission du SEQE (système d'échange de quotas d'émission de l'UE), la mise en œuvre du MACF (Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières), et au-delà, l'interdiction des ventes de nouveaux moteurs à combustion d'ici 2035.Plusieurs États membres (Pologne, Hongrie, etc.) refusent les contraintes en raison de tensions politiques et économiques intérieures.En amont de la COP30, les négociations du Conseil ont moins porté sur l'ambition de nouveaux objectifs que sur les conditions qui permettraient de tenir les objectifs existants : flexibilité sectorielle, incertitude sur l’efficacité des puits de carbone terrestres, élargissement des conditions d’utilisation des compensations internationales et garanties claire que les objectifs climatiques ne nuiront pas à la compétitivité industrielle ou aux priorités de défense.Dans ce contexte, la nouvelle CDN européenne juste entérinée par le Conseil marque un tournant stratégique. L’UE se prépare à utiliser les mécanismes de l’Article 6 - les crédits carbone internationaux - non seulement comme instruments de coopération mondiale, mais aussi comme leviers pour contenir le coût de réductions des émissions les plus difficiles à décarboner. L’UE s’est accordée sur un objectif de réduction de -90 % au niveau européen à horizon 2040, comprenant une obligation contraignante de -85 % pour chaque État membre, assortie d’une possibilité d’utiliser jusqu’à 5 % de crédits internationaux au niveau de l’UE. Au sein des cibles nationales de -85 % - mais en dehors des ETS 1 et 2 qui sont des objectifs collectifs - les États membres pourront également utiliser jusqu’à 5 % de crédits internationaux, sous réserve de l’approbation de la Commission. Cela signifie qu’au total, jusqu’à 6 % de l’objectif de -90 % pourrait être atteint via des crédits internationaux. Si ces crédits respectent une haute intégrité environnementale (20 euros/tonne), cela représenterait 5 à 6 milliards d'euros (20 euros/tonne) en achats de crédits en dehors de l'UE.Cela soulève deux questions stratégiques.Premièrement, dans quelle mesure l'UE peut-elle s’en remettre aux autres pays pour atténuer son empreinte climatique sans affaiblir la crédibilité de sa propre trajectoire de décarbonation ? Le plafond de 6 % (soutenu par la France et finalement adopté - à peu près équivalent aux émissions annuelles combinées de la Belgique et du Portugal) n'est pas qu’un détail technique. Il déterminera l’ampleur de la transformation industrielle de l'Europe, la visibilité des transferts financiers à l'étranger et la construction d’un récit européen en matière de diplomatie climatique.En amont de la COP30, les négociations du Conseil ont moins porté sur l'ambition de nouveaux objectifs que sur les conditions qui permettraient de tenir les objectifs existant.Deuxièmement, cette approche est-elle politiquement tenable, dès lors qu’elle implique des transferts importants et récurrents - qui s’apparentent à des rentes - des contribuables et des entreprises européens vers des pays tiers pour "payer" des émissions évitées ? Il faudrait qu’elle soit perçue comme un investissement pour la stabilité climatique mondiale, plutôt que comme une manière de s’exempter des investissements nationaux requis par la transition.D'un côté, l'article 6 peut rediriger le financement climatique là où les coûts d'abattement sont plus faibles et aider à construire des infrastructures à faible émission de carbone dans les pays partenaires. D’un autre, substituer des compensations externes à l'action nationale risque d'éroder les incitations vers les investissements nécessaires à la construction d’une base industrielle compétitive à faible émission de carbone, d'affaiblir la crédibilité du leadership climatique de l'UE et de compliquer la logique du Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), qui suppose la suppression progressive des quotas gratuits.Quoi qu’il en soit, même en prenant en compte l'utilisation de crédits internationaux, l'UE aborde la COP30 avec la CDN la plus ambitieuse parmi celles des autres grandes économies. Elle peut donc toujours revendiquer un leadership climatique. Mais à Belém, la crédibilité diplomatique dépendra moins de l'objectif de réduction en lui-même que de la cohérence et de la détermination avec lesquelles l'UE cherche à élever l'ambition mondiale. Chine : une grande capacité mais un engagement a minimaLa Chine aborde la COP30 dans