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19/06/2019

Mobilité et voiture individuelle : que se passe-t-il côté passager ?

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Mobilité et voiture individuelle : que se passe-t-il côté passager ?
 Manon Guyot
Auteur
Responsable des ressources humaines

Alors qu’elle vient tout juste d’être votée, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) provoque déjà des interrogations sur ce qu’elle va, ou non, changer dans le quotidien des Français. En termes de mobilité, si les transformations sont permanentes, un élément, la voiture, reste au coeur des débats, des innovations et des inquiétudes. Quelle sera sa place compte tenu des impératifs environnementaux nationaux, européens et mondiaux ? Les 32,5 millions de voitures particulières qui constituent le parc français sont-elles sur le point d’entrer dans une nouvelle phase, en passant de la propriété à l’usage ? En réalité, la transformation, si elle est inévitable, risque de se faire à deux vitesses.

La voiture, un élément central de la mobilité...

Plus qu’en Allemagne (35 %) ou en Californie (41 %), 43,7 % des Français n’ont pas d’alternative à la voiture pour réaliser leur trajet domicile-travail (sondage publié en 2017 par l’Institut Montaigne et Kantar-TNS Sofres). Que ce soit du fait d’une prise de conscience environnementale, ou d’une difficulté grandissante à ignorer les inégalités d’accès, le sujet de la mobilité et au coeur d’un nombre croissant de débats, sondages et enquêtes d’opinion. Ces questions touchant l’ensemble de la population, il est important que de larges consultations précèdent les décisions.

La propriété de sa voiture et son usage individuels comme facteurs sine qua non de liberté de mouvement sont remis en cause.

À l’échelle nationale avec les assises de la mobilité, ou européenne avec les semaines européennes de la mobilité organisées chaque année, les citoyens et usagers sont de plus en plus sollicités. Afin de réduire les émissions de CO2 liées au transport tout en garantissant une mobilité fluide et accessible aux citoyens, les nouvelles mobilités doivent être anticipées et encouragées.

Last mile solutions, multimodalité et mobilités douces soulèvent des questions nouvelles qui remettent l’usage de la voiture au centre du débat. Sa propriété et son usage individuels comme facteurs sine qua non de liberté de mouvement sont remis en cause au titre d’une double nécessité : permettre aux citoyens de se déplacer plus, tout en réduisant les externalités négatives liées au transport.

… et témoin de nombreuses inégalités.

Mais voilà : face à l’usage de la voiture, nous ne sommes pas tous égaux. Une récente étude au sujet de la mobilité rappelle notamment que 6 Français urbains sur 10 sont toujours dépendants de l’usage individuel de la voiture, bien que la réduction de sa part dans les déplacements soit plutôt bien accueillie, surtout par les jeunes. Pour autant, il ne faut pas que cela occulte une caractéristique majeure : 61 % de la population française vit dans une commune de moins de 20 000 habitants, 50 % dans une commune de moins de 10 000 habitants, et 45 % dans une intercommunalité (ou communauté de communes) de moins de 100 000 habitants. Alors qu’à Paris, la voiture est un moyen de déplacement marginal (12 % des déplacements), elle est un outil indispensable dans de nombreux territoires (plus de 70 % des déplacements dans les pôles urbains de moins de 100 000 habitants). 

Les inégalités d'usage de la voiture ne sont pas seulement territoriales, elles sont aussi sociales. En France, les catégories sociales les plus favorisées sont les moins dépendantes de la voiture, notamment pour les déplacements domicile-travail où 38 % des CSP + en sont dépendants, contre 49 % pour le reste des CSP et 44 % pour les inactifs (2017). Dès lors, il faut garder à l’esprit que la mobilité doit être pensée comme une nécessité propre et adaptée à toutes les tailles de communes, et à toutes les catégories sociales.

Les moyens de transport sont en mutation depuis de nombreuses années, et il semble que l’automobile soit soumise à des mutations la faisant passer d’un modèle de la propriété à celui de l’usage. Cela est flagrant dans les plus grandes villes, où les balbutiements de l’Autolib parisien ont laissé place à des solutions plus agiles, moins standardisées et centrées sur l’offre des constructeurs. Dans les communes de petite taille, de telles solutions semblent plus difficiles à implanter, que ce soit pour des raisons économiques - du côté des constructeurs - ou pour des raisons de manque d’infrastructures. Mais le but doit demeurer le même : passer d’une voiture en propriété individuelle à un simple usage ponctuel, au profit d’autres moyens de transport.

Loi d’Orientation des Mobilités : dans quel sens va-t-elle ?

C’est dans ce sens que va la Loi d’Orientation des Mobilités votée le 18 juin dernier, qui vise à proposer des alternatives à la voiture individuelle sur 100 % du territoire. Elle souhaite simplifier l’exercice de la compétence mobilité pour les communes, c’est-à-dire permettre à toutes les communes de proposer des solutions plus agiles. Car, c’est un fait, certaines lignes de bus sont loin d’être rentables, en particulier dans les communes de petite taille. Comme le proposait le rapport Quelle place pour la voiture demain ?, les solutions se trouvent en partie dans les expérimentations de solutions pouvant s’ajuster en temps réel à l’offre, en appui aux lignes de bus traditionnelles qui sont parfois trop peu denses et fréquentes. Dans cette optique, la circulation de navettes autonomes dès 2020 annoncée par la nouvelle loi est une bonne nouvelle pour les communes peu denses.

Selon cette même loi, les intercommunalités auront jusqu’à 2021 pour se saisir de ladite compétence, à défaut de quoi l’échelon régional prendra le relais. Si l’on souhaite voir émerger des solutions adaptées à toutes les échelles, surtout dans les communes les moins denses, les EPCI devront donc s’investir au plus vite dans cette démarche, et travailler en coopération avec les régions qui ont déjà la compétence des lignes de train et de bus régionales.

La Loi d’Orientation des Mobilités souhaite simplifier l’exercice de la compétence mobilité pour les communes, c’est-à-dire permettre à toutes les communes de proposer des solutions plus agiles.

La voiture de demain, partagée et dépersonnalisée, n’est donc ni un mythe ni un mirage, c’est une réalité dont s’emparent les usagers aussi bien que les industriels, à un rythme simplement plus rapide dans les grandes villes que dans les petites collectivités. Oublier ces dernières serait donc une erreur qui creuserait davantage le fossé des inégalités d’accès - à la mobilité, mais aussi au travail, à la santé et à l’éducation. Les efforts les plus importants pourraient bien s’avérer être comportementaux.
 

Rédigé par Waël ABDALLAH pour l'Institut Montaigne.

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