Aux États-Unis, la loi californienne AB5 donne la possibilité aux travailleurs de plateformes d’être requalifiés en salariés, ce qui a entraîné des contestations judiciaires de la part des plateformes. Quel est le contexte américain ?
En septembre 2019, le Sénat de Californie a passé une Assembly bill, soit la traduction législative d’une décision de la Cour suprême de l’État de Californie. Appelée "loi Uber", car touchant les 400 000 chauffeurs Uber, Lyft et autres plateformes de transport privé, cette loi renverse la charge de prouver que le travailleur est indépendant - et non salarié - à l’employeur.
La loi AB5 définit trois critères pour qualifier un travailleur comme indépendant et non à la charge de l’employeur : le travailleur ne doit pas être contrôlé par l’entreprise, son travail ne doit pas être central au coeur de métier de l’entreprise, et il doit avoir une entreprise constituée comme entité indépendante d’un point de vue administratif.
Cela a entraîné des modifications dans la relation entre les travailleurs et les plateformes. Par exemple, Uber expérimente dans certaines villes californiennes des conditions algorithmiques différentes pour permettre aux chauffeurs de fixer leurs prix et d’avoir accès à davantage d’informations avant d’accepter ou de refuser une course. Ces modifications sont faites pour pouvoir éviter de tomber sous le coup d’AB5. Cependant, les critiques questionnent la liberté de fixer les prix puisque, in fine, les chauffeurs avec les prix les plus bas obtiennent les courses.
En réalité, la "loi Uber" AB5 concerne beaucoup d’autres secteurs que les VTC. S’appliquant aussi aux entreprises de ménage, de transport routier et métiers créatifs, elle touche 1,5 à 2 millions de travailleurs en Californie. De manière générale, aux États-Unis les enjeux pour les travailleurs d’une telle loi sont différents de ceux énoncés lors des batailles juridiques en France. En effet, il ne s’agit pas tant de sécurité de l’emploi et de cotisations salariales à payer, car les salariés américains ne bénéficient pas des mêmes avantages. Il s’agit avec AB5 de permettre d’étendre le salaire minimum à tous ces nouveaux travailleurs et de pouvoir envisager des formes de négociation collective.
Par ailleurs, l’État de Californie est marqué par un contexte particulier, puisqu’il traverse une crise de recrutement très aiguë concernant tous les métiers à faible rémunération : chauffeurs, serveurs ou personnel de ménage. En partie dûe à un coût du logement particulièrement cher en Californie, cette crise est renforcée par les politiques de Donald Trump qui restreignent l’immigration.
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