une position paradoxale. Elle est désormais le moteur incontesté de l'économie propre ; elle domine les chaînes d'approvisionnement mondiales dans le solaire, l'éolien, les véhicules électriques et les batteries. Sa politique industrielle est structurellement alignée sur la transition énergétique.Et pourtant, la CDN qu’elle vient d'annoncer est remarquablement conservatrice :Une réduction de 7 à 10 % des émissions nettes de GES d'ici 2035 mais à partir d'un pic non spécifiéUne expansion de la capacité éolienne et solaire à ~3 600 GW et une augmentation de la part d'énergie non fossile dans la consommation d'énergie à plus de 30 % d'ici 2035 - des objectifs impressionnants par leur échelle, mais qui sont en fait inférieurs au rythme de la trajectoire de déploiement actuelle de la Chine, et signalent donc une consolidation plutôt qu'une accélération.Une expansion de son ETS national (Emissions Trading System, Système d'échange de droits d'émission) et une augmentation de la pénétration des véhicules électriques. Cet engagement de la Chine est loin d'être suffisant pour atteindre l’objectif des 1,5°C. Les travaux scientifiques estiment plutôt qu’il faudrait :-30 % d'ici 2035 pour l’objectif de 1,5°C,-20 % pour une trajectoire crédible vers l’objectif de 2°C. De plus, la Chine a omis tout nouvel engagement concernant l'élimination progressive du charbon, qui aurait été le signal le plus significatif, sur le plan politique, qu'elle aurait pu envoyer. Au contraire, elle a continué d'augmenter sa capacité de production d'électricité au charbon, avec ~80 GW en construction en 2025 et plus de 300 GW autorisés depuis 2022. Même si les énergies renouvelables s'accélèrent massivement, elle n’a toujours pas commencé une dynamique de remplacement de ses actifs fossiles et reste dans une dynamique d’addition.Pourtant, la crédibilité de la Chine provient d’un autre ressort : la mise en œuvre plutôt que les objectifs. La diplomatie climatique chinoise insiste sur le caractère strictement national des engagements et résiste aux pressions extérieures en faveur de calendriers harmonisés. Pour la Chine, la COP30 n'est pas le lieu de nouveaux engagements phares. La priorité de Pékin est de sauvegarder la légitimité du cadre de Paris, de souligner les progrès qu’elle réalise d’elle-même en dehors de la pression internationale, et de façonner le récit mondial. Dans sa CDN mise à jour, la Chine réitère l'affirmation selon laquelle les pays développés doivent atteindre la neutralité carbone bien avant 2050 et assumer une plus grande responsabilité financière, tout en se présentant comme un défenseur de la coopération contre ce qu'elle qualifie de mesures commerciales et industrielles "unilatérales", risquant de distordre l'action climatique.Le message envoyé est triple : - Aux États-Unis (et en particulier à l'administration Trump) : Les États-Unis ne doivent pas tenter de faire dérailler la gouvernance climatique mondiale. - À l'Europe : le "de-risking" industriel ne doit pas se transformer en protectionnisme ciblant les biens de technologies propres ou les matériaux industriels à faible émission de carbone chinois. - Au reste du Sud Global : La Chine s’affiche en défenseur de la "justice climatique" et de la transition équitable.Dans le contexte actuel, la Chine apparaît comme un partenaire nécessaire et stratégique de la gouvernance climatique mondiale, cherchant à utiliser le multilatéralisme pour faire avancer, plus largement, ses intérêts économiques et diplomatiques. Pour Pékin, l'action climatique mondiale est le prolongement de sa stratégie industrielle et un levier d'influence économique internationale. La prudence de l’objectif qu’elle a affiché pour 2035 est le reflet des rapports de force géopolitiques et des priorités nationales du pays : sécurité énergétique et développement économique d'abord, ambition climatique ensuite.Jouer les intermédiaires, adopter des récits mobilisateurs, définir les priorités : le Brésil sur tous les frontsPays-hôte présidant la COP, le Brésil veut recentrer les négociations sur les forêts, la biodiversité et le financement de l'utilisation des terres ainsi qu’imposer la notion de "transition axée sur le développement". Il cherche aussi à empêcher une nouvelle érosion de la confiance entre le Nord et le Sud. La présidence brésilienne redonne aussi de l’importance aux mécanismes mondiaux de tarification du carbone, que Brasilia voit comme un moyen d'étendre les marchés internationaux de crédits carbone - dont le pays bénéficierait considérablement compte tenu de ses vastes ressources en puits carbones.La présidence brésilienne redonne aussi de l’importance aux mécanismes mondiaux de tarification du carbone, que Brasilia voit comme un moyen d'étendre les marchés internationaux de crédits carbone - dont le pays bénéficierait considérablement compte tenu de ses vastes ressources en puits carbones.À Belém, le Brésil dispose d’une plateforme pour présenter l'Amazonie comme un bien public mondial. Pourtant, cela met également en évidence le paradoxe au cœur de la politique climatique brésilienne : le pays possède un des systèmes électriques les plus propres du monde, mais soumet ses ressources forestières à une pression persistante et politiquement sensible.L'avantage stratégique du Brésil à la COP30 réside dans sa capacité à jouer les intermédiaires sur le plan diplomatique. Il maintient des canaux ouverts avec l'Europe, la Chine et les États-Unis, tout en étant considéré comme un interlocuteur crédible par les économies émergentes. Ce positionnement permet au Brésil de façonner le débat sur le Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NOCQ) sur le financement du climat, qui, pour la plupart des pays en développement, restera probablement le meilleur indicateur de la possibilité d'une coopération mondiale renouvelée.Le Brésil adressera un message sans ambages aux pays développés : vous voulez des objectifs plus ambitieux ? Alors, à vous de les financer. Cette position sera difficile à accepter pour Bruxelles, et elle mettra aussi Pékin sous pression pour qu'il clarifie la contribution qu'il est prêt à apporter au financement climatique. Pourtant, la Chine reste fermement attachée au maintien de son statut de "pays en développement" au sein de la taxinomie onusienne, à la fois pour des raisons de positionnement géopolitique et pour éviter les obligations financières qui incombent aux pays développés - ce qui, compte tenu de l'absence des États-Unis, limite l'espace pour parvenir à un accord de partage du fardeau.Financement, Commerce et hyper-politisation de la Coopération ClimatiqueUne fois de plus, le financement de la transition sera la question pivot de la COP30. Il constitue une ligne de fracture récurrente, jamais entièrement résolue. Le Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NCQG) doit être actualisé pour la période post-2030. L'accord obtenu lors de la COP29 (objectif ambitieux de 1 300 milliards de dollars de flux annuels de financement climatique et un minimum de 300 milliards de dollars par an en financement public d'ici 2035), est largement considéré comme insuffisant face à l'ampleur des investissements requis. Pour parvenir à l’objectif de +1,5°C, il faudrait entre 4 et 5 billions de dollars d'investissements annuels dans l'énergie propre d'ici 2030, soit environ le triple des niveaux actuels.Dans le même temps, l'économie politique du financement climatique a changé. La Chine est désormais un des principaux prêteurs mondiaux, mais continue de résister à ce qu’on lui impose des obligations formelles de financement climatique. L'Europe affirme qu'elle ne peut pas financer la transition seule, et presse de plus en plus la Chine de contribuer. Les États-Unis - qui devraient être le principal fournisseur de financement climatique international - seront, dans les faits, absents au niveau fédéral, même si la COP de Belém comptera un assemblage hétéroclite de philanthropes privés et d'acteurs venus d’États dirigés par des Démocrates. Ces efforts ne pourront compenser que partiellement le manque structurel des financements fédéraux et de volonté politique des États-Unis. Pendant ce temps, les tensions commerciales s'intensifient :La Chine fabrique désormais plus de 80 % des modules solaires mondiaux, 65 % des composants d'éoliennes mondiaux et plus de 70 % des batteries de véhicules électriques. Elle détermine donc les coûts mondiaux et la dynamique de la chaîne d'approvisionnement.Le MACF de l'UE - qui doit être mis en œuvre à partir de l'année prochaine - est dépeint non seulement comme un instrument climatique mais aussi comme un instrument de politique commerciale.Pékin interprète les initiatives européennes en matière de droits de douane appliqués aux véhicules électriques, l'antidumping solaire et les matières premières critiques comme une stratégie de confinement géoéconomique.De nombreux pays craignent que le paysage issu de la décarbonation ne conduise à remplacer une dépendance par une autre : la dépendance aux importations de combustibles fossiles changée en une dépendance aux importations de technologies propres. La COP qui ressort de ce panorama est une COP façonnée non seulement par les trajectoires d'émissions, mais par le commerce, la stratégie industrielle et les rapports de force économiques. La gouvernance climatique entre dans une phase où le levier du marché compte autant que le leadership moral.Une COP en mode survie ?Si les principaux acteurs font montre de prudence et privilégient des considérations politiques nationales, la COP30 risque de s'installer dans un scénario de minimalisme multilatéral. Cela signifierait une simple reconnaissance de l'écart d'ambition, sans aucun effort collectif pour réviser les CDN à la hausse. Les progrès seraient limités aux questions de procédure, et le cadre de Paris serait réaffirmé sans être renforcé de manière significative.Un tel résultat préserverait la forme institutionnelle de l'Accord de Paris, tout en sapant son cœur fonctionnel : le mécanisme de relèvement progressif des objectifs, censé rehausser l'ambition tous les cinq ans avec des effets de cliquet. Si ce mécanisme échoue au troisième cycle de CDN, sa crédibilité en tant que moyen d’aligner la politique avec la science sera gravement affaiblie.Dès lors, la trajectoire future des émissions mondiales dépendra moins des engagements multilatéraux que des stratégies industrielles et des rivalités géopolitiques. Les variables décisives se déplaceront vers les stratégies déployées par la Chine, les États-Unis et l'Europe - en particulier dans la concurrence des technologies propres, les mesures commerciales, la sécurité des chaînes d'approvisionnement et l'investissement dans la transition énergétique.Le centre de gravité de l'action climatique s'éloigne de la table des négociations pour se diriger vers la politique économique, la capacité industrielle et le pouvoir des marchés.En bref, le centre de gravité de l'action climatique s'éloigne de la table des négociations pour se diriger vers la politique économique, la capacité industrielle et le pouvoir des marchés.Belém va-t-elle se limiter à une pause diplomatique ?Le défi central de la COP30 sera de ne pas se résumer à gérer une stagnation de fait. Le monde ne manque ni de solutions technologiques ni de capitaux, et l’urgence est bien connue : ce qui manque, c'est un alignement politique entre objectifs climatiques et stratégie économique.La COP30, dans un "scénario idéal", capable d’instaurer de nouveau l’élan perdu, doit :Réaffirmer le mécanisme de rehaussement de l’ambition en invitant à des CDN renforcées avant 2027.Ancrer la crédibilité financière en clarifiant les voies vers le NCQG, incluant de nouveaux instruments de financement du développement.Reconnaître la concurrence comme une réalité structurelle, et articuler des principes pour des politiques industrielles juste et alignées sur le climat. Cette COP ne résoudra pas les conflits géopolitiques qui façonnent l'action climatique. Mais elle peut rappeler que notre système de relations internationales offre une arène fonctionnelle pour les négocier.Si Belém réussit, ce ne sera pas parce qu’on y aura signé des engagements révolutionnaires mais parce qu’on y aura maintenu en vie l'espace d’une gouvernance climatique collective dans un monde qui se dirige à toute allure vers sa fragmentation.Copyright image: Michael DANTAS / AFP Le fleuve Solimões, à Alvarães, dans l'État d'Amazonas, au nord du Brésil, le 16 avril 2025.ImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneJuillet 2025Cleantech : réduire nos dépendances stratégiques à la ChineL’UE vise la neutralité carbone d’ici 2050, mais reste dépendante de matériaux critiques dominés par la Chine. Cette note explore les enjeux géopolitiques et les leviers pour une souveraineté industrielle européenne durable.Consultez la Note d'action 18/09/2025 2035, 2040 : l’Europe à la recherche des objectifs climatiques perdus Joseph Dellatte Hugo Jennepin Reyero 05/06/2025 France-Brésil : le match gagnant d’un partenariat stratégique Alberto Maresca 25/11/2024 COP29 : entre l’Europe et la Chine, le grand marchandage Joseph Dellatte 12/11/2024 COP29 : Trump, Chine, financement et illusions Joseph Dellatte