Attention, cet article peut dévoiler des éléments clés de l'intrigue.
En l’espace de moins de six mois entre juin et novembre 2016, les "Anglo-saxons" pour reprendre l’expression chère au Général de Gaulle, ont fait l’expérience d’une double révolution. Du référendum en faveur du Brexit à l’élection de Donald Trump, les mouvements populistes se sont renforcés, d’une manière inquiétante, sinon irrésistible, pour certains.
La Grande-Bretagne a-t-elle par son vote ouvert la voie à la "dérive" américaine ? Si les Britanniques ont dit "Non" à l’Europe, pourquoi ne dirions-nous "Oui" à un homme qui lui aussi rejette les "conformismes" des élites traditionnelles, pouvaient penser certains américains ? Nous pouvons aussi franchir le Rubicon.
Cette entrée dans un nouveau monde a inspiré des deux côtés de l’Atlantique les auteurs de séries. Deux en particulier, l’une américaine, l’autre britannique retiennent notre attention : la série américaine "Le Complot contre l’Amérique" et la série britannique "Years and Years". Ce sont toutes les deux des mini-séries de six épisodes. Même si l’une est une dystopie (autrement dit une réécriture du passé, tel qu’il ne s’est pas produit, mais tel qu’il aurait pu se produire) et l’autre une plongée imaginaire dans un futur très proche, leurs messages respectifs sont assez similaires. De fait, elles constituent, chacune à leur manière, une forme d’avertissement ultime censé engendrer la peur, mais elles laissent toutes deux une (petite) place à l’espoir. Le fascisme rode, le populisme progresse, mais rien n’est perdu. Les individus, par leur prise de conscience progressive du danger, par leur résilience et leur courage peuvent faire la différence, pour peu qu’ils ne se résignent pas au pire et dépassent leur passivité naturelle.
Ces deux séries assez proches, dans leurs thématiques comme dans leur esprit sont pourtant, dans la réalisation, comme dans l’écriture, de qualité inégale. La série américaine - au moins pour l’auteur de ces lignes - est d’une qualité très supérieure à la série britannique. Si vous devez n’en voir qu’une en cette fin d’été, choisissez "Le Complot contre l’Amérique", une série d’HBO visible sur OCS et My Canal.
The Plot against America
The Plot against America est d’abord un roman publié en 2004 par Philip Roth. Trois ans après l’attentat du 11 septembre, l’auteur de "Portnoy’s Complaint" choisissait de manière provocatrice de mettre l’accent, non sur la menace islamiste qui venait de l’extérieur, mais sur la menace interne à la société américaine : celle de la tentation droitière qui peut toujours déboucher sur le fascisme. Roth réécrit l’Histoire.
Aux élections présidentielles de novembre 1940, à la surprise générale, Franklin D. Roosevelt est battu par le héros de la première traversée en solitaire par avion de l’Atlantique, Charles Lindbergh. Ce dernier a fait campagne sur une ligne nationaliste et pacifiste, matinée de relents d’antisémitisme. Le talent de Philip Roth est d’avoir entremêlé la petite et la grande histoire, le destin d’une famille juive de Newark, New Jersey, la famille Levin, avec le virage d’abord improbable et insidieux puis dramatiquement spectaculaire de la vie politique des États-Unis.
David Simon, l’auteur de séries cultes comme "The Wire" et plus récemment "The Deuce" a choisi d’adapter le roman de Philip Roth qui à l’heure de Donald Trump lui a semblé d’une extraordinaire actualité. Il le fait avec beaucoup de finesse et d’intelligence. Certains critiques jugent même que la qualité de la série, sortie en 2020 en France, est encore supérieure à celle du roman. Un point de vue sans doute injuste. La série est tout simplement plus actuelle en 2020, que ne pouvait l’être le roman en 2004. C’est le génie de l’artiste, s’il est grand, de faire preuve d’intuitions prémonitoires.
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