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13/02/2020

Municipales 2020 : la sécurité au cœur des préoccupations

Municipales 2020 : la sécurité au cœur des préoccupations
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne

Dans le cadre de notre opération de chiffrage des élections municipales et communautaires de mars 2020, nous offrons, pour chacune des onze plus grandes villes de France, une photographie de sa situation pour sept thématiques identifiées, à travers une série d’indicateurs. Ces derniers, rapportés à la population, permettent dans certains cas des comparaisons entre les villes. Nous proposons ici une synthèse des éléments tirés de cette analyse par ville en nous intéressant à l’un des principaux sujets de préoccupation exprimés par les citoyens à l’échelle de leur municipalité : la sécurité. Ces dernières années, l’existence de la menace terroriste, conjuguée à l’augmentation des atteintes envers les personnes et les biens, a conduit à une augmentation substantielle des moyens déployés pour garantir la sécurité des Français. À l’échelle nationale, après des années de baisse des effectifs de la police et de la gendarmerie inhérente à la mise en place de la révision générale des politiques publiques (RGPP), ces effectifs sont en hausse constante depuis 2013. Comment ce phénomène se traduit-il à l’échelle des onze villes étudiées ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces analyses locales ?

Que doit et que peut faire le maire en matière de sécurité ?

Le maire représente l’autorité de police administrative à l’échelle de la commune, sous le contrôle administratif du préfet. Il est doté de pouvoirs de police générale et veille au bon ordre, à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Le maire exerce ses pouvoirs de police en matière d’habitat, circulation, stationnement, protection des mineurs, environnement, urbanisme, activités professionnelles, réunions, loisirs, santé publique, funérailles et lieux de sépulture.

Pour honorer cette tâche, le maire peut prendre la décision de créer une police municipale.

Le maire est doté de pouvoirs de police générale et veille au bon ordre, à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques

Très récemment, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique est venue renforcer les pouvoirs de police des maires, en leur conférant davantage de moyens de sanction dans le cadre d’infractions simples (en matière d’établissements recevant du public, du côté de la police des débits de boissons ou encore en matière de constructions irrégulières).

Alors que l’ensemble des villes étudiées dispose d’une police municipale, la Ville de Paris fait figure d’exception, pour des raisons d’organisation administrative propres à la capitale. En effet, son régime est dérogatoire et le préfet de police, représentant de l’État, exerce ainsi les pouvoirs et attributions normalement confiés aux maires en matière de police municipale. Néanmoins, depuis la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, la mairie de Paris est désormais chargée du respect des règles en matière de salubrité publique ou de nuisances sonores et a ainsi acquis des pouvoirs de police de proximité.

La sécurité, premier sujet de préoccupation des Français au niveau local

La sécurité est au cœur des défis de notre société et l’exigence légitime des citoyens en la matière est croissante. Selon le baromètre "La Voix des Territoires" réalisé par Odoxa-CGI en octobre 2019 ("Vague 1 : Le maire, ce politique pas comme les autres"), la sécurité arrive en tête des thématiques que les Français jugent prioritaires pour le mandat qu’ils confieront à leurs futurs élus municipaux. Elle est particulièrement mise en avant par les habitants des grandes villes (46 % la jugent prioritaire, et 52 % en région parisienne). D’après la "Vague 2" ("Priorités des français, zoom sur la sécurité et l’environnement") de cette enquête, plus d’un Français sur deux (52 %) considère que les sujets de sécurité ne sont pas suffisamment abordés par les personnalités politiques et plus de trois Français sur quatre (77 %) considèrent que les maires ont le pouvoir d’agir sur la sécurité des biens et des personnes. Selon cette même enquête, les Français sont majoritairement (61 %) satisfaits de l’action de leur municipalité en matière de sécurité.

Les maires des grandes villes semblent avoir entendu ces attentes exprimées par leurs administrés. Ainsi, dans les onze plus grandes villes de France, les dépenses consacrées à la sécurité par habitant ont considérablement augmenté au cours de la dernière mandature : à Montpellier, Nantes et Marseille, elles ont ainsi crû respectivement de + 82 % (évolution depuis 2012), + 12,7 % (2014-2018) et + 8,9 % (2015-2018).

Le renforcement des polices municipales : une tendance forte

Établir un comparatif des plus grandes villes de France en matière de sécurité nécessite une approche prudente, tant elle relève d’un secteur d’action publique aux contours incertains. Plusieurs types d’agents, plusieurs actions et plusieurs services peuvent être mobilisés pour satisfaire aux exigences de prévention et de répression d’une insécurité devenue multiple. Cependant, il s’agit souvent de renforcer les polices municipales existantes. L’analyse menée par l’Institut Montaigne permet d’établir un état des lieux de l’importance accordée à la sécurité par ces municipalités, Paris étant néanmoins traitée comme un cas particulier.

Selon le rapport parlementaire D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale (septembre 2018), au 31 décembre 2016, les forces de sécurité intérieure comprenaient 242 707 personnels (policiers et gendarmes) ; parmi eux, 21 454 policiers municipaux. Disposer d’une police municipale est aujourd’hui un fait banal : toutes les grandes villes de France (à l’exception de Paris) en sont désormais dotées. Parmi les villes de plus de 100 000 habitants, seule Brest déroge à la règle.

Au 31 décembre 2016, les forces de sécurité intérieure comprenaient 242 707 personnels (policiers et gendarmes) ; parmi eux, 21 454 policiers municipaux.

