Que peut-il se passer maintenant ? Il est difficile de ne pas craindre un bras de fer de plus en plus dangereux entre les "durs" des deux côtés. Beaucoup de paramètres vont cependant entrer en jeu. Trois d’entre eux en particulier méritent d’être surveillés :
- à quel renforcement des moyens militaires américains va-t-on assister ? Contrairement à ce dont l'administration Trump s’était vantée, ce qui vient de se passer montre que la "dissuasion" dans le Golfe n’est pas rétablie, face à un adversaire iranien qui de surcroît a manifestement développé des stratégies asymétriques. Les alliés de l’Amérique vont presser les Etats-Unis d’assurer la liberté de circulation dans une artère vitale pour les approvisionnements énergétiques de nombreux pays ;
- quelles mesures prendra Téhéran le 8 juillet lorsqu’arrivera à son terme l’ultimatum de 60 jours fixé dans son discours du 8 mai par le président Rouhani ? Une nouvelle étape vers une sortie progressive, sans doute d’abord ambiguë, de l’accord nucléaire (JCPOA) paraît inévitable. La question de l’attitude à avoir pour les autres signataires – Russie, Chine, Europe – va de nouveau se poser avec acuité ; les Américains attendent avec gourmandise une échéance qui devrait leur permettre de renforcer l’isolement de l’Iran ;
- quelles chances y a-t-il d’un retour de la diplomatie dans le contexte en train de se dessiner ? En dépit de tout, c’est une réponse nuancée qu’appelle cette question.
L’un des effets des incidents en mer d’Oman pourrait être de mettre en relief un dilemme au cœur de l’approche américaine : si Washington est conduit à faire monter les enchères sur le plan militaire, l’administration Trump va rapidement se trouver en contradiction avec son objectif de se désengager de la région (qui correspond aux attentes de l’opinion américaine). On ne voudrait pas pousser trop loin le paradoxe mais la montée des tensions dans le détroit d’Ormuz peut aussi s’assimiler – c’est une troisième lecture – à la mise en place de premiers jalons pour une nouvelle négociation. Certains dans l’administration Trump jouent avec l’idée de procéder, à un stade ultérieur de l’escalade, à des frappes sélectives sur des installations iraniennes de même nature que les frappes opérées en Syrie à deux reprises par les Américains à la suite du recours par le régime d’Assad à l’arme chimique. Le moins que l’on puisse dire est que la démonstration en Syrie n’a guère été concluante, et qu’en toute hypothèse l’Iran dispose de capacités stratégiques sans commune mesure avec celles du régime de Damas en état de survie artificielle.
Pour toutes ces raisons, les Américains pourraient au total être amenés à clarifier leur stratégie vis-à-vis de l’Iran, en précisant leur conception d’un JCPOA amélioré. Il serait dans ces conditions très important, en vue d’une éventuelle sortie de crise, que les Etats qui restent en contact avec Téhéran puissent faire valoir auprès des décideurs iraniens le dilemme auquel, de leur côté, ceux-ci ont à faire face : d’éventuels succès dans une confrontation militaire tacite avec les Etats-Unis (à coup d’opérations "niables" conformément à la doctrine stratégique iranienne) ne résoudraient pas pour autant leur problème de fond, qui n’est pas de nature sécuritaire mais plus prosaïquement économique et sociale. Dans les semaines qui vont venir, l’étranglement de l’économie iranienne par les Etats-Unis ne peut que s’intensifier – y compris par la mise en échec programmée depuis Washington de l’instrument INSTEX mis au point par les Européens pour sauvegarder certains échanges avec l’Iran.
Copyright : ISNA / AFP
Cette histoire vaut bien la frégate du Tonkin, les armes de destruction massive de Saddam ou les armes chimiques de El Assad
De la vulgaire provocation afin de justifier l'injustifiable
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