Les effectifs, les modalités de fonctionnement, le périmètre des missions exercées et les équipements des policiers municipaux relèvent de la seule volonté du maire. Pour citer les auteurs de ce rapport, "l’hétérogénéité [de la police municipale] montre, s’il fallait le rappeler, que la police municipale est d’abord un outil au service de la sécurité qui est défini localement et qui ne saurait répondre à une typologie ou à une doctrine d’emploi unique". À titre d’illustration, notre analyse montre que parmi les dix plus grandes villes de France (hors Paris, donc), la moitié des municipalités seulement ont fait le choix d’armer leurs policiers municipaux : à Bordeaux, Lille, Montpellier, Nantes et Rennes, la police municipale n’est pas armée, tandis qu’elle l’est à Lyon, Marseille, Nice, Strasbourg et Toulouse.

Enfin, s’il existe bien des spécificités entre les villes étudiées, notre analyse dévoile une tendance claire et forte dans le sens d’un renforcement des polices municipales. Les effectifs de policiers municipaux ont crû pour les villes de Toulouse (+ 90 %), Montpellier (+ 43 %), Bordeaux (+ 20 %), Nantes (+ 15,6 %), Marseille (+ 9,8 %) et Nice (+ 8,5 %) lors des dernières années, depuis 2012 ou depuis le début de la mandature actuelle (2014-2018). Les effectifs de la police municipale lilloise n’ont en revanche que légèrement augmenté ; à Strasbourg, les effectifs du service de police municipale ont diminué de 12 % depuis 2014.

Un policier municipal pour 1 886,8 habitants en moyenne dans les 10 plus grandes villes françaises (hors Paris)

Avec respectivement, 438, 400, 338 et 330 policiers municipaux, Marseille, Nice, Lyon et Toulouse sont les villes disposant des plus gros effectifs de police municipale, en chiffres absolus. Un second niveau d’analyse permet d’établir le nombre de policiers municipaux par habitant. Les plus grandes villes de France s’accordent sur un ratio d’un policier pour 1 886,8 habitants en moyenne pour satisfaire aux exigences de proximité et de sécurité de leurs administrés au quotidien. Nice et Toulouse sont les deux villes les mieux dotées en matière de police municipale, avec respectivement un policier municipal pour 864 et 1 453 habitants. Rennes et Nantes sont celles qui présentent le moins de policiers municipaux rapportés à la population, avec respectivement un policier municipal pour 2 945 et  2 626 habitants.

La sécurité déjà au cœur de la campagne

La sécurité est une thématique qui imprègne déjà la campagne des prochaines élections municipales, ce particulièrement dans les plus grandes villes de France. Les Français semblent être particulièrement attentifs aux mesures visant à renforcer les dispositifs de sécurité présentées par les différents candidats. Selon ce sondage conduit par Odoxa, La Voix des Territoires, les actions visant à l’extension des compétences des policiers municipaux leur permettant d’intervenir dans les parties communes des immeubles, au développement des patrouilles d’agents en civil et à l’augmentation du nombre de caméras surveillance sont particulièrement plébiscitées par les citoyens.

L'augmentation des effectifs de la police municipale est l’une des propositions les plus couramment recensées parmi les programmes des candidats.

Des propositions phares en matière de sécurité ont émergé dans la grande majorité des villes étudiées. À Paris, l’hypothèse de la création d’une police municipale et, surtout, les débats portant sur l’étendue des missions qui lui seraient confiées, ont déjà électrisé le débat. Dans les autres villes, l’augmentation des effectifs de la police municipale est l’une des propositions les plus couramment recensées parmi les programmes des candidats : Thomas Cazenave, qui conduit la liste LREM bordelaise, a notamment déclaré vouloir augmenter l’effectif de la police municipale de 50 %.

Son concurrent Nicolas Florian, la Lilloise Violette Spillebout (LREM), le Rennais Charles Compagnon (sans étiquette) et la Nantaise Laurence Garnier (LR) vont jusqu’à proposer le doublement des effectifs. Le renforcement des dispositifs de vidéosurveillance irrigue aussi les programmes, dont celui de Martine Aubry à Lille (PS), du maire sortant Jean-Luc Moudenc à Toulouse, de la maire nantaise sortante Johanna Rolland (PS) ou du candidat lyonnais Etienne Blanc (LR). Le débat sur l’armement de la police municipale promet de même de cristalliser les oppositions politiques, entre les ardents défenseurs de l’armement, comme le Parisien et tête de liste LREM Benjamin Griveaux, les indécis, qui préfèrent l’idée de prendre le temps de la consultation et celui de la réflexion, comme Nicolas Florian (LR), et les adversaires de cette idée, comme le Lillois Stéphane Baly (EELV). Il s’agit aussi, dans de nombreuses villes, de créer davantage de brigades dédiées (transports, anti-squats, parcs, quartiers sensibles ou tranquillité publique).

Les programmes des candidats aux municipales sont encore en construction, et ce ne sont ici que leurs premiers échos, avec une liste non exhaustive des candidats et des villes. L’Institut Montaigne offrira, d’ici le début du mois de mars, un panorama complet des programmes des principales listes candidates, pour chacune des onze plus grandes villes de France, ainsi qu’un chiffrage de certaines propositions. Nul doute que le thème de la sécurité sera un déterminant important de différenciation électorale.

 

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Copyright : SEBASTIEN NOGIER / AFP